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La cuisine au moyen orient

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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 18:19

La cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet

Les Arabes sont d'abord des peuples sémitiques souvent nomades, originaires de la Péninsule Arabique.
Leur langue d'origine est l'arabe.
On appelle maintenant Arabes aussi bien des populations d'origine arabe que des populations "arabisées", du Proche-Orient et du Maghreb, qui parlent la langue arabe.
Les Arabes ont été majoritairement islamisés au VIIe et VIIIe siècle, mais des communautés chrétiennes ou d'autres religions subsistent encore au Proche-Orient.
Au Maghreb, avant l'islamisation, les populations autochtones sont des Berbères, dont la langue maternelle est le berbère ou tamazight.
De nombreux Berbères ont oublié leurs origines et se croient Arabes, seule une minorité parle encore le tamazight (40 à 50% au Maroc, mais 2% en Tunisie et 10% en Libye).
En Egypte, les descendants des anciens Egyptiens ont perdu leur langue d'origine.
Seuls les chrétiens Coptes utilisent encore le copte (issu de l'égyptien ancien) dans leur liturgie, à la manière du latin en Europe catholique.
Les populations syriaques du Liban, de Syrie ou d'Irak ont majoritairement oublié leur langue issue de l'araméen, comme de nombreux Palestiniens ignorent que leurs ancêtres étaient des juifs convertis au moment de l'islamisation du Proche-Orient.

Appeler Arabes de nombreux peuples du Bassin Méditerranéen crée ainsi une confusion en laissant croire à une population homogène qui partagerait non seulement la même langue et la même religion, mais aussi la même cuisine.

De même que tous les Arabes ne sont pas musulmans, les populations arabisées à partir du VIIe siècle avaient des spécificités culinaires les différenciant nettement de la cuisine de la Péninsule Arabique.

Souvent en l'absence de textes écrits pendant la période préislamique, nous avons principalement l'archéobotanique pour nous expliquer quelles plantes étaient cultivées dans une région donnée à une période précise.
Cela ne nous explique pas comment ces plantes étaient consommées.
Après la fin de l'empire romain, aucun texte écrit, aucune iconographie ne nous donnent d'indications sur la cuisine du Proche-Orient.
Seul le Coran, au VIIe siècle, nous fournit quelques anecdotes sur l'alimentation du prophète Mahomet.
La grande cuisine arabe débute un siècle plus tard, à Bagdad, au temps des califes abbassides.

Rappelons que, dans la cuisine arabe, comme dans la cuisine romaine antique et la cuisine médiévale européenne, certains produits, originaires d'Amérique, étaient inconnus : pomme de terre, courgette, tomate, maïs, cacao, piment, poivron étaient donc absents de la cuisine méditerranéenne.

TAMBAO : La Méditerranée à table - Marie Josèphe Moncorgé
Marie Josèphe Moncorgé, La Méditerranée à table, une longue histoire commune, TAMBAO, 2013

Tome 1, la cuisine : plus d'infos.

Tome 2, fromages, desserts, boissons.

La cuisine de la Méditerranée orientale avant le VIIIe siècle

Le Croissant fertile regroupe, dans l'Antiquité, les pays baignés par le Jourdain, le Tigre et l'Euphrate, l'Oronte et le Nil, de la Mésopotamie à l'Egypte, c'est-à-dire, actuellement l'Irak, la Syrie, le Liban, Israël, l'Egypte et un bout de la Turquie.
C'est la région de naissance de l'agriculture et de l'élevage au Néolithique, la région où la vigne et les céréales sauvages ont été cultivées pour donner du vin, du pain, des bouillies de céréales, de la bière, bases de l'alimentation traditionnelle des pays de la Méditerranée.
Les premiers fours à pain en argile, de forme légèrement conique, ont été trouvés en Mésopotamie, en Syrie et en Egypte ancienne, dès l'âge de fer.
Le tannur, pour cuire les galettes de pain arabe, en est l'héritier direct.

Dans toutes ces régions, ainsi qu'en Anatolie, on retrouve de partout des ruines romaines mais aussi des influences culinaires romaines.
Cela explique certaines parentés entre la cuisine romaine antique et la cuisine arabe telle qu'elle apparaît dans les recettes de cuisine à partir du VIIIe siècle.
La cuisine arabe a également été influencée par la cuisine de la Perse.
La cuisine de la Méditerranée orientale est comme un feuilletage : chaque couche correspond à une influence culinaire d'une époque et d'un lieu donné.
L'accumulation de ces couches a produit ce qu'on appelle maintenant la cuisine méditerranéenne.

La cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet - Le Croissant fertile, carte d'Alain Houot
Croissant fertile

L'Egypte pharaonique ne nous a pas laissé de recettes de cuisine mais quelques textes administratifs avec des renseignements sur l'alimentation et surtout une iconographie abondante sur l'art de découper la viande, de cuire les volailles, de récolter le miel, de faire du pain, du vin ou de la bière.
Nous savons que le "caviar" de la Méditerranée ou boutargue, c'est à dire des œufs de poisson salés dont la fabrication est décrite dans des tombeaux de l'Ancien Empire en Egypte, était aussi fabriqué, entre Liban et Palestine, chez les Phéniciens.

La Mésopotamie nous a laissé 3 tablettes d'argile, écrites entre 1700 et 1600 avant JC, comportant 35 recettes de cuisine en écriture cunéiforme : des recettes de bouillons de viande et de légumes, une bouillie de céréales et une tourte aux petits oiseaux.
Faire un ragoût de viande, farcir une volaille ou une pâte, cuire au four, assaisonner avec des herbes aromatiques, toutes ces opérations étaient familières aux cuisiniers de Mésopotamie.

Les Grecs et les Romains connaissaient l'ancêtre des lasagnes : des couches alternées de feuilles de pâte et de farce (laganum en latin).
On sait qu'entre le IIIe et le Ve siècle une pâte sèche appelées itrium est consommée en Palestine : elle est cuite à l'eau et des rabbins s'interrogent sur son statut religieux.
On retrouve cette pâte appelée en arabe ittiyya dans des textes médicaux en Syrie au IXe siècle.
On peut donc supposer que les pâtes sèches du type vermicelle se sont développées en Méditerranée orientale avant l'arrivée de l'Islam et avant de se diversifier et de se diffuser ensuite dans tout le bassin méditerranéen.

L'arrivée de la civilisation arabo-musulmane a engendré des modifications culinaires importantes dans la cuisine de la Méditerranée orientale (interdiction religieuse du vin, du porc, remplacement partiel de l'huile d'olive par la graisse de la queue grasse des moutons orientaux), tout en conservant les bases de la cuisine méditerranéenne élaborées dès l'Antiquité.
Le sucre, qui permet l'arrivée des confiseries, confitures, fruits confits ou nougats et l'aubergine vont ensuite être apportés en Méditerranée par le commerce des arabo-musulmans avec l'Inde.
Mais la vraie révolution culinaire va survenir bien plus tard, avec l'arrivée des produits d'Amérique (tomate, poivron, piment, courgette, pomme de terre, cacao, etc.), à partir du XVIIIe et XIXe siècle, modifiant parfois très fortement la cuisine arabe et toute la cuisine méditerranéenne.
Entre l'Antiquité et l'arrivée des produits d'Amérique, on peut parler d'une continuité dans la cuisine de la Méditerranée orientale.

La cuisine de la Péninsule Arabique

L'Arabie préislamique était peuplée de tribus bédouines nomades qui vivaient de manière très frugale dans une région semi-désertique et de tribus sédentaires habitant dans les oasis.
Les Bédouins nomades élevaient des troupeaux de chameaux, chèvres et moutons.
Dans les oasis, les tribus sédentaires, pouvant pratiquer l'irrigation, cultivaient des arbres fruitiers, des légumes et des céréales.
Eleveurs et agriculteurs échangeaient leurs produits à l'occasion de marchés.

La cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet

Le sud de l'Arabie, appelé "Arabie heureuse", bénéficiant des moussons, avait une agriculture, irriguée ou non, plus développée, cultivant en abondance vigne, céréales (blé, orge, sorgho, millet), fruits (dattes, figues, poires, jujubes, prunes, abricots, pastèques), légumineuses (lentille, pois, pois chiche, vesce, gesse) et exportait jusqu'en Inde ou dans l'empire romain.

La nourriture de base était frugale : bouillies de céréales ou de légumineuses, galettes de pain, dattes séchées, ragoûts de viande, laitages. Cumin et sésame, cultivés dans l'Arabie heureuse, devaient agrémenter les plats cuisinés. Les plus riches habitants des villes du sud devaient profiter, dans les ports et sur les trajets des caravanes, des produits importés (épices et aromates).

