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Les cuisiniers Historiques et leur registres

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Les cuisiniers Historiques et leur registres Empty Les cuisiniers Historiques et leur registres

Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 10:47

Jean de Bockenheim
1430

Registrum coquine

Le registre de cuisine a été écrit vers 1430 (entre 1431 et 1435 d'après Bruno Laurioux) par Jean de Bockenheim, un cuisinier allemand du pape Martin V.
Comme il n'était pas seulement cuisinier, mais aussi clerc, Jean Herbordi de Bockenheim a poursuivi une carrière ecclésiastique dans les diocèses de Worms et Mayence, après avoir quitté le service du pape à Rome.

Manuscrit écrit en latin, Registrum coquine comprend 74 recettes, écrites dans le style succinct du manuscrit de Sion, contrairement aux livres de cuisine de Maître Chiquart ou Maestro Martino, davantage rédigés à la même époque.

Le manuscrit présente 3 parties :

recettes 1 à 54 : recettes pour jours gras
recettes 55 à 61 : registre de cuisine pour Carême, présentant surtout des recettes de légumes
recettes 62 à 70 : registre de poisson.
Certaines recettes sont très proches de celles de Maestro Martino et de la cuisine italienne de l'époque.
D'autres recettes sont très proches du Bûch von gûter spîse et de la cuisine allemande utilisant le miel et le lait.

Une des spécificités de Jean de Bockenheim est d'indiquer les personnes à qui il destinait ses recettes.
Alors que les recettes médiévales sont en général écrites pour les grands de ce monde (Du fait de cuisine) ou pour les riches bourgeois (Le Ménagier de Paris), Jean de Bockenheim propose des recettes par nationalités :

Pour les Italiens, les Frisons ou les Slaves, les Allemands (2 - Et erit bonum pro Italicis... 5 - Pro Almanis... 20 - Et erit bonum pro Frisonibus et Slavis...).
Ou par catégories sociales : pour les nobles, les religieux ou les paysans (16 - Et erit pro nobilibus... 54 - Pro religiosis... 70 - Et erit pro villanis).
Il va jusqu'à proposer une recette pour rufians et débauchées (49 - Et erit pro ruffianis et leccatricibus) : en réalité une simple omelette aux oranges !

5 - Sic prepara carnes bovinas.
Recipe et lava bene ut prius; et fac illas bene bulire.
Et mitte superius anetum viridum, aut cepas, cum sale, et zapharano, cum modico aceto.
Et erit bonum pro Almanis.

Ainsi se prépare la viande de boeuf.
Prends et lave bien comme auparavant; et fais bien bouillir.
Et mets de l'aneth frais par-dessus, et des oignons, avec du sel, et du safran, avec un peu de vinaigre.
Ce sera bon pour les Allemands.

Jean Herbordi de Bockenheim
Manuscrit 7054, Bibliothèque nationale de Paris, 1431-1435


Recette en lien:

Omelette pour proxénètes et prostituées
Oeufs pour religieux


Dernière édition par Jean le noir le Sam 6 Jan - 18:22, édité 3 fois
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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 10:56

Taillevent
1380


Le Viandier et le manuscrit de Sion

Le Viandier
Ce livre de cuisine le plus diffusé à l'époque médiévale, a été attribué à Guillaume Tirel, dit Taillevent.

Que sait-on du plus célèbre cuisinier médiéval en France ?
Il serait né vers 1310 et mort vers 1395.
Il aurait débuté comme marmiton dans les cuisines de la reine Jeanne d'Evreux.
Il aurait été cuisinier de Philippe IV de Valois, sergent d'armes de Charles V, écuyer de cuisine de Charles VI.

1er écuyer de cuisine du Roi
Grand Maître Queux
Maître des Garnisons de cuisine du Roi
Né à Pont Audemer en Normandie en 1310

Marié à Jeanne Bonnard, qui décède en 1363, il épouse en secondes noces d’un milieu social plus élevé Isabeau Le Chandelier qui décède en 1404.

Il entre au service de Jeanne d’Évreux 3ème épouse du Roi Charles IV le Bel, comme enfant de cuisine
En 1346, il travaille pour Philippe de Valois, (Philippe VI Roi de 1328 à 1350) comme écuyer et « queux » en 1355.
En 1359, Le Fils de Jean II le BON, Duc de Normandie et régent du royaume pendant la captivité de son père à Londres, le prend à son service, il y restera le temps de son règne devenu Roi sous le nom de Charles V de 1364 à 1380.
1362 : Le Duc de Normandie donne à Guillaume Tirel la somme de cent francs d’or pour services rendus, afin qu’il s’achète une maison à Paris pour être plus prêt du Roi.
En 1373, Guillaume Tirel devient « premier queux » en somme chef de cuisine et même parallèlement sergent d’armes.
En 1380, il passe au service du Roi Charles VI (1380 / 1422) qui l’anoblît en 1381
En 1392, il devient « Maître des Garnisons de cuisine du Roi »
Il décède en 1395 à 85 ans, à St Germain en Laye.

Guillaume Tirel, dit Taillevent : pierre tombale
Le musée de Saint Germain en Laye possède une pierre tombale qui provient de la sacristie de l'église du Prieuré d'Hanemont.

Taillevent en armure est entouré de ses 2 femmes :
A gauche, Jeanne Bonard, décédée en 1363.
A droite Isabeau Le Chandelier, morte après lui en 1404.

Les cuisiniers Historiques et leur registres Taille10

Taillevent est figuré avec un écu accroché à son épée, décoré de ses armoiries : 6 roses et 3 marmites.

Nous possédons actuellement 4 versions du Viandier.
Elles commencent par une phrase qui les attribuent à Taillevent de la manière suivante :

Manuscrit de la Bibliothèque Nationale : Cy comence le Viandier de Taillevant Maistre queux du Roy nostre sire.
Manuscrit du Vatican : Cy commence le viandier Taillevent, maistre queux du Roy de France, ouquel sont contenues les choses qui s'ensuivent.
Texte imprimé du 15e siècle : Ci après sensuyt le viandier pour appareiller toutes manières de viandes que Taillevent, queulx du roy nostre sire, fist tant pour abiller et appareiller boully, rousty, poissons de mer et d'eaue doulce : saulces, espices et aultres choses à ce convenables et nécessaires, comme cy après sera dit.
Depuis la découverte du manuscrit de Sion, publié en 1953, nous savons que ces différentes versions du Viandier sont des réécritures et des agrandissements de la version primitive du manuscrit de Sion, antérieure à la naissance présumée de Taillevent.
Qu'a vraiment rédigé Taillevent ?
Est-il un simple compilateur ou certaines recettes qui n'existent pas dans la version primitive sont d'authentiques créations de Taillevent ?
Le saurons-nous un jour ?

Voici les 4 versions du Viandier.

Nous donnons également la recette du brouet de cannelle, pour en montrer les différences de manière concrète, dans 3 versions du Viandier et dans le manuscrit de Sion :

1 - Manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Paris)
145 recettes, composé avant 1392, vers 1380 d'après Jérôme Pichon.

Viandier de Taillevent, manuscrit de la Bibliothèque Nationale, transcription et traduction en français, sous la direction d'Annick Englebert, Université libre de Bruxelles.

Brouet de canelle.
Cuisés vostre poulaille en eaue et vin, ou autre grain, et despeciés par quartiers, et friolés; prennés almendez toutes seiches, et cuisés sans peller, et de canelle grant foison; broiés, coullés, et deffaites de vostre boullon de buef, et boulliés bien aveques vostre grain, et du vergus; et prennés gingembre, girofle, graine de paradis, et soit liant.

Cuisez votre volaille ou toute autre viande dans de l'eau et du vin, coupez-la en morceaux et faites-la revenir; prenez des amandes toutes sèches et cuisez-les sans les peler et de la cannelle en grande quantité. Broyez le tout, passez (à l'étamine) et délayez avec du bouillon de boeuf, et faites bien bouillir avec votre viande et du verjus. Ajoutez gingembre, girofle, graine de paradis. La sauce doit être épaisse.

2 - Manuscrit du Vatican
156 recettes, manuscrit de la première moitié du 15e, appartenant au fonds de la reine Christine de Suède.

Texte complet en langue médiévale selon Pichon/Vicaire, Le Viandier, 1892, repr. 1967, 73-136.

Viandier de Taillevent, manuscrit du Vatican, transcription et traduction en français, sous la direction d'Annick Englebert, Université libre de Bruxelles.

Brouet de canelle.
Cuissiez bien vostre poulaille en vin ou eaue, ou tel grain comme vous vouldrez; et le despeciez par quartiers, et friolez, puis prenez amendes toutes seiches, et cuisez sans peler, et de canelle grant foison, et brayez, et coullez, et le deffaictes de vostre boullon de beuf, et faictez bien boullir avecques vostre grain, et du verjus, et prenez girofle et graine de paradiz, braiez, et mettez ensemble; et soit lyant et fort.

Cuisez bien votre volaille dans du vin ou de l'eau, ou la viande que vous voudrez; coupez-la en morceaux et faites-la revenir, puis prenez des amandes toutes sèches, cuisez-les sans les peler, et de la cannelle en grande quantité, et broyez le tout, et passez (à l'étamine) et délayez avec votre bouillon de boeuf, et faites bien bouillir avec votre viande et du verjus. Et prenez girofle et graine de paradis, broyez-les et ajoutez.
Que ce soit épais et fort.

3 - Manuscrit de la Bibliothèque Mazarine (Paris)
141 recettes, ce manuscrit du 15e siècle fait partie d'un recueil d'extraits de notes de médecine, de tableaux de mathématiques et d'astrologie.

Le Viandier de Taillevent de la Bibliothèque Mazarine, transcription et traduction en français, sous la direction d'Annick Englebert, Université libre de Bruxelles.

4 - Texte imprimé en 1486 (?) et réédité jusqu'en 1604
221 recettes et plusieurs menus complets.

Pour faire brouet de canelle a chair, prenés veau et poulaille, et despecés par pièces, et faictes refaire, et puis souffrisés et ung peu de sain de lart, au frire, et mettés aussi du bouillon de beuf, et puis prenés des amandes broyés a toute l'escorce, et les deffaictes atout le bouillon de beuf; et prenés des foyes de poulaille, et les mettés couler avec les amandes, et puis prenés des espices, c'est assavoir grant foison canelle, gigembre, clou de girofle et grayne de paradis, et soyent broyés les espices et destrempés de vin vermeil, et mettés sucre à foyson dedens, et la saisonnés de sel ainsi qu'il appartient.