Les fouilles, en 2011 et 2012, du site préislamique de l'oasis de Kharj, dans la province de Riyadh, ont montré, dans une maison d'habitation, des os d'animaux consommés, animaux domestiques (dromadaire, chèvre), mais aussi animaux sauvages (gazelle, oryx, renard, hérisson, lézard), témoignages d'une alimentation carnée chez les bédouins du sud de l'Arabie.

Seules les traces archéologiques nous indiquent actuellement les produits cultivés à l'époque préislamique.
Les tribus de l'Arabie préislamique étaient polythéistes, juives ou chrétiennes, avec les interdits alimentaires propres à leurs religions respectives.
Nous n'avons aucune trace écrite de recette de cuisine de l'Arabie préislamique.

Au 9e siècle, l'écrivain arabe Jâhiz, originaire de Bassora, explique, dans un de ses livres Le livre des Avares, la nourriture habituelle des Bédouins : des dattes, du lait, du pain avec du beurre fondu et clarifié.
Il cite une recette importante de la culture culinaire bédouine, le tarîd, dont il est question dans le paragraphe suivant : L'alimentation dans le Coran.

Tarîd et dattes sont décrits comme des "plats arabes", par opposition aux mets étrangers, plus diversifiés et plus riches.
Ces plats étrangers sont accusés d'apporter de la mollesse, du bien être et du plaisir superflu, dans un livre qui met en scène de manière ironique le comportement culinaire des avares.

Il est intéressant de constater qu'au 9e siècle, un lettré arabe originaire de Bassora et ayant vécu à Bagdad, fasse la différence entre la nourriture bédouine traditionnelle et frugale et la nourriture persane de l'empire sassanide préislamique dont la richesse et la diversité a profondément modifié la cuisine arabe à partir du 8e siècle.

L'alimentation dans le Coran

Le Coran ou les Hadiths nous donnent quelques indications sur la nourriture du prophète Mahomet, qui a vécu entre La Mecque et Médine de 570 à 632.
Les aliments cités dans le Coran sont simples : le lait, le miel, l'huile d'olive, le pain, le vinaigre, des légumes ("herbes", blettes, courges calebasse, concombre), des fruits (dattes, olives, grenade, raisin), le cœur de palmier. Poireau, ail et oignon crus sont mal considérés.

Dans l'Arabie préislamique, il était habituel de faire des sacrifices de chameaux (en fait des dromadaires) en offrande aux dieux.
Mahomet, selon les hadiths, remplace ces sacrifices aux dieux multiples par le sacrifice d'un mouton qui est égorgé rituellement puis mangé pour la fête de l'Aïd.
C'est, selon les théologiens musulmans, une tradition (sunna), en référence au sacrifice d'Abraham dans le judaïsme.
La tradition musulmane propose de remplacer éventuellement le mouton par un bœuf, un chameau ou une chèvre.

Les récits légendaires sur la vie du prophète expliquent, par exemple dans la vie d'Aïsha, l'épouse préférée de Mahomet, que ce dernier adorait "boire du miel" quand il allait chez l'une de ses épouses et qu'il aimait les plats sucrés (en particulier le hays : un mélange de lait, beurre et dattes).
Il aurait comparé Aïsha au tarîd, son plat préféré : Aïsha a la même supériorité sur les femmes que le tarîd sur les autres plats.

Le tarîd est un plat de viande coupée en morceaux, cuite dans l'eau ou un bouillon de légumes, dans lequel on trempe du pain et un peu de vinaigre.
On trouve des recettes de tarîd dans les livres de cuisine arabe du Xe et XIIIe siècle.

Mahomet mangeait de manière frugale et n'aurait jamais consommé du pain de froment trois jours de suite.
Pour lui, le vinaigre était le meilleur des condiments.

Le Coran présente une vision très positive de la nourriture : Que l’homme considère donc sa nourriture : c’est Nous qui versons l’eau abondante, puis Nous fendons la terre par fissures et y faisons pousser grains, vignobles et légumes, oliviers et palmiers, jardins touffus, fruits et herbages pour votre jouissance vous et vos bestiaux (sourate Abasa, 24-32). Il n'y a pas de péché de gourmandise comme dans le christianisme.
En revanche, le Ramadan, période d'abstinence totale de nourriture du lever au coucher du soleil, pendant un mois lunaire et période de purification, est plus strict que le jeûne chrétien, ce dernier étant davantage un signe de pénitence.

Aliments interdits

Le Coran précise les aliments interdits (haram) par l'Islam : les boissons fermentées (le vin en particulier), le sang des animaux (l'âme de l'animal), le porc, les bêtes trouvées mortes (donc non égorgées rituellement). Un protocole de mise à mort est cependant exigé avant la consommation des animaux autorisés : il faut égorger les animaux, afin de les saigner et éviter la consommation du sang, ce qui pose plusieurs problèmes techniques : un animal domestique tué par un animal sauvage ou par un accident ne pourra pas être consommé et les animaux sauvages tués lors d'une chasse font exception.
Mais tous les animaux sauvages ne sont pas autorisés à être consommés : les animaux sauvages ressemblant à des animaux domestiques (herbivores, granivores) sont licites, tous les carnassiers munis de crocs ou de serres sont interdits, y compris le sanglier dont les défenses ressemblent aux crocs.
Ce rituel de mise à mort ne concerne pas les animaux aquatiques.
De nombreux textes juridiques tentent de prévoir toutes les situations possibles : oubli partiel ou total des rites, des prières, viande tuée par des non musulmans.
Toute viande tuée selon les rituels est considérée comme pure et déclarée halal (autorisée à la consommation).

En fait les restrictions alimentaires sont moins nombreuses dans l'Islam que dans le judaïsme.
Seules les interdictions du sang et du porc sont reprises dans l'Islam.
Tout ce qui n'est pas expressément interdit est autorisé.
La modération alimentaire est conseillée : Mangez et buvez, évitez les excès.
Il n’aime pas ceux qui dépassent les limites (sourate al A'râf, 31).

Justification des interdits alimentaires

Certains ont cherché à expliquer les interdits alimentaires du Coran et de la Bible à partir de la géographie : l'interdit du porc, commun aux deux religions, proviendrait des problèmes sanitaires rencontrés par le porc dans les pays chauds : sa chair se conserverait moins à la chaleur.
C'est oublier que la viande de porc est une nourriture importante dans toute l'Asie, région qui n'est pas réputée pour son climat tempéré !
Certains textes musulmans contemporains justifient l'interdiction pour des raisons diététiques modernes : viande non diététique par excès de cholestérol !
Il est même fait appel à la Bible pour expliquer que le porc a été créé par Dieu pour nettoyer l'arche de Noé des déchets de l'arche, ce qui explique pourquoi l'animal est impur.

Et l'interdit du vin ne peut s'expliquer par la seule préoccupation de la santé alors qu'il n'y a pas d'interdit explicite des drogues (L'Afghanistan des talibans, pourtant stricte sur certaines prescriptions du Coran, n'a jamais arrêté la culture du pavot).

En fait, les interdits alimentaires, dans la plupart des religions, sont une manière de montrer sa différence et de se distinguer des autres religions.
Chercher une justification scientifique à un interdit religieux est un exercice un peu vain.
L'Arabie, n'a pas un climat favorable pour l'élevage du porc et on n'y trouve pas de sanglier sauvage.
Les premiers musulmans cohabitent avec des chrétiens et interdire le porc, autorisé par les chrétiens, est un moyen de s'en différencier.

Le porc

Pour Mohammed Hocine Benkheira (Ecole pratique des hautes études), l'interdiction du porc dans le judaïsme et en Islam serait un héritage égyptien.
Il estime qu'il n'y a pas de châtiment prévu dans l'Islam pour les mangeurs de porc, contrairement aux buveurs de vin, car le vin était connu en Arabie, contrairement au porc.

En fait, dans l'Egypte pharaonique, le porc est l'animal le plus consommé dans les milieux populaires.
Cela est attesté par l'archéozoologie.
Il est peut-être un peu méprisé par les élites, qui lui préfèrent le bœuf tout en possédant des troupeaux de porcs, mais sa représentation est fréquente dans l'iconographie.
Si le porc n'est pas un animal utilisé dans les sacrifices aux dieux, il existe cependant Pachon, une fête tardive de la pleine lune, en mars avril, à l'époque Ptolémaïque (323 - 330 av JC), où l'on sacrifie un porc en souvenir du mythe de Seth transformé en cochon.