Pour faire brouet de cannelle à la viande, prenez veau et volaille, coupez-les en morceaux, et faites revenir, et puis faites sauter ou frire avec un peu de saindoux, et mettez aussi du bouillon de boeuf, et puis prenez des amandes broyées et non pelées, et délayez-les avec le bouillon de boeuf. Puis prenez des foies de volaille, et passez-les (à l'étamine) avec les amandes, et puis prenez des épices, c'est à dire beaucoup de cannelle, du gingembre, clou de girofle et graine de paradis.
Broyez les épices et délayez-les dans du vin vermeil, et mettez beaucoup de sucre dedans et assaisonnez de sel comme il convient.

Le manuscrit de Sion
Trouvé dans la bibliothèque cantonale du Valais, en provenance de la bibliothèque Supersaxo (fin 13e, alentours de 1300), ce parchemin a été attribué par erreur à Taillevent.
Il a été écrit avant la naissance de Taillevent et comporte 133 recettes.

Edition Régis Lehoucq à la suite des textes du Viandier.
Publication de la revue Vallesia VIII, 1953 par Paul Aebischer.

Texte complet en langue médiévale Der 'Viandier' der Bibliothèque cantonale du Valais, Sion, S.108, selon Paul Aebischer.

Manuscrit de Sion, transcription et traduction en français, sous la direction d'Annick Englebert, Université libre de Bruxelles.

Brouet de canelle :
Cuisiez vostre poulaille en vin ou en eaue, ou telle char que vous vourez; metez par quartiers; friollés, prenez almandrez toutes saiches sans peller, et de la canelle grant foison; broiez, coulez, desfaitez du boillon; faitez boullir avec grain, du verjus avec; gingembre, girofle, graine de paradis; et soit liant.

Cuisez votre volaille, ou la viande que vous voulez, dans du vin ou de l'eau; coupez-la en morceaux; faites revenir; prenez des amandes toutes sèches sans les peler et de la cannelle en grande quantité; broyez, filtrez, délayez avec du bouillon; faites bouillir avec votre viande et du verjus; gingembre, girofle, graine de paradis; que ce soit épais.

Recette de cuisine, à partir du Brouet de cannelle :
Poule au pot à la cannelle et aux amandes.

Hochepot de poullaille (Hochepot de volaille).

Manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Paris) :

Metés par membres suffrire en sain de lart, broiés pain brullé et vos foies, deffaites de bouillon de buef, et metés bouillir aveques vostre grain; puis affinez fines espices deffaites de verjus; soit noir cler, et non pas trop.

Coupez en morceaux et faites revenir au saindoux, puis broyez du pain grillé et vos foies, délayez avec du bouillon de boeuf et faites bouillir avec votre viande.
Puis prenez des fines épices en poudre délayées dans du verjus. Que ce soit noir clair, mais pas trop.

Manuscrit du Vatican :

Prenez vostre poullaille et la despeciez par membres, et la mettez souffrire en sain de lart : puis prenez ung pou de pain brullé et des foies de la poullaille, et deffaictes de vin et de boullon de beuf, et mettez boullir avec vostre grain; puis affinez gingembre, canelle, et grainne de paradiz, et deffaictes de vertjus; et doibt estre claret noir et non pas trop.

Prenez votre volaille et coupez la en morceaux.
Faites la revenir dans du saindoux, puis prenez un peu de pain grillé et des foies de volaille.
Délayez avec du vin et du bouillon de boeuf et faites cuire avec la viande.
Puis réduisez en poudre gingembre, cannelle et graine de paradis et délayez avec du verjus.
Cela doit être noir clair mais pas trop.

Recette de cuisine, à partir du Hochepot de poullaille :
Poulet au vin et au verjus parfumé à la cannelle et au gingembre.

Le Viandier (1373-1380)


Recette en lien:

Taillies

Les cuisiniers Historiques et leur registres Le_liv10


Dernière édition par Jean le noir le Ven 12 Jan - 9:49, édité 4 fois
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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:03

Maître Chiquart
1420

Du fait de cuisine

La région Rhône-Alpes a la chance d'avoir un des rares cuisiniers de l'Europe médiévale connu par son livre de cuisine : Maître Chiquart.

En 1420, Maistre Chiquart dicte Du fait de cuysine, au clerc Jehan de Dudens à Annecy.
C'est en fait le Duc Amédée VIII qui a demandé à Maistre Chiquart de mettre par écrit son art de cuisinier à la gloire de la cour de Savoie.

Du fait de cuisine nous est connu par le manuscrit S 103 de la Bibliothèque cantonale du Valais à Sion.
Ce manuscrit provient de la bibliothèque de l'évêque Supersaxo (15e siècle).
Le texte a été transcrit par Terence Scully, un universitaire canadien, et édité par la revue Vallesia en 1985.

L'homme transparaît dans le texte avec sa fierté de cuisinier, sa méticulosité et le souci de propreté qui le caractérisent : ... le grain de l'avenast [doit] estre ainsi delit et mondé, si le lavés en trois ou en quatre eaues tedes et le mectés boullir en olle clere, belle et necte (le gruau d'avoine doit être trié et mondé, on doit le laver en trois ou quatre eaux tièdes et le faire bouillir dans une marmite claire, belle et propre).

On voit fonctionner toute une cuisine princière des années 1400, avec son matériel, son personnel, ses difficultés d'approvisionnement, à travers des recettes qui vont du plus simple (l'emplumeus de pomes, 73) au plus sophistiqué (ung entremés eslevé de ung chastel, 10).

D'autre part, une musique du texte, très personnelle, est créée par des motifs répétitifs tels que : et pour donner entendement a celluy qui le fera si prenne ... ou bien et pour donner à savoir a celluy qui l'apprestera si face qu'il hait ....

Ainsi, au-delà de l'énoncé des recettes et des procédés, Du fait de cuisine se caractérise aussi par ses qualités littéraires.

Broet d'Alamaniz
En français : Brouet d'Allemagne,

Encore plus, ung broet d'Alamaniz : et pour donner entendement a celluy qui le feraz, selon la quantité qu'il en doibt faire si prennés ces chappons et les appareilliés nectement, et fendés et mectés par cartiers; selon la quantité dudit potaige qui luy sera donné en charge, si prenne le grein a l'avenant de la dicte poullaille selon ce que s'ensuit de l'autre potagerie, ou de porcs ou d'aigneaulx, de caprilz ou de veau, et telz grein soit depiecez a l'avenant du quartier de la dicte poullaille; et pour ce prennés des oygnions selon la quantité du greyn que vous ferés et les chapplés bien minuz, et me prennés du gras dou bacon et le fondés grandement; et mectés vostre grein selon la quantité que vous avés ou en chaudieres ou en olles belles et nectes, et puis mectés vos voz oygnions et le lard parmy vostre grein et soit frit tout ensemble; et, selon la quantité de vostre grein, prennés d'amendres et les fectes nestoyer qui n'y ait nulles croyses et les faictes laver tresbien en bonne eaue chaude, et puis les faictes tresbien broyer sans plumer et les faictes arrouser du broet du beuf; et puys prennés une belle cornue et les estaminés avecques le broet du beuf selon la quantité que vous en voulés fayre, et sy advisés qu'il ne soit tropt salé; et puis prennés de bon vin blanc et de verjust selonc la quantité du boyllon et mectés dedans, et de gingibre blanc, grane de paradix, du poyvre et non pas tropt, noix muscates, et de toutes minues espices comme giroffle et macit, et du saffran pour lui donner couleur - et de toutes cestes espices mectés en par actrempance; et, estre pisiés, mectés les dedans vostre boullon, et de celluy boullon parmi vostre grein souffrit, et du sucre dedans grant quantité selon la quantité du boullon. Et quant tout ce sera ensemble, sy goustés se yl y a de riens trop ou pou affin que vous y secourés, et vous advise du sel; et sy vous advisés du grein qu'il ne se cuise tropt, car le chevreaux et le veaul sont plus tendres que la poullaille. Et quant vostre grein sera cuit de bon point et on en vouldra drecier, si mestés vostre grein appart et en mectés es platz et puis dudit boullon mectés par dessus.

Ung emplumeus de pomes
En français : Une bouillie sucrée de pommes

Encour plus, emplumeus de pomes : pour donner entendement a celluy qui le fera sy prennés de bonnes pomes barberines selon la quantié que l'on en vouldra faire et puis les parés bien et appoint et les taillés en beaulx platz d'or ou d'argent; et qu'il hait ung beau pot de terre bon et nect, et y mecte de belle eaue necte et mecte boullir sur brase belle et clere et mecte boullir ses pomes dedans. Et face qu'il ait de bonnes amendres doulces grant quantité selon la quantité des pomes qu'il ha mis cuire, et les plume, nectoie et lave tresbien et mectés broyer au mortier qui ne sante point les aulx, et si les broie tresbien et les arouse du boullon en quoy cuisent lesdictes pomes; et quant ledictes pomes seront assés cuictes si les tirés dehors sur belle et necte postz, et de celle eaue colle ses amendres et en face lait qui soit bon et espés, et le remecte boullir sur brase clere et necte sans fumee, et bien petit de sel. Et entretant que il bouldra si hache bien menut ses dictes pomes a ung petit et nect coutel et puis, estre hachiés, si les mecte dedans son lait, et y mecte du succre grant foison selon ce que il y a desditz emplumeus de pomes; et puis, quant le medicin le demandera, si le mectés en belles escuelles ou casses d'or ou d'argent.

Du fait de cuisine
par Maistre Chiquart


Jesus.
/2r/ Lubrica gencium memoria, frequenter que clara sunt reducit dubia, propter que fides veterum provida decrevit rerum seriem scripture testimonio perhempnari, ut ea que mentis humane fragilitas non recolit seripturis appareant auctenticis, stabilita noscant igitur, tam modernorum presencia quam futurorum posteritas, hec infrascripta.

Yci s'ensuit le repertoyre des choses contenues en cestui pitit compendi et livret dicté Du fait de cuysine par maistre Chiquart, cueux de nostre tresredoubté seigneur, le duc de Savoye, en l'an de la nativité nostre sauveur Jhesus Crist corent mil quatre cent et ving, escrip par moy, Jehan de Dudens, clerc, bourgois de Annessier le bourg. Et premierement l'introite ou proheme /2v/ en soi contient les quatre causes principales que doyvent estre en toute bonne euvre, c'est assavoir, cause efficient, material, formal et final; et l'envocacion divine, en soubstenant le dit du saige qui dit, La ou Jhesus Crist non est fondemant, de rechief tombe le ediffiement. 1

La provision des chars - folio xii
La provision de les espices - xiii
Coment les cueux doyvent estre assemblés - xiiii
La provision des chaudieres et autres choses necessayres a la cuysine - xiiii
La provision du poysson, tant de mer comme de eaue doulce - xvi
La provision des fromaiges, toylles, draps, couteaulx et autres choses necessaires - xvii
/3r/ Le fait[t de patisserie 2 - xviii]
Les or[donnances des divers ouvriers - xviii]
Le pri[mier servir : ung broet blanc (n° 1) - xviiii]
Ung [broet d'Alamaniz (n° 2) - xx]
Un[g broet de Savoye (n° 3) - xxi]
Un[e saulce lampree de lomblos de beuf (n° 4) - xxii]

1 Luc 6, 49.
2 La plus grande partie du f° 3 est déchirée. Tout ce qui en reste est un talon en haut où on lit à peine quelques mots ou lettres, ou quelques chiffres, au recto et au verso.

P[atisserie de beuf d'aute gresse - xxii
Entremés de hures de sangliers dorees et armees (n° 5 et 6) - xxiii
Pour la secunde assise - xxv
Le broet camelin (n°7) - xxvi
Le broet rossee ( n°8 ) - xxvii
Ung blanc mangier parti de quatre couleurs tout en ung plat (n° 9) - xxviii
Ung entremés eslevé de ung chastel (nos 10 et 11) - xxx
/3v/ Pour le soupper ...]ices - xxxiiii
[Une tremollete] (n° 12) -eodem xxxiiii
[La chyvrolee de cerf] (n° 13) - xxxv
[Le saupiquet pour mectre sur co]nins (n° 14) - xxxvi
[La division de la disnee pour l'endemain, et primierement ung broet tyolli] (n° 15) - xxxvi
[Les porriaux blancs] (n° 16) - xxxvii
[Des souppes de lyevres] (n° 17) - xxxviii
[La souppe jacobine (n° 18) - xxxviii
Ung gravé d'oysellés et de poullaille (n° 19) - xl
La division du soupper de l'endemain - xli
Ung buchat de connins (n° 20) - xli
Des tortes parmeysines (n° 21) - xliii
Tractatus de piscibus cum salsis incombentibus - xlviii
Ung broet blanc de poisson (n° 23) - xlviiii
Une arbaleste de poisson (n° 24) - l]
/4r/ Ung broet d'Alemaigny de poyssons (n° 25) - li
Ung broet de Savoye (n° 26) - lii
De quoy sera servi a la secunde assise 3 - liii
Flons de lait d'amendres (n° 28) - liiii
Tartres de poyssons (n° 29) - lv
Les divisions des salses partinens aux poyssons tant de mer comme de eaue doulce - lvi
Comme le daulphin freis se doibt appareillier et aussy le daulphin salé (n° 30) - lvi
Ung broet camelin (n° 31) - lvii
Ung broet rosee (n° 32) - lviii
Ung blanc mangier parti de quatre couleurs tout en ung plat (n° 33) - lix
Comment se doyvent appareillier les lamproyes en roust (n° 27) - lix
Le soupper du second jour /4v/ a servir de poysson et sa division; une sorengue d'anguilles brune (n° 34) - lxi

3 Le compilateur de cette table a omis de reporter, après ce titre, une mention de la recette (n° 27) pour les lamproies (f° 53r), mais l'a insérée un peu plus loin (entre les nos 33 et 34) devant un numéro de folio erroné.

Ung beau boullir larder de tenches (n° 35) - lxii
Ung saupiquet sur poysson tant de mer comme de eaue doulce (n° 36) - lxii
La division de la disnee de poyssons a l'endemain - lxiii
Ung broet georgé sur le poysson frit (n° 37) - lxiii
Ung gravé de tripes de poissons (n° 38) - lxiiii
La division du supper ensuivant - lxv
Ung broet de verjust sur le poysson frit (n° 39) - lxv
Les tortes parmeysines de poysson (n° 40) - lxv
La division de mellierie en mes et en entremés: le service des .ii. jours dessusditz qui /5r/ le vouldroit faire - lxvii
Premieremant le pasté coquart (n° 41) - lxvii
Les ordonnances des salses esquelles il se doib mangier (nos 42, 43 et 44) - lxviii
Les chappons pelerins (nos 45 et 46) - lxx
Une calunafree de perdrix (n° 47) - lxxii
Une calaminee et la froyde sauge (nos 48 et 49) - lxxiii
Les pastelz nurriz (n° 50) - lxxv
Les rosseolles (n° 51) - lxxvi
Ung chaut mengier (n° 52) - lxxvii
Les espalles de moutons mengiees a leur sang (n° 53) - lxxviii
Le bourbully de cengler tant joyne comme gros (n° 54) - eodem lxxviii
Et la salse en la quelle se menge (n° 55) - iiiixx
Les mortoefs (n° 56) - iiiixx
Une vinaigrete (n° 57) - iiiixxii
/5v/ Une gense (n° 58) - iiiixxiii
Ung broet grué de chappons (n° 59) - eodem iiiixxiii
Les testes de caprilz dorees (n° 60) - iiiixxiiii
La frasa (n° 61) - iiiixxv
Une gratunee de pollas (n° 62) - iiiixxvi
Une gratunee d'Espaigny (n° 63) - iiiixxix
Les espalles de moustons farciees et dorees (n° 64) - iiiixxx
Le titre des viandes pour les malades 4 - iiiixxxiii
Et premierement ung restaurant (n° 65) - iiiixxxiii
Une resise (n° 66) - iiiixxxvi
Une borre d'amandres (n° 67) - iiiixxxviii
Les escrevisses farciees (n° 68) - iiiixxxviii
Une puree verde pour malades (n° 69) - iiiixxxix
Une autre puree faicte ou lait d'amendres (n° 69a) - c
Les cuyns en pasté pour les seigneurs (n° 70) - c
Ung couleys (n° 71) - cii
/6r/ Les poyres cuytes sans brase ne eaue (n° 72) - cii
Ung emplumeus de pomes (n° 73) - ciii

4 En marge Vide vide pro infirmis.

Ung blanc mangier de chappons (n° 74) - ciiii
Ung blanc mangier de perdrix (n° 74a) - ciiii
Encour plus, l'avenas (n° 75) - cv
Les syseros (n° 76) - cv
La simollee (n° 77) - cvi
Et l'orjat (n° 78) - cvi
Et derrenierement les laux, graces et mercyz rendues par le compyleur de cest pitit livret - cvii

/11r/ Assit principio sancta Maria meo. Jesus Christus.

A vous treshault, tresrenommé et trespuissant prince et seigneur, monseigneur Aymé, premier duc de Savoye, honneur et reverence, avec prompte volenté d'obeir a voz commandemens, treshumble et devobt recommendacion premise. Jadiz, mon tresredoubté seigneur, moy Chyquart, tel quel, combien que le derrenier de voz humbles subgietz, toutes foys vestre propre serviteur en grant affection et avecques grant desir, par maintes foys me avés requis et commandé que, comme la memoyre de l'ome soit labile et deffaillant et que des choses ne seroit nulle memoyre ne certaineté se ce n'estoyent les escriptures: Quoniam memoria hominis est labilis et sepe memorie injuriatur oblivio nisi scripture suffragio innaretur. Idcirco ad infrascripta per scripture memoriam decernanda 5; et vous soyés desirant et entendés par aucuns temps aucunes festes et sollenees receues fayre, je voulsisse par escript laissier aucune science de l'art de cuysinerie et de cuysine /11v/ meysmement que, comme vous dictes et affermiés, que je soye instruict et suffisant en celle science et art, pour contemplacion de vous et playsir, et comme vous savés par pluseurs foys j'ay cecy reffusé et contredit meysmement, car tant de science comme de vie je siez es bas lieux - in ymis locis - et a telle science savoir et apprehendre pou ou jamais je n'ay mon entendement adressié par ignorance et negligence, et aussy car je n'ay nuls livres ouz escriptz faysans de cecy mencion ne memoyre, vous ay dit en telles choses nullement avoir force ne entendement; mais vous, mon tresredoubté seigneur, en repliquant constanment et fermement m'avés ditz que, par quelconques excusacions par moy dictes ne devant vous alleguees, je ne suis pas a excuser et que, se a ce faire seulement la main de ma volenté je vouloye mectre, que Dieu me donneroit vouloir 6 et pouvoir pour bonne volenté; et que ce que concerne et tend a l'utilité, prouffit et plaisir de pluseurs, et mesmement tant de vous que des aultres, pour mon pouvoir /12r/ je

5 Sentence qui constitue une espèce de lieu commun au moyen âge: Quia labilis est hominum memoria et infirma... Nicolaus de Camillis, Januensis, Flores apparatus Innocentii papae IV super Decret. Gregorii IX (HAURÉAU, V, 85v); Quia labilis est hominum memoria, idcirco ego Nicolaus de Canilla, Januensis diocesis... (idem); Quoniam hominum memoria labilis est... (HAURÉAU, V, 139v); voir aussi HAURÉAU, IV, lv.
6 vouloir: ms. vouloit.

vouloye exequir et faire, ostee toute achoyson et occasion, me cherroit et seroit en grant merite, loenge et honneur. Finablement, mon tresredoubté seigneur, par cestes et aultres pluseurs instances et raysons vostres vaincu et macté, toutesfoys paoureux et tremblant, mays de l'ayde 7 de Dieu et bon plaisir de vostre volunté consens a vostre desir et commandement, hay treshomblement donné mon assentement. Et par cestes choses animés et coraigés, non pas sans grant peyne et grant labour, ceste euvre pour mon povoir hay empryz a parfaire par la maniere qui s'ensuit.
Et premieremant Dieu premis a faire une treshonnourable feste en laquelle y soient roys, roynes, ducz, duchesses, contes, contesses, princes, princesses, marquis, marquises, barons, baronnesses et prelatz de mains estatz, et nobles /12v/ aussy a grant nombre, faut, pour le ordinayre de la cuisine 8 et pour faire la feste honorablement a l'onneur du seigneur qui fait ladicte feste, les choses que s'ensuivent.
Et premierement : cent beufs de haulte gresse, cent trentaines de moustons aussi d'aute gresse, .vixx. porcs; et, pour chascun jour durant la feste, cent porcellos pititz, tant pour roustir come pour autres besoingnes, et .lx. gros porcs de haulte gresse salés pour larder et potaiger.
Et pour ce soit le bouchier saige et bien advisié que il soit bien pourveu pour tant que, se ainsy estoit que /13r/ la feste durast plus que on n'entend, que on eust bien tost ce que sera mestier; et aussi, soit que il y ait de sobres, n'en cureroit car il ne perd riens.
Et si fault avoir pour ung chescun jour de la dicte feste deux cent que caprilz que aigneaulx, cent veaulx, et .iim. chiefs de poullaille.
Et si fault que vous ayés voz poullaylliez 9 soubtilz, diligent, saiges, qui hayent .xl. chevaulx pour aler en divers lieux pour avoir chevreaulx 10, lievres, conins, perdrix, faisans, petis oyseaux (ce que ilz en pourront avoir sans nombre), oyseaulx de riviere (ce que on en pourroit finer), pijons, grues, heygrons et tous oyseaulx sauvaiges - ce que on trouveroit de sauvagine quelconque 11. Et a cecy ilz entendent par .ii. moys ou .vi. sep/13v/maines devant la feste, et que ilz soient trestouz venus ou aient transmis ce que ilz auront peu finer par trois ou quatre jours devant la dicte feste affin que les dictes venoysons se puessent feysuner 12 et mectre une chescune a son droit.