En effet, le porc est consacré au dieu Seth, dont la tête ressemble à celle d'un oryctérope (mammifère fourmilier d'Afrique appelé cochon de terre).
Seth est généralement présenté comme un dieu ambigu, protecteur des cycles cosmiques mais aussi brutal, dieu du désordre et de la luxure: il tue son frère Osiris, viole son neveu Horus et des déesses.
L'œil d'Horus est blessé par un porc noir, manifestation de Seth.
C'est pourquoi le porc est souvent appelé l'avaleur.
Chaque mois, Seth, sous la forme d'un porc noir, attaque et dévore la lune.
Plus l'image de Seth devient négative au fil du temps et plus l'image du cochon devient, elle aussi, négative, indépendamment de sa consommation.

Mais la truie bénéficie d'une image très positive, assimilée à la déesse Nout qui avala ses enfants pour les immortaliser.
Nombreuses sont les amulettes protectrices, en forme de truie (ou d'hippopotame appelé le porc du fleuve).
En fait, dans l'Egypte ancienne, la viande taboue n'est pas le porc mais le mouton, selon Youri Volokhine (maître d’enseignement et de recherche en histoire des religions, Université de Genève).

Le vin

Le Paradis, décrit dans le Coran est un lieu où coulent le lait, le miel… et le vin : il y aura là des ruisseaux à l'eau incorruptible, des ruisseaux de lait à la saveur inaltérable, des ruisseaux d'un vin délicieux à boire, des ruisseaux de miel purifié (Sourate Muhammad, 47 – 15).

Le vin est associé aux jeux de hasard : ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu'une abomination, oeuvre du Diable.
Écartez-vous en, afin que vous réussissiez (Sourate La table servie, 5 – 90).

En fait, le Coran comporte plus de versets condamnant l'ivresse que de versets opposés à l'alcool.
C'est pourquoi, en Turquie, l'école hanafite, d'inspiration sunnite et de tradition soufi, a toujours été accommodante vis-à-vis de l'alcool, ce qui explique la présence du raki dans cette terre d'Islam !
La Turquie dirigée par le conservateur sunnite Erdogan est beaucoup plus stricte sur le sujet maintenant.

Rappelons que le vinaigre, fabriqué par acidification du vin, était, pour Mahomet, le meilleur des condiments.
Il est très présent dans les recettes de la gastronomie arabe des Xe et XIIIe siècle, ce qui implique la présence continue de vin en terre d'Islam.

La cuisine du Maghreb avant la colonisation arabe

Le Maghreb est une riche colonie romaine, avant son islamisation.
Il regroupe la Numidie (un ex royaume berbère devenu province romaine, regroupant l'est du Maroc, le nord de l'Algérie et le nord de la Tunisie) et la Maurétanie (territoire des Maures, vassal de Rome, comprenant le nord du Maroc et le centre de l'Algérie).

L'alimentation au Maghreb est marquée par les habitudes culinaires des Romains.
L'Afrique du Nord est le grenier à blé de l'empire romain.
Le blé pouvait être cultivé jusqu'au sud de la Tunisie, grâce à des systèmes d'irrigation développés.
Céréales, légumes et légumineuses étaient la base de l'alimentation, la viande, peu consommée, semblant avoir été surtout de la viande de chèvre.

Le De re coquinaria d'Apicius donne une recette de poulet à la Numide : un poulet bouilli puis rôti, accompagné d'une sauce aigre-douce liée à la fécule (vinaigre, miel, huile, garum, cumin, coriandre, laser, rue, dattes et pignons) et saupoudré de poivre.
Cette recette est proche de recettes arabes décrites dans les livres de cuisine du Xe au XIIIe siècle.

Le garum, présent dans cette recette romaine, est une saumure de poisson proche de l'actuel nuoc mam.
La fabrication du garum a été la première industrie agro-alimentaire du bassin méditerranéen.
Pendant l'époque romaine, on retrouve des "usines à garum" au Maroc à Tahadart, Cotta et Lixus (Larache) sur la côte atlantique du Maroc, au sud de Tanger, ainsi qu'en Tunisie.
Ces usines se développent à partir du Ie siècle av.J.C. elles sont florissantes au IIe siècle, pour décliner entre le IIIe siècle et le IVe siècle.
La plus grande usine marocaine, celle de Lixus, a été abandonnée définitivement au Ve siècle.

La cuisine arabe préislamique et du temps de Mahomet - Carte du garum en Méditerranée

Emplacement des "usines" à garum à l'époque romaine

Le mot garum a disparu des textes culinaires, mais on retrouve dans les livres de cuisine d'al-Andalus, au XIIIe siècle, un condiment appelé murrî.
Ce mot dérive du grec al-myris (saumure) et du latin muria.
Il existe plusieurs catégories de murrî : le murrî mariné (murrî al-naqî), qui est le meilleur, le murrî de jus de raisin (murrî 'asîr al-'inab), le murrî de pain (murrî hubz), le murrî de blé à la nigelle (murrî hinta bil sûnîz) et le murrî de poisson (murrî hût).
Le murrî de poisson est l'héritier direct du garum romain, les autres murrîs se rapprochant de la moderne sauce soja.

Les premières recettes écrites de couscous datent du XIIIe siècle et proviennent de deux livres de cuisine d'al-Andalus et d'un livre de cuisine d'Alep présentant des recettes très cosmopolites, le Kitâb al-wusla.
Mais des fouilles archéologiques dans des tombes du Sahel tunisien de l'époque romaine ont trouvé des poteries à fond perforé.
S'agit-il de récipients pour cuire à la vapeur, du type couscoussier ?
Il semble que le mot kuskus soit d'origine berbère.
Le couscous est resté un plat typique du Maghreb, jusqu'au XXe siècle, n'étant pas consommé au-delà du golfe de Syrte, en Libye, la province romaine de Cyrénaïque faisant partie du Machrek et non plus du Maghreb.

Conclusion

La cuisine arabe préislamique n'a pas laissé de traces écrites.
Seules l'archéobotanique et l'archéozoologie nous transmettent quelques informations.
Mais quand nous comparons les recettes de l'époque romaine et les recettes arabes des livres de cuisine à partir du VIIIe siècle, nous pouvons repérer des continuités culinaires : un goût pour les saveurs acidulées (le vinaigre) ou aigre-douces (miel ou fruits et vinaigre), l'utilisation des fruits dans la cuisine des viandes et poissons, l'emploi des herbes aromatiques et des épices.

La gastronomie arabe va se déployer entre le Xe et XIIIe siècle, en Méditerranée orientale et au Maghreb en même temps qu'une riche civilisation islamique.
Mais c'est une autre histoire.
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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 19:45

Livres de cuisine médiévale en arabe

Kitâb al-Tabîkh (al-Mahdî) Kitâb al-Tabîkh (Al-Warrâq) Kitâb al-Tabîkh (al-Baghdâdî) : A Baghdad Cookery Book Kitâb al-wusla Kanz Kitâb al-Tabîkh : Anonyme Andalou Fudalat al-Khiwan d'ibn Razin Tujibi Kitâb Wasf al-At'ima al-Mu'tâda Kitâb al-tibâkha

Les livres de cuisine écrits en arabe au Moyen Age sont généralement oubliés des médiévistes.
Les textes de ces manuscrits sont peu accessibles aux francophones car traduits seulement en anglais ou en espagnol.
Entre le 10e et le 13e siècle, à une époque où les livres de cuisine de l'Europe chrétienne ne sont pas encore sortis (les premiers manuscrits datent de la fin du 13e siècle), une dizaine de livres de cuisine arabe ont été écrits à Bagdad, Alep, en Egypte ou dans al-Andalus.

Livres de cuisine en arabe

Contrairement aux livres de l'Europe chrétienne, aucun de ces livres n'a été écrit par des cuisiniers.
Les auteurs, connus ou inconnus, sont des lettrés, des copistes (comme al-Warrâq dont le nom signifie copiste en arabe), voire des parents proches des califes ou vizirs au pouvoir. Tous ces livres sont en partie des compilations de recettes de l'époque du calife Haroun al-Rashid : les auteurs se réfèrent souvent à Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî, demi-frère cadet du calife des 1001 nuits, ainsi qu'à d'autres auteurs culinaires du 9e siècle, médecins, poètes, courtisans ou même califes. Il ne reste que quelques fragments de ces auteurs d'origine.
David Waines estime, dans La cuisine des califes, que le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq, premier livre complet de cuisine du 10e siècle, a compilé une petite centaine de ces recettes d'origine.
On les repère souvent à leur titre, qui cite le nom de l'auteur à l'origine de la recette.