7 de: grâce à, avec.
8 NOLA distingue entre la cocina de boca, destinée aux repas des seigneurs, et la cocina de estado, pour la maisonnée ou les serviteurs ordinaires, qu'il appelle «la cocina del palacio, o la parte de ella en que se guisaba la comida del personal palatino y servidumbre» (p. 239, nn. 356 et 357).
9 Voir le règlement des «Poulailliers» à Paris dans le Livre des métiers d'ETIENNE BOILEAU, éd. G.-B. DEPPING, Paris, 1837, p. 178. Ces marchands vendaient de la volaille en général.
10 chevreaulx: il faut comprendre «chevreuils»; cf. chevrieu au f° 35r.
11 A propos du goût de la maison de Savoie pour le gibier, à poil et à plume, frais et salé, voir NADA PATRONE, Il cibo del ricco, pp.297-316, et pp. 309-310 en particulier.
12 feysuner: ms. fesnuer ?

Les cuisiniers Historiques et leur registres 51g0ie10



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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:12

Maestro Martino
1450


Libro de arte coquinaria

Maestro Martino est le cuisinier médiéval le plus connu d'Italie.
On l’a dit longtemps originaire de Côme et on l’appelait Martino da Como, alors que son nom serait Martino di Rossi ou di Rubeis (Martino Rubro en latin, selon Platine).
En fait, il serait né dans la vallée de Brenno (val di Blenio), dans le Tessin Suisse, qui dépendait, au Moyen Age, du duché de Milan.
Depuis peu, on connaît mieux sa carrière professionnelle.
Comme Taillevent, il a eu une longue carrière de cuisinier (peut-être 50 ans d’activité), mais avec une plus grande mobilité professionnelle.

Il a d’abord travaillé à Milan, au service de Blanche Marie Visconti, la femme de Francesco Sforza, duc de Milan (1457-1462).
Puis il a été au service de Ludovico Trevisano, patriarche d'Aquilée (1462-1465).
Ce cardinal vénitien, qui était aussi médecin, fut un des plus riches prélats du 15e siècle.
Il avait une cour somptueuse à Rome, où officia Maestro Martino.
Trevisano a été surnommé le cardinal Lucullus et sa table considérée comme la meilleur de Rome.
A sa mort en 1465, Martino fut, pendant 20 ans, cuisinier secret (cuoco segreto) des papes Paul II puis Sixte IV (1464-1484, il aurait déjà travaillé en partie pour Paul II quand il était encore au service de Trevisano).
Ce titre de cuisinier secret, qu’aura plus tard Bartolomeo Scappi, est donné, à la cour du Vatican, aux cuisiniers qui travaillent directement à l’élaboration des repas du pape, de ses proches et des invités de prestige.
Les autres cuisiniers travaillent à la cuisine commune pour le personnel du Vatican.
On a longtemps ignoré ce travail de Maestro Martino au service du pape.
En effet, un des manuscrits est dédié à Trévisan, un autre à Trivulzio.
Aucun n’est dédié à un personnage aussi prestigieux qu’un pape.
Il faudra probablement attendre encore des découvertes complémentaires d’historiens pour confirmer avec certitude que le Maestro Martino cuisinier secret des papes est bien le Maestro Martino auteur du Libro de arte coquinaria.

Son dernier poste fut au service du condottière Gian Giacomo Trivulzio (1485 ?-1501).
Cet emploi lui donna l’occasion de voyager, puisque Trivulzio est nommé à Naples en 1488.
Les dernières indications de son activité professionnelle seraient le repas donné en 1501 à l’occasion du mariage de Niccolò fils de Trivulzio et comte de Mesocco, une vallée voisine de celle de Brenno, sa vallée d’origine.
L’historien Bruno Laurioux se demande si Martino est revenu au pays pour y finir sa vie.

Maestro Martino est un bon exemple de la circulation des idées dans l'Europe médiévale : ce cuisinier italien a été influencé par le très catalan Sent Sovi et, en retour, on retrouve sa trace dans plusieurs recettes du cuisinier catalan Robert de Nola.

Per fare peverada di salvagina
(Maestro Martino Ms. Urbinate Latino 1203 - Cucina Italiana del' 400 / pag. 88)

(P)er fare buona peverada di capriolo ho lepore ho porcho salvatico ho daltra salvagina piglia tanta acqua quanto vino rosso e lavavi ben dentro la carne dapoi passa questa lavatura per la stamigna agiungendo tanto sale quanto ti pare necessario e poni aquocere la carne in la dicta acqua ho vino e quando e cocta chacciala fuora e volendone fare due piattelli togli una libra e mezo di uva passa e falla pestare moIto bene e togli altrettanto pane tagliato in fette bruscolato bene sopra la graticola e bene immollato in buono aceto e pestalo inseme con dicta uva passa et potendo havere del sangue ho vero la coratella della salvagina seria optimo pestarla con queste cose lequali ben peste si debbe distemperare con lo brodo di questa carne con un pocho di sabba cioe vino cocto in mosto e con laceto dove e moiato el pane. Dapoi passa questa materia per la stamigna in una pignatta giugnendoli spetie pepe gharofani e canella ho vero cenamo secondo che ti parera neccessario. Et questa peperata falla forte ho dolce di aceto e di spetie secondo el costume del gusto del tuo patrone ho vero commune gusto. Dapoi falla bollire per ispatio di meza hora sopra la bracia in modo che non habbia piu fuocho da una parte che da laltra (abbia lo stesso fuoco tutt'intorno) menandola spesse volte conlo chuchiaro di poi friggi la carne predicta con lo buono lardo e spartila ne piattelli e quoprila conla prefata peperata laquale quanto e piu nera tanto e piu bella.

En français : Poivrade de gibier, recette du concours Maître Chiquart

Maestro Martino a écrit le Libro de arte coquinaria (Livre d'art culinaire) soit vers 1450, soit vers 1460, selon les historiens (1464-1465 selon Bruno Laurioux).
Une partie de ses recettes ont été reprises par Platine dans son livre De honesta voluptate, ce qui fait dire à Bruno Laurioux que la structure bien organisée et la logique culinaire du livre de Maestro Martino, innovantes dans la cuisine italienne, proviendraient de l’influence d’un lettré, donc de Platine.
Cette hypothèse part du principe qu’un cuisinier médiéval, n’ayant pas fait d’études, ne peut avoir l’esprit aussi bien organisé qu’un intellectuel.
Elle est contestée par d’autres historiens dont Térence Scully, qui a étudié un second cuisinier médiéval, lui aussi très innovant dans la forme de son livre de cuisine : Maître Chiquart.

Il reste peu de manuscrits de Maestro Martino.
Mais un manuscrit, appelé Libro de cosina, conservé à la Bibliothèque de Riva del Garda, attribué à un certain Martino de Rossi dela Valle de Bregna et cuisinier de Trivultio, a permis de découvrir que le texte de Maestro Martino a été réaménagé et agrandi, probablement pendant qu’il était au service du condottière Trivulzio.

Le Libro de cosina présente, en particulier, 2 chapitres supplémentaires sur les pâtes : 5 recettes intitulées Per fare ogni rasone de macharoni et 4 recettes Per fare de ogni rasone raviolli.
On y trouve également une recette d’aubergine, plusieurs recettes de cuisine gênoise et de cuisine romaine, toutes absentes des manuscrits antérieurs.
On aimerait bien que le texte de ce nouveau manuscrit soit facilement accessible.
Le manuscrit napolitain de la fin du 15e siècle connu sous le nom de Cuoco Napoletano présente beaucoup de recettes communes avec le Libro de cosina.
Les 2 cuisiniers se seraient-ils rencontrés à Naples ?
Plusieurs historiens le pensent.

Libro de arte coquinaria comprend 267 recettes classées en 6 chapitres : Le chapitre 1 donne 40 recettes de viandes.
Le chapitre 2 englobe viandes, pâtes et soupes (menestre) en 60 recettes.
Le chapitre 3 décrit 22 sauces.
Le chapitre 4 donne 37 recettes de tartes et tourtes (sucrées et salées).
Le chapitre 5 traite des beignets et œufs en 35 recettes.
Et le chapitre 6 présente 73 recettes de poissons.

Edité par Emilio Faccioli à Milan en 1966 dans Arte della cucina.
Libri di recette.
Testi sopra lo scalco, il trinciante et i vini dal XIV al XIX secolo p.115-204. Ed. de Polifilo. Arte della cucina comprend également 2 autres textes : Anonimo Toscano et Anonimo Veneziano.

Texte complet en langue médiévale, Libro de arte coquinaria, Maestro Martino (sec. XV).

Libro de arte coquinaria de Martino a été imprimé (16 éditions entre 1516 et 1606) sous le faux nom de Opera nuova chiamata Epulario (Oeuvre nouvelle nommée Epulario) attribué à un certain Maestro Giovanni Rosselli francese.

Il s'agit en réalité d'un plagiat pur et simple de Martino : en voici un exemple concret : le mirrause catalano de Martino, dont la recette originale du mig raust provient du Sent Sovi.

1 - Recette de Maestro Martino - 1473

Per fare un mirrause catalano
In prima togli pippioni o pollastri, o capponi et acconciali como si fanno arrosto, et poneli arrostire nel speto, et quando siano mezzi cotti cavali fore et dividili in quarti; et dapoi dividi ogni quarto in quattro parti et poneli in una pignatta. Dapoi togli amandole bruschulate sotto la cenere calda, et nettale con un panno senza nettarle altramente, et pistale, et poi togli doi o tre fette di pane un pocho bruschulato, et tre o quatro rosci de ova, et pista ogni cosa con le amandole, et distemperale con un pocho de bono aceto et de brodo, et passale per la stamegna, et dapoi il metti nella dicta pignatta sopra la carne giongendovi de bone spetie, et maxime cannella assai, zenzevero, et zuccharo assai. Et dapoi metti la pignatta sopra la brascia et falla bollire per spatio d'una hora menandola sempre col cocchiaro. Et como sia cotto manda questa cotale mirrause ad tavola in piattelli o vero in menestre che serà più conveniente.

Pour faire un mirause catalan
Tout d'abord prends des pigeons ou des poulets, ou des chapons et prépare-les comme pour les faire rôtir, et fais-les rôtir à la broche, à mi-cuisson retire-les et découpe-les en quartiers ; puis coupe chaque quartier en quatre morceaux et mets-les dans une marmite. Ensuite prends des amandes grillées sous la cendre chaude, et nettoie-les avec un chiffon sans les nettoyer autrement, et pile-les, puis prends deux ou trois tranches de pain légèrement grillé, et trois ou quatre jaunes d'œufs, et pile-les avec les amandes, et délaie avec un peu de bon vinaigre et de bouillon, tamise le tout, puis mets-le dans la marmite sur la viande en y ajoutant de bonnes épices, beaucoup de cannelle, du safran et beaucoup de sucre. Mets ensuite la marmite sur la braise et fais-la bouillir pendant une heure sans cesser de remuer avec une cuillère. Une fois cuit porte le mirrause sur la table dans des assiettes plates ou creuses ce qui sera plus adapté.
Traduction Suzanne Charre.

2 - Recette de Rosselli - 1518

Per fare un miraus catalano
Per fare miraus catalano. Dapprima prendi piccioni/o pollastri/o capponi: e preparali come si fanno arrosto e mettili ad arrostire allo spiedo e quando sono mezzi cotti cavali fuori e dividili in quarti: e poi dividi ogni quarto in parti e mettili in una pignatta: Dopo prendi mandorle bruscate sotto la cenere calda et nettala bene con un panno e senza pulirle altrimenti pestale: E poi prendi pane un po'abbrustolito: e tre o quattro rossi d'uovo e pesta ogni cosa con le mandorle e distemperale con un poco di buon aceto et di brodo passalo per lo staccio: e dopo mettili nella detta pignatta sopra la brace con la carne aggiungendovi delle buone spezie e massime cannella assai e zafferano e zucchero assai: e poi metti la spignatta sopra la brace e falla bollire per lo spazio di un'ora girandola sempre con il cucchiaio: e appena sia cotto metti questo cotale miraus in piattelli oppure in minestre e sarà più conveniente.

Pour faire un miraus catalan
Tout d'abord prends des pigeons/ou des poulets/ou des chapons : et prépare-les comme pour les faire rôtir et mets-les à rôtir à la broche et à mi-cuisson retire-les et découpe-les en quartiers : ensuite coupe chaque quartier en morceaux et mets-les dans une marmite. Ensuite prends des amandes grillées sous la cendre chaude et nettoie-les bien avec un chiffon et sans les nettoyer autrement pile-les. Ensuite prends du pain légèrement grillé et trois ou quatre jaunes d'œuf et pile-les avec les amandes en délayant avec un peu de bon vinaigre et de bouillon. Tamise et mets le tout dans la marmite sur la braise avec la viande en y ajoutant de bonnes épices, beaucoup de cannelle, du safran et beaucoup de sucre : ensuite mets la marmite sur la braise et fais-la bouillir pendant une heure sans cesser de remuer avec une cuillère : une fois cuit mets ce miraus dans des assiettes plates ou creuses ce qui sera plus adapté.
Traduction Suzanne Charre.

3 - Comparaison des recettes Martino - Rosselli
La totalité des recettes de Maestro Martino est simplement présentée dans un italien modernisé, sous un autre nom.
Ce qui n'est pas le cas de Platine qui fait une sélection de recettes en y ajoutant un petit commentaire et en annonçant ses sources.

Maître Martino de Côme
LIVRE D'ART COQUINARIA 15ème siècle


Recettes en lien:

Bouillon lardiero
L'ancêtre (italien) des calissons provençaux
Crêpes Junket
Crêpes de riz
Macaroni romain
Macaroni sicilien
Migliaccio
Œufs en crêpe complets
Ova contrafacte
Pastelli di pome
Boulettes de viande
Tarte aux cerises
Galette de riz
Galette de riz blanc
Torta de riso (révisée et corrigée)
Verzuso en quadragesima


Les cuisiniers Historiques et leur registres 32411310


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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:21

Robert de Nola
1477


Libre del coch

Témoignages de la cuisine catalane, Sent Sovi et Libre del coch sont également les livres les plus connus de cuisine médiévale en Espagne.

Le Livre du cuisinier a été écrit vers 1477 par Mestre Robert, maître queux de Ferdinand 1e, roi de Naples de 1458 à 1494.
La cour de Naples était dirigée par la maison d'Aragon depuis 1442, date à laquelle Alphonse le Magnanime, père de Ferdinand 1e et roi d'Aragon depuis 1416 devint aussi roi des deux Siciles.

C'est le premier livre de cuisine imprimé en Espagne.
Edité en catalan à Barcelone en 1520 : Libre de doctrina per a ben servir, de tallar, y del Art de Coch : ço es de qualsevol manera de potages y salses. Compost per lo diligent mestre Robert coch del Serenissimo senyor don Fernando Rey de Napols.
Edité en castillan à Tolède en 1525 : sous le titre Libro de cocina compuesto por Ruberto de Nola... et en 1529 sous le titre Libro de guisados, manjares y potajes intitulado Libro de Cozina.
Edition critique de Veronika Leimgruber, Université de Barcelone, 1982.
Le livre a été réédité 17 fois entre 1520 et 1577.
Il est surtout connu sous le titre de Libre del coch.

Texte complet en langue médiévale : Libro de guisados, manjares y potajes, Ruperto de Nola, édition originale de 1529.

Traduction française
: Le livre de cuisine, Roberto de Nola, édition critique de Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011.
Cette universitaire, après une courte introduction, traduit en français l'édition castillane de 1529 (l'édition la plus complète).
La deuxième partie du livre est un fac-similé de cette édition en espagnol.

Le livre pour savoir bien servir, découper et l'art du cuisinier : c'est à dire toutes les façons de faire des potages et des sauces, appelé plus simplement Le livre du cuisinier, présente, dans sa version catalane, un titre qui donne pratiquement le plan du livre :

Découper les viandes : 13 paragraphes expliquant comment découper le lard, le porc, le bœuf, le lièvre, le mouton, le paon, le chapon, la perdrix...
Le service de table : 11 paragraphes expliquant comment aiguiser un couteau, servir à boire, présenter l'eau pour se laver les mains, servir les viandes, faire le majordome, le maître de salle, le chambrier, l'office de garde robe, l'office tranchant ou de cuisine, l'office du maître d'étable.
Les recettes de cuisine : 203 recettes plus ou moins classées en sauces, potages (viandes cuites dans le pot) et légumes, tartes et panades (viandes en croûte), poissons et quelques desserts.
Le Libro de guisados (texte castillan de 1529) propose 40 recettes supplémentaires.

Il est divisé en 4 chapitres :

Comment découper les viandes servies à table, qui regroupe les découpes de viande, le service de table et les différents offices.
Discours utile au gouvernement des maisons des gentilshommes et personnes de moyenne condition : texte inconnu dans la version catalane, reprise d'une Epitre attribuée à saint Bernard.
Les recettes de cuisine classées en désordre : sauces, brouets ou ragouts, pâtés, légumes, recettes pour malades (inconnues dans la version d'origine), une recette de chat à la broche (idem), beignets.
Le tout classé en plats du temps de charnage (jours gras où la viande est autorisée).
Un traité pour préparer et accommoder les mets en temps de carême : des recettes de poissons et fruits de mer, qui se terminent par 7 recettes de légumes et fruits pour jours maigres.
Nathalie Peyrebonne décrit le Libre del coch comme une "sorte d'encyclopédie domestique composée à la fois d'un manuel d'écuyer-tranchant, d'un manuel de maître d'hôtel, d'un livre de cuisine".
Elle remarque que l'édition catalane est mieux organisée que l'édition castillane.
Le prologue espagnol est plus long que le prologue catalan, antérieur.
Robert de Nola est le cuisinier symbole des échanges interculturels propres à cette période de la fin du Moyen Age : vivant en Italie du sud, alors sous domination aragonaise, il a manifestement été influencé à la fois par la cuisine catalane du Sent Sovi et par les recettes italiennes de Maestro Martino.

On sait peu de choses de ce cuisinier : il écrit en catalan, mais est-ce un catalan ou un italien parlant le catalan parce qu'il vit à la cour du roi catalan ?
Il est présenté comme Mestre Robert dans l'édition catalane, avec 203 recettes et devient Rupert de Nola dans l'édition en castillan, avec 236 recettes en 1525 et 243 recettes en 1529.
Nola est une ville à l'est de Naples.
Est-ce la ville de naissance de Robert ou une invention pour l'édition en castillan ?

Platine a dit : Les cuisiniers catalans sont les meilleurs du monde.
Pensait-il à Robert de Nola ?

Dionisio Pérez (cité par Nathalie Peyrebonne) se demande si Robert de Nola est un cuisinier réel ou une supercherie éditoriale, pour un livre de cuisine méditerranéen, dans lequel se mêlent des recettes d'Aragon, de Catalogne, de Valence, de Provence et d'Italie.

Recette en catalan : Libre del coch, 1520

Bon escabelx
Pendras vna molla de pa torrat: e remullada ab vinagre blanch: e apres pren ametles que sien belles: e blanques: e auellanes torrades: e pinyons: e picaras ho tot ensemps fins a tant que sia molt ben picat: e quant sia picat destemprar ho has ab brou de peix: e apres pendras vnes poques de panses e mundar les has del gra: e pica les: e passa les altres coses: e apres met ho a bullir e met hi en la olla de totes salses fines e çaffra: per que aquesta salsa vol esser molt alta de color e dolça de sabor e negra: empero la dolçor vol esseer de mel: e quant fa ben espes leuau del foch: e apres pren lo peix gentilment e que sia fret e met lo en vn plat: e apres lança li lo escabeix damunt empero aquesta salsa se vol menjar ab pagell o ab dentol abans que ab altre peix: e com lo couras lançay lo escabeix: e quant sera fret metras hi damunt vna quantitat de canyella picada: e apres fica li de pontes vns quants pinyons entorn del plat e joliuert capolat. E aquesta salsa se dona comunament freda empero calda no es mala.