Rappelons que le même phénomène existe dans les livres de cuisine médiévale d'Occident, où l'on retrouve des recettes communes qui ont circulé de livre en livre, chaque cuisinier y ajoutant ses propres recettes.
Le copyright est une invention récente, qui n'existe pas en cuisine.
Par exemple, le Viandier de Taillevent, contient une partie des recettes qui proviennent du Manuscrit de Sion, antérieur à Taillevent, et l'édition imprimée du 15e siècle, contient des recettes postérieures à Taillevent.

Nous retrouvons donc, dans chaque livre de cuisine arabe, de nombreuses recettes communes ou très voisines, avec ajout de recettes spécifiques à chaque livre, correspondant à l'époque ou au lieu de rédaction du manuscrit.

Les livres de recettes sont en général mieux rédigés que les livres de cuisine occidentaux (par exemple le Viandier de Taillevent ou le Forme of cury) et comportent généralement une introduction, avec des indications diététiques.
Par exemple le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq explique la théorie des humeurs.
Les proportions d'ingrédients sont souvent indiquées.
Certaines recettes comportent des commentaires diététiques ou des indications géographiques d'origine.

La palette d'épices est en général un peu différente de celle les livres de cuisine occidentaux (cannelle, clou de girofle, muscade, macis, safran, poivre, gingembre, galanga, mais aussi mastic, nard, camphre, ambre gris, eau de rose), et les herbes aromatiques sont davantage utilisées (coriande, carvi, cumin, menthe, persil, aneth, sésame, rue).

Les viandes sont en général cuites avec des légumes (l'aubergine est la reine des légumes), souvent mises en boulettes ou très cuites, voire avec des sauces épaissies par du riz ou des pâtes.
La matière grasse est généralement la queue grasse des moutons (issue d'une variété de moutons du Proche Orient), éventuellement l'huile d'olive ou de sésame.
Les sauces sont acidulées avec vinaigre, verjus ou jus de citron, de bigarade ou de grenade et sucrées avec miel ou sucre et fruits (dates, prunes, figues, raisins).
Certains légumes sont transformés en pickles.
Fruits secs (amandes, noix, noisettes, pistaches), yaourt, fromage sont souvent présents dans les plats avec les épices.
Le murrî est un condiment très fréquent (soit de la saumure de poisson, voisine du garum antique, dont l'équivalent actuel est le nuoc mam asiatique, soit de la saumure de céréales, dont l'équivalent actuel est la sauce soja).

Contrairement aux livres occidentaux de cuisine médiévale, les recettes de desserts, confiseries, sirops, sont très présents dans les livres arabes.

Ces livres de cuisine arabe sont le symbole de la richesse culturelle de la vie de cour de l'époque des califes abbassides de Bagdad (8e-10e siècle) et de sa diffusion dans le Proche Orient et dans al-Andalus.
Les dirigeants arabes abbasides sont supplantés par les Turcs seldjoukides dès la fin du 11e siècle, mais la culture culinaire arabe se maintient.
Les Mamelouks de Syrie et d'Egypte vont perpétuer cet héritage jusqu'à l'arrivée des Ottomans (1517), puisqu'un livre de cuisine d'Alep reprend encore de nombreuses recettes de Bagdad au 15e siècle.
L'empire ottoman va également s'inspirer de la gastronomie arabe, puisque plusieurs livres arabes sont conservé à Istanbul.

Cet héritage culinaire se retrouve-t-il jusqu'en Inde dans la cuisine de l'empire moghol (1526-1858) ?
Une piste à étudier.
Il n'y aurait rien d'étonnant puisque les Moghols sont des turco-mongols de culture persane.
Et la culture culinaire perse a directement influencé la gastronomie de Bagdad.
En effet, certaines recettes, qui se diffusent dans tout le monde arabe, ont un nom d'origine persane : sikbâj (qui donne ensuite escabèche), zirbâj, faludâj, nârbâja, râshtâ, etc.

Il serait intéressant d'étudier, si les sources le permettent, l'origine de ces recettes perses : l'empire sassanide de Khosrô (ou Chosroès) et de ses successeurs avant l'islamisation de la Perse ou le goût pour la grande cuisine est-il antérieur ?
Le développement de la gastronomie en Perse est-il à mettre en lien avec les recherches médicales et diététiques de l'Académie de Gundishapur, héritière de la médecine hippocratique ?
Vaste sujet d'études à venir.