Recette en espagnol : Libro de guisados, 1529, Capitolo IV

Buen escabeche
Tomar un migajón de pan remojado con vinagre blanco, y tomar almendras blancas y avellanas tostadas y piñones; y majarlo todo junto hasta que esté muy bien majado, y desque sea majado desatarlo con caldo de pescado; y después pasarlo por estameña; y después tomar unas pocas de pasas quietados los granillos; y majarlas bien con las otras cosas, y ponerlo a cocer, y poner en la olla de todas salsas finas y azafrán; porque esta salsa quiere ser muy alta de color; y dulce de sabor y negra; empero el dulzor quiere ser de miel, y desque sea bien espeso quitarlo del fuego; y después tomar el pescado desque esté frío, y ponlo en un plato; y echarle el escabeche encima. Empero esta salsa se quiere comer con pajel o con dentol antes que con otro pescado; y cuando lo cuezgas echarle el escabeche, y desque sea frío ponerle encima una poca de canela molida; y después hincarle de punta algunos piñones al derredor del plato y perejil deshojado. Y esta salsa se da comúnmente fría, pero caliente no es mala.

Bonne escabèche
Prends un morceau de mie de pain trempé dans du vinaigre blanc, des amandes blanchies, des noisettes grillées et des pignons. Ecrase le tout soigneusement puis détends avec du bouillon de poisson. Passe à l'étamine. Prends ensuite quelques raisins secs dont tu auras ôté les pépins et broie-les avec le reste. Mets le tout à cuire et ajoute dans la marmite des épices fines, sans oublier le safran car cette sauce doit être haute en couleur. Elle doit aussi être sucrée, au goût de miel, et foncée. Dès qu'elle a bien épaissi, ôte-la du feu. Par ailleurs, prends le poisson refroidi, mets-le dans un plat et verse la sauce escabèche dessus. Cette sauce doit être dégustée avec du denti ou du pageot plutôt qu'avec un autre poisson : lorsque tu les cuisines, ajoute-leur de l'escabèche. Une fois refroidi, saupoudre le poisson d'un peu de cannelle moulue et plante autour dans le plat quelques pignons ainsi que quelques feuilles de persil. Cette sauce se sert généralement froide mais elle n'est pas mauvaise chaude.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011.

Pour en savoir plus : l'histoire de l'escabèche, d'origine arabe

Gallina armada - Poule en armure

Fais rôtir une belle poule et, près de la mi-cuisson, frotte-la avec du lard. Bats ensuite soigneusement des jaunes d'œufs et, avec une cuillère ou l'extrémité d'une louche en bois, enduis lentement la poule de ces jaunes d'œufs. Puis saupoudre les œufs de farine de blé bien tamisée et de sel moulu, tout en faisant tourner continuellement et rapidement la poule. La croûte ainsi formée serait meilleure encore que la poule.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011

La poule est rôtie à la broche au Moyen Age.

Bones sardines en cassola - Sardinas en cazuela - Poêlon de sardines
Il te faut des sardines fraîches les plus grosses possible. Lave-les dans plusieurs eaux. Prépare ensuite du poivre, un peu de gingembre, du safran, le tout moulu, puis des raisins secs, des amandes, des pignons, de bonnes herbes, à savoir du persil et de la menthe. Mets ensuite, ensemble, les sardines, les épices, avec les herbes, les amandes, les raisins secs et les pignons dans le poêlon avec une bonne quantité d'huile, et mets à chauffer sur les braises, ou dans le four. Les sardines sont toutefois meilleures cuites sur les braises, car dans le four elles cuisent sur le dessus et le dessous, partout, alors que les sardines préparées comme présenté ici n'aiment pas cette chaleur du four, elles préfèrent les braises, et des braises douces afin de pouvoir cuire tout doucement. Si tu désires les manger autrement, frites par exemple, il leur faut du poivre avec un peu de vinaigre ou un jus d'orange. Si tu désires les manger rôties, il leur faut du jus d'orange, de l'huile, du sel, un peu d'eau et de poivre et toutes sortes d'herbes mais pas de moraduj, appelée aussi marjolaine ou malgilana.
Traduction Nathalie Peyrebonne, Classiques Garnier, 2011

La cuisson sur la braise est l'unique façon, au Moyen Age, de faire cuire doucement un plat, avant l'arrivée du potager, puis du fourneau et enfin de la cuisinière à gaz ou électrique. Le jus d'orange est un jus d'orange amère : les oranges douces sont encore inconnues à cette époque.


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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:25

Antonio Camuria
1524


La cuisine de la Renaissance italienne est connue grâce aux livres de Cristoforo Messisbugo (Banchetti, 1549), Domenico Romoli (La singolar dottrina, 1560) et Bartolomeo Scappi (Opera, 1570).

Un manuscrit daté de 1524, a été trouvé à la Bibliothèque Nationale Vittorio Emanuele III de Naples (ms.XII.E.19).
Une première publication de ce manuscrit inédit a été faite en 1993 (Apparecchi diversi da mangiare e rimedii, Lejla Mancusi Sorrentino, Appunti di Gastronomia, Milano) puis en 1994 (Ein unveroffentlichtes Kochbuch aus Suditalien von Beginn des 16° Jahrhunderts, Michael Suthold, Genève).
En 2005, Salvatore Pezzalla publie une traduction de ces recettes en italien moderne : Il Rinascimento a Tavola tra Splendori et Sapori (Orior Edizioni, Perugia).

Le manuscrit comprend 85 recettes.
Il ne comporte pas de titre, mais au dos du manuscrit est écrit : Apparecchi diversi da mangiare et rimedii.
Le manuscrit se termine par une louange à Dieu et à la Vierge et le colophon (mot technique qui désigne la fin du manuscrit) suivant : Nerulum, an(n)o 1524, adi tre A(u)gusto, finito di scrivere per me Antonio Camuria.
Ce colophon nous donne donc la date du manuscrit : 1524, le nom de son auteur : Antonio Camuria, et nous renseigne sur le lieu où il a été écrit : Nerulum.

Nerulum correspondrait en fait à Lagonegro (Lacus Neruli) d'après Michael Suthold.
C'est une petite ville près de Potenza (province de Basilicata), dans l'Italie du Sud (Mezzogiorno), entre Naples et Tarente.
Nous aurions donc un manuscrit napolitain, ce qui est confirmé par la présence de vocabulaire et de tournures en dialecte de la région de Basilicata. Lagonegro était à l'époque sous la coupe de la famille napolitaine Carafa.
Antonio Camuria est probablement au service de la cour de la famille des Carafa, peut-être le responsable des cuisines ?

Camuria connaît les recettes de Robert de Nola ou de Maestro Martino, soit directement, soit indirectement en ayant lu Platine.
On trouve en effet plusieurs recettes d'origine catalane (de la cour de Naples) : per far lo miraustro, per far la genestrata, per far una suppa ala Catelana, per far la polvere duc(h)a, per far la salsa de pago.
Camuria est également un cuisinier du 16e siècle, qui utilise, dans la majorité de ses recettes et en grande quantité, les ingrédients typiques de la cuisine de la Renaissance : sucre et eau de rose.
Sa cuisine présente donc aussi des parentés avec les recettes de Cristoforo da Messisbugo, écuyer-tranchant à Ferrare à la même époque.

Per far li rosoli
Prendete i petti di pollastro e, dopo averli ben pestati, copriteli con un filo d'olio e poneteli a cuocere in una padella dopo averli prima insaporiti nella cannella, zucchero ed altre spezie. Di queste ultime prendetene solo una modica quantità e tritatele bene prima di unirle ai petti del pollastro, aggiungendovi l'acqua di rose ed un po' di sugna e amalgamateli bene. Pigliate i petti di pollo e bagnateli nella uova sbattute, poi infarinateli e metteteli a soffriggere in una padella con sugna oppure lardo. Dopo averli soffritti immergeteli nello zucchero liquefatto e nelle spezie di cui sopra.

Pour faire les rissoles
Prenez les blancs de poulet, et après les avoir bien aplatis, arrosez-les d'un filet d'huile et faites-les cuire dans une poêle après les avoir parfumés dans la cannelle, le sucre et autres épices. Prenez seulement une petite quantité d'épices et hachez-les bien avant de les ajouter aux blancs de poulet. Ajoutez l'eau de rose et un peu de saindoux et mélangez-les bien. Prenez les blancs de poulet et passez-les dans les œufs battus puis dans la farine et faites-les frire dans une poêle avec du saindoux ou du lard. Après les avoir frits trempez-les dans le sucre fondu et dans les épices.


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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:30

Cristoforo da Messisbugo
1549


Banchetti

Banchetti, composizioni di vivande e apparecchio generale allo Illustrissimo e Reverendissimo Signore, il Signor Don Ippolito da Este, cardianal di Ferrara (Banquets, compositions de mets et appareil général)... a été écrit par le comte Cristoforo da Messisbugo (ou Messi Sbugo).
Le livre a été publié à Ferrare en 1549, un an après la mort de Messisbugo et réédité 12 fois.
Banchetti est dédicacé au cardinal Ippolito d'Este, neveu du cardinal du même nom.
Ce dernier étant mort d'indigestion en 1510, ce fait alimenta la réputation du faste des banquets à la cour de Ferrare.

Messisbugo était scalco, à la cour de Ferrare.
Le scalco était un surintendant des cuisines princières.
C'était l'homme de confiance du prince, qui avait la responsabilité de l'organisation des banquets, connaissait les goûts du prince, l'art de la découpe des viandes et servait le prince à table tous les jours.
Ne pas confondre le scalco avec un simple serviteur : il s'agissait d'un poste militaire à haute responsabilité, réservé à un noble.

Banchetti a été publié en écriture moderne chez un éditeur italien : Neri Pozza, en 1992.

Une copie de l'édition de Venise (1600) a été mise en ligne par Google Books : Banchetti, copie de l'édition de Venise.

Le texte est en 2 parties :

1 - Memoriale per fare uno apparecchio generale
Tutto ciò che è necessario alla realizzazione di un banchetto di corte, con liste di prodotti e utensili di cucina.
(Liste pour la préparation générale : toute l'intendance nécessaire à la réalisation d'un banquet de cour, avec des listes de produits et d'ustensiles de cuisine.)

Dieci cene, tre desinari, un festino, ricettario 10 dîners, 3 soupers, 1 festin, recueil de recettes : des exemples concrets de menus réalisés par Cristoforo da Messisbugo entre 1524 et 1548.

2 - Composizioni de le più importanti vivande
Compositions des plats les plus importants : recueil de 316 recettes, réparties de la manière suivante :

Composizioni de le più importanti vivande : 72 recettes
Torte di varie sorte (tartes de plusieurs façons) : 51 recettes
Minestre diverse (potages variés) : 43 recettes
Minestre per di' di quaresima (potages pour jour de carême) : 11 recettes
Sapori da grosso e da magro (sauces pour jours gras et maigres) : 33 recettes
Potacci, brodi et roba in tiella e in pignatta, stufata e in forno (sauces, brouets et autres plats à la poêle et en marmite, à l'étouffée ou au four) : 97 recettes
Latticini di più sorti (laitages de plusieurs sortes) : 9 recettes.

Recettes avec lien de la recette:

Brazzaretelle
Casatelle
Cascosse
Oignons à la tiella
Fiadoncelli
Fritelle di vento (feuilletés)
Lattemele (crème fouettée)
Mostazzoli de courgettes
Offelle
Pains au lait
Pizzas feuilletées
Carreaux en pâte d'amande
Gâteau blanc mangeant
Gâteau au pain
Gâteau aux pommes
Gâteau allemand
Nourriture poire


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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:38

Bartolomeo Scappi
1570


Opera

Bartolomeo Scappi a écrit Oeuvre, publié à Venise en 1570.
Opera a eu au moins 7 rééditions jusqu'en 1646.

Ce cuisinier est né à Dumenza, près du Lac Majeur, en Lombardie, à la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle.
Il est mort le 13 avril 1577.
D'origine modeste, il a acquis une certaine fortune par son travail de cuisinier auprès des grands prélats d'Eglise.
Il a travaillé 7 ans au service du cardinal Marin Grimani à Venise (1528-1535), puis au service du cardinal Lorenzo Campeggi à Rome.
Il a organisé pour le cardinal, en 1536, un somptueux banquet en l'honneur de Charles Quint (menu décrit au livre 4, Quadragesima, p. 320).
Scappi a travaillé ensuite, toujours à Rome, au service d'un cardinal lors du conclave qui a élu le pape Jules III, puis comme cuisinier secret (secret signifiant privé) au service de plusieurs papes entre 1564 et 1576 : Pie IV, Pie V et Grégoire XIII.

L'historien français Bruno Laurioux met en doute, dans un livre publié en 2005 (Offices et papauté - XIVe-XVIIe siècle), l'existence d'un cuisinier appelé Bartolomeo Scappi, travaillant dans les cuisines du Vatican, n'ayant pas trouvé sa trace dans les archives pontificales.
Mais l'historienne Italienne June de Schino a découvert en 2007 (il cuoco segreto dei Papi) que Scappi faisait partie de la Venerabile compagnia de cuochi e pasticieri di Roma, une confrérie influente qui regroupait les plus importants cuisiniers et pâtissiers de Rome.

Une copie de l'édition de Venise (1570) a été publiée par un éditeur italien : Arnaldo Forni en 2002. Google Books l'a mise en ligne : Opera de Scappi, copie de l'édition de Venise.

Bartolomeo Scappi est un bon connaisseur des cuisines régionales italiennes, qui présente plusieurs spécialités régionales.
Mais il connaît également de nombreuses recettes d'autres pays : France, Espagne, Allemagne.
Il donne même une recette de couscous à la moresque.

Opera se présente comme un traité culinaire avec plus de 1000 recettes de cuisine, de nombreux menus et, fait exceptionnel pour l'époque, des planches illustrant la cuisine, les cuisiniers au travail, les ustensiles de cuisine, le service des repas : un témoignage particulièrement important sur la pratique concrète de la cuisine.

Les recettes de Bartolomeo Scappi sont à la fois un héritage de la gastronomie médiévale (épices, sauces acidulées) et présentent quelques nouveautés propres aux cuisiniers italiens de la Renaissance : arrivée importante des abats à l'imitation de la cuisine romaine, arrivée des laitages (beurre, lait), augmentation significative des plats de viande ou poisson utilisant le sucre, début de la pâte feuilletée.
Les produits d'Amérique ne sont pas encore présents sur les tables de la Renaissance en dehors de la poule d'Inde (la dinde).

Scappi semble avoir une prédilection pour les marinades, les cuissons à l'étouffée ou au bain-marie.
Son traité est composé de 6 livres et une partie illustrée :

Primo libro : des indications générales pour reconnaître la qualité des produits (poissons, fruits, viandes...).
Secondo libro : recettes de viande, avec de nombreuses préparations d'abats de veau, de bœuf, d'agneau, de chevreau ou de porc (foies, rognons, tripes, testicules, langue, cervelle, oreilles et tête, pieds); recettes variées de minestra et de suppa, dans lesquelles on trouve des recettes de riz et de pâtes; recettes de sauces.
Terzo libro ou libro quadragesimale : des recettes de Carême avec des recettes de fruits de mer, de poissons, de légumes (dont une recette de petits pois frais, pas encore à la mode en France), des recettes avec des pâtes, des fruits et des œufs.
Une partie avec 27 illustrations de cuisine.

On peut remarquer en particulier des cuisines avec des foyers maçonnés (fourneau potager), de l'eau courante sur un évier, une cheminée surélevée, de nombreuses variétés de casseroles, couteaux, un levier pour soulever les grosses marmites, un tourne broche mécanique, des cuisiniers et des serveurs au travail : témoignages précieux de la vie des cuisiniers du 16e siècle.


Quarto libro, dellimbandire le vivande : environ 8 à 10 menus par mois, d'avril à mars, ainsi que 6 menus de Carême (dont le fameux menu de Bologne pour Charles Quint).
Cette quantité importante de menus est un témoignage concret des repas de cette époque.

Quinto libro, libro delle paste : livre des pâtes, décrivant tourtes et pâtés en croûte à la viande ou au poisson, tartes à la viande, aux légumes et aux fruits, pizza (tarte napolitaine, sans rapport, bien sûr avec la pizza à la tomate qui ne date que du 20e siècle), brioches et beignets.
On trouve dans ce livre les premières recettes de pâte feuilletée, qui s'inspirent de la pâtisserie arabo-andalouse.

Libro sesto et ultimo de convalescenti : livre pour convalescents avec des recettes adaptées aux malades et aux convalescents qui ont besoin de fortifiants.
Il s'agit donc d'un petit livre de recettes diététiques : recettes de brouets, de hachis, de soupes, de viandes rôties, de tartes, d'œufs, de fruits et de sauces.
Comme le Viandier de Taillevent, Opera a été plusieurs fois plagié ou imité : Libro de arte de cozina, de Diego Granado (Madrid, 1599) reprend les trois quart du livre.
Antoine Magirus le plagie également (Koockboec oft Familieren Keukenboec, 1612).
Marx Rumpolt le prend pour modèle (Ein New Kochbuch, Francfort, 1581).
Lilian Plouvier estime que même Lancelot de Casteau (Ouverture de Cuisine, Liège, publié en 1604) s'en inspire.

Bartolomeo Scappi serait, à la Renaissance, l'équivalent d'Antonin Carême pour Liliane Plouvier et Françoise Sabban.
Scappi est en effet non seulement un praticien mais aussi un théoricien de la cuisine, qui a su présenter un panorama complet de la cuisine de son époque.
Domenico Romoli (La singolar Dottrina, Venise, 1560), qui avait été cuisinier avant d'être maître d'hôtel, reproche à Scappi de faire grand usage des épices et de sucre, ce qui ne convient pas au goût de beaucoup de personnes, et en particulier le gingembre, la noix de muscade et la cannelle (La gastronomie à la Renaissance, Sabban - Serventi) : La gastronomie médiévale va bientôt être contestée, pour faire place à la nouvelle cuisine du 17e siècle, qui précède la cuisine dite classique.
Cette nouvelle cuisine va rejeter en particulier le mélange salé sucré (désormais, seuls les desserts seront sucrés) et diminuer les épices.
Scappi est donc l'un des derniers grands cuisiniers de ce qu'on peut vraiment appeler la gastronomie médiévale.

Recette pour convalescents :

Per far minestra di sparagi salvatici et domestici
Piglisi la parte piu tenera, facciasi bollire nell'acqua calda fin'a tanto che divengano teneri, dapoi si facciano finire di cuocere in buon brodo di cappone, o di vitella, et con pochissimo brodo vogliono servirsi. Con li salvatici si puo cuocere dell'uva passa. Li domestici cotti che saranno nel brodo, et non disfatti si possono servire con sugo di melangole, zuccaro, et sale, et in giorno di magro, o di vigilta si terrà l'ordine de gli altri herbami. (Libro sesto, CIII, p. 413)

Pour faire potage d'asperges sauvages ou cultivées
Prendre la partie la plus tendre, les faire bouillir dans l'eau chaude jusqu'à ce qu'elles deviennent tendres, puis les finir de cuire dans du bon bouillon de chapon ou de veau, et avec un peu de ce bouillon les servir. Avec les asperges sauvages, on peut cuire des raisins secs. Une fois que les asperges cultivées auront été cuites dans leur bouillon, tout en restant entières, elles peuvent être servies avec du jus d'orange amère, du sucre et du sel, et en jour maigre ou de jeûne on servira les autres légumes comme d'habitude. (Livre 6, 103, p. 413)

Recette de pizza :

Per fare pizza a un'altro modo
Piglinsi libre due di fior di farina, e impastinsi con oncie sei di cascio Parmigiano pisto nel mortaro, stemperato con brodo grasso, e acqua rosa, e passato per il setaccio, e oncie tre di zuccaro, sei rossi doua, tre oncie di mollica di pane imbeuerata con brodo grasso, mezz'oncia di cannella, mezz'oncia tra garofali, e noci moscate, e per spatio d'un'hora rimenisi essa pasta, e facciasene sfoglio sottile, e ongasi di butiro liquefatto, e facciasene tortiglione per il lungo del sfoglio di quattro riuolture, e ongasi il tortiglione di buttiro liquefatto non troppo caldo, e d'esso tortiglione facciansene piu su caccine, e frigghisino in butiro, o strutto, o cuochisino nel forno nella tortiera, come si cuoce i tortiglioni, seruisino calde con zuccaro sopra.

En français : Pour faire une pizza d'une autre façon.

Pizza
selon Per fare pizza a un'altro modo (Pour faire une pizza d'une autre façon), Bartolomeo Scappi, Opera, 1570.

Il y a de nombreuses recettes de pizza en Italie, qui jusqu'à la fin du 19e siècle n'ont aucun rapport avec la pizza qu'on connaît (car la base actuelle de la pizza est la tomate, inconnue en Europe au Moyen Age).
La pizza est donc, à l'époque médiévale, une tarte ou un gâteau qui peut être sucré ou salé.

Ingrédients (1 cfé = cuillère à café rase)
330 g de farine
70 g de parmesan râpé
3 jaunes d'œufs
40 g de sucre
30 g beurre
1,5 cfé cannelle
1/3 cfé noix de muscade
1/8 cfé clou de girofle
1,5 cuillère à soupe d'eau de rose
40 g mie de pain
150 à 160 g de bouillon gras (les bouillons du commerce sont déjà épicés, prendre du bouillon de type poule au pot fait maison, sinon les goûts seront complètement changés).

Recette (cuisson = 20 à 25 minutes)
Réserver un peu de bouillon.
Faire tremper la mie de pain dans le reste de bouillon.
Mélanger le sucre et les épices.
Mélanger le parmesan râpé et la farine, puis les jaunes d'oeufs.
Ajouter le pain trempé, le sucre et les épices, et l'eau de rose.
Faire la pâte en complétant avec juste ce qu'il faut de bouillon pour obtenir une pâte molle qui ne colle pas.
Rouler en boule et laisser reposer une heure.

Graisser la plaque (beurre fondu).
Etaler la pâte jusqu'à 0,5 cm d'épaisseur et faire des bandes (33cm x 2,5cm à 3cm, pour une plaque de 40cm de profondeur).
Tresser les bandes par 2 (tresser à plat, 4 fois), sur la plaque en les étirant légèrement, ce qui permet d'obtenir 5 tresses de 33cm x 5cm, qui sont coupées en 2 parts avant cuisson (10 parts).
Badigeonner les tresses de beurre fondu.

Cuire au four (thermostat 6, 220°C) pendant 20mn à 25mn (selon l'épaisseur des tresses).
Elles ne doivent pas être craquantes, mais cuites en restant assez moelleuses.

Laisser refroidir et saupoudrer de sucre glace avant de servir.

Remarques et variantes
On peut délayer le sucre et les épices dans une partie du bouillon et l'eau de rose.

Pour simplifier, au lieu de tresser les bandes de pâte, étaler la pâte un peu plus épaisse et couper les bandes en rectangles.

La recette de Scappi indique de servir la pizza chaude.

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Les cuisiniers Historiques et leur registres 40950311 Les cuisiniers Historiques et leur registres 40952811

Bartolomeo Scappi recettes avec lien de la recette:
Opéra 1570

Bianco Magnare
Tarte aux coings
Crêpes vénitiennes
Crêpes au lait
Crêpes frassées
Morselletti aux biscuits
Gaufres
Désordre blanc
Gâteau aux miettes blanches
Gâteau aux pommes et poires
Tarte à la perche (pêche)
Gâteau au fromage royal avec fromage gras et compote de pommes
Gâteau royal de pignoli, amandes et autres ingrédients
Tortiglione


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Message  Jean le noir Dim 14 Mai - 11:42

Maistre Lancelot de Casteau
1585


Ouverture de cuisine, Montois, en son temps
Maistre Cuisinier de trois Princes de Liège.


Célèbre cuisinier belge, Lancelot de Casteau a écrit, en français, en 1585, Ouverture de cuisine.
Ce livre de cuisine médiévale, publié en 1604, est organisé en 3 grands chapitres, comportant 183 recettes et le menu de 2 banquets.

De nombreuses recettes semblent d'inspiration italienne : moutarde de Crémone, saucisse de Bologne, plusieurs recettes de pâtes (rafioules, agnoilen, maquaron), présence du parmesan et prédominance de la cannelle et du sucre.
Liliane Plouvier pense que Lancelot de Casteau a probablement séjourné en Italie.

Plusieurs recettes font référence à l'Espagne, l'Angleterre, l'Irlande, la Hongrie, le Portugal et la Catalogne : ne serait-ce pas le signe d'une cuisine européenne, dans une région agitée où se côtoient alors liégeois et bourguignons francophones, espagnols et flamands ?

On constate un emploi modéré d'épices (poivre, cannelle, gingembre, safran, muscade et girofle), l'utilisation du beurre et de la crème (nous sommes dans ce qui sera plus tard la Belgique !).

Pierre Leclercq, doctorant de l'Université Libre de Bruxelles, a fait une analyse statistique des recettes de Lancelot de Casteau tout à fait intéressante, qui montre nettement qu'ouverture de cuisine est un livre de cuisine qui n'a pas oublié la tradition médiévale (peu de recettes de légumes), mais qui est plus proche de la cuisine italienne de Bartolomeo Scappi que de la cuisine française du Viandier, avec une place prédominante des saveurs sucrées :

Les potages (viandes en pot) représentent 22 % des recettes, contre 19 % de rôts. 95 % des recettes de potages comportent viande ou poisson.
12 recettes seulement de potages sont réalisées avec des légumes (en priorité des oignons) et 14 avec des fruits ou des champignons (soit 35 % des potages).
37 % des recettes comportent de la viande.
Ce pourcentage monte à 55 % quand on y inclut les poissons.
60 % des recettes totales et 83 % des sauces sont assaisonnées avec sucre et cannelle ou saupoudrées de sucre et cannelle en fin de cuisson.
Parmi les recettes de sauce sans sucre, 22 % contiennent des herbes aromatiques.
Ces statistiques sont proches de celles de Scappi.

4 recettes de tartoufles ont été l'occasion d'une polémique sémantique entre historiens : s'agit-il de truffes, comme le croit J. L. Flandrin ou des premières recettes de pommes de terre, comme le croit Léo Moulin ?

Ouverture de cuisine a été réédité par Léo Moulin à Anvers-Bruxelles en 1983, édition De Schutter.

Texte complet en langue médiévale : Lancelot de Casteau, Ouverture de Cuisine. Liège 1604.

Saulcisses en potage
Prennez les saulsisses, & les fricassez en beurre, puis prennez quatre ou cinq pommes pellées & couppées par petits quartiers, & quatre ou cinq oignons couppez par rondes tranches, & les fricassez en beurre, & les mettez tout dedans vn pot auec les saulsisses, & mettez dedans noix muscade, canelle, auec vin blanc ou rouge, du succre, & le faictes ainsi esteuuer.

Saucisses en potage
Prenez les saucisses et faites-les revenir au beurre, puis prenez quatre ou cinq pommes pelées et coupées en petits quartiers, et quatre ou cinq oignons coupés en tranches rondes, et faites-les revenir au beurre. Mettez le tout dans un pot avec les saucisses, de la noix de muscade, de la cannelle, du vin blanc ou rouge, du sucre, et faites cuire à l'étouffée.

Recette de cuisine
: Saucisses pommes cannelle muscade

Carpe en potage
Prennez une carpe bien escaillée et nettoyée, et la coupez en quatre pièces, et prennez des oignons frits en beurre, un limon salé coupé par tranches, un noix-muscade, un peu de gingembre, marjolaine, et mente haschée bien menue, puis mettez du vin ou veriu et beurre, et faictes bien esteuuer ainsi avec un peu de ceruoise.

Prenez une carpe bien écaillée et nettoyée, coupez-la en quatre morceaux et prenez des oignons frits au beurre, un citron salé coupé en tranches, de la noix de muscade, un peu de gingembre, de la marjolaine, de la menthe hachée fin, puis mettez du vin ou du verjus et du beurre, et faites étuver avec un peu de bière.


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Message  Jean le noir Sam 29 Juil - 10:50

Auteurs et livres de cuisine du Moyen Âge arabe

9e siècle, Bagdad, Kitab al-Tabikh de Ibrahim ibn al-Mahdî
10e siècle, Bagdad, Kitab al-Tabikh de Ibn Sayyar al-Warraq
13e siècle, Bagdad, Kitab al-Tabikh de Muhammad bin Hasan al-Baghdadi
13e siècle, Le Caire, Kitab al Waslat, traditionnellement attribué à Ibn al-Adim
13e siècle, Al-Andalus, Kitab al-Tabikh Anonyme Andalou, livre et auteur
13e siècle, Al-Andalus, Fudalat al-Khiwan de Ibn Razin al-Tuyibi
14e siècle, Le Caire, Kanz al-fawāʾid, auteur inconnu
15e siècle, Damas, Kitâb al-tibâkha, attribué à Ibn al-Mabrad ou Mubarrad
15e siècle, Le Caire, Kitāb Zahr al-ḥadīqa fī l-aṭʿima al-anīqa, Ibn Mubārak Shāh


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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 17:44

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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 18:10

Cuisine ancienne de la Rome Antique

Une petite incursion dans la Rome antique grâce au De re coquinaria d'Apicius et au De Agri Cultura de Marco Porcius Catone ainsi qu'un choix raisonnable de recettes de la Grèce antique et de l'Étrurie.

Recette en lien:

Vin rosé
Gâteau défolié et Libum
Assiette Versatilis
Dulcia domestica
Focaccia au miel
Globules
Gâteau aux fruits secs
Salsa mola
Polytèle
Placenta
Libum et savillum
Pain aux olives
Panis depsticium
Les lentilles d'Ésaü
Le colloque
Dessert pyramidal
Hydromel


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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 18:15

Domenico Romoli, dit Panonto
La doctrine singulière 1560


Recette en lien:

Biscuits
Biscuits au sucre
Casatelle
Morselletti à la romanesca
Messes romaines
Jambon frit
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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 18:19

Giovanni del Turco
Epulario et divers secrets 1602-1636


Recette en lien:


Mostaccioli alla Romana
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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 19:18

Le Ménagier de Paris (1392-1394)


Recette en lien:

Porrata blanche
Rissoles au commun
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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 19:23

Jean le noir
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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 19:27

Sœur Maria Vittoria del Verde
Carnet de recettes rédigé entre 1583 et 1606


Recette en lien:

Mostaccioli
Panmelato
Panmelato de la prieure
Strozzapreti
Tartera bâtarde
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