Une partie de cet héritage culinaire est arrivé jusque chez nous, via al-Andalus.

itâb al-Tabîkh (al-Mahdî)


Premier Livre de cuisine en arabe, écrit à Bagdad au 8e siècle par Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî.

C'est le demi-frère cadet du calife des 1001 nuits.
Lettré, poète et gourmet, il avait une cuisinière, Badi'a, réputée pour ses talents de cuisinière.
Il ne reste que des fragments de ce livre : une quarantaine de recettes.
Ce Livre de cuisine est surtout connu indirectement, par les livres de cuisine suivants qui s'y réfèrent et citent certaines de ses recettes

Aruzziyya par Ibrâhîm ibn al-Mahdî

Prenez des morceaux de croupe maigre re et des morceaux de graisse de queue de mouton.
Coupez-les en tranches minces et fumer jusqu'à ce que la viande ait une coloration brune.
Faites chauffer un peu d'huile d'olive dans un pot et faire frire les tranches de viande jusqu'à cuisson complète.
Saupoudrez-les d'un peu de sel mais éviter d'utiliser du murrî de peur qu'il décolore le plat.

Prenez un grand pot, remplissez-le à moitié avec du lait et portez à ébullition.
Ajoutez galangal et cannelle, un bâton chacun.
Ajoutez du sel si nécessaire.
Maintenant prenez du riz, lavez-le très bien et ajoutez-le au lait.
Quand il est cuit et que le plat a épaissi, ajoutez les tranches de viande avec l'huile de friture.

Kitâb al-Tabîkh (Al-Warrâq)


Recueil de recettes compilées à Bagdad à la fin du 10e siècle par Abu Muhammad al-Muzaffar ibn Nasr ibn Sayyâr al-Warrâq.
Warrâq signifie copiste en arabe : le livre est une compilation de recettes du 8e au 10e siècle, dont celles du premier Livre de cuisine en arabe, écrit à Bagdad à la fin du 8e siècle par Abou Ishaq Ibrâhîm ibn al-Mahdî, le demi-frère cadet du calife des Mille et une nuits, Haroun al-Rashid.
Le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq est le premier livre de cuisine arabe qui soit parvenu jusqu'à nous en entier.
Remuez très bien le riz et servez-le, si Dieu le veut.

David Friedman : Une partie du texte en arabe.

Ce livre est à la fois livre de cuisine, de diététique, de cosmétique et manuel de politesse à table.
Le Ménagier de Paris, vers 1393, donne quelques recettes d’hygiène en fin de son livre de recettes.
A la fin du 15e siècle, paraît La pratique de faire toutes confitures (imprimé au 16e siècle) qui est un manuel pour le service d'office.
Il regroupe tout ce qu’un bon serviteur doit savoir pour servir les convives d’un banquet : recettes de confiture, de boissons, de vinaigres, d’eaux distillées, de savons, de parfums et de moutardes.
Au 10e siècle, soit plusieurs siècles avant ces livres français, le Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq propose une anthologie de l’art culinaire abbasside : livre de diététique, livre de cuisine, livre de cosmétique et de service de table.
Il comprend 132 chapitres de longueur très variable (certains chapitres n’ont qu’une recette, d’autres une vingtaine) pour 615 recettes.
Al-Warrâq n’est pas seulement un copiste de recettes, il propose de nombreuses anecdotes, des poèmes ou des citations littéraires pour illustrer son propos dans certains chapitres. Il cite certaines de ses sources.
Une trentaine de noms sont cités, auteurs de livres de cuisine ou de diététique, auteurs de recettes, en majorité des personnes des 8e et 9e siècles.

Introduction à la cuisine et à la diététique
Les chapitres 1 à 5 sont une introduction à la cuisine, avec des indications précises sur les ustensiles, les épices et aromates, les saveurs.
Les chapitres 6 à 30 pourraient être intégrés dans un livre de diététique : ils traitent de la théorie hippocratique des humeurs et de la valeur des aliments dans cette diététique.

Plus de 420 recettes en 73 chapitres
Du chapitre 31 au chapitre 104, sont présentées les nombreuses recettes du livre, classées dans l’ordre suivant :

Chapitres 31 à 47 : plats froids et en-cas
Chapitres 48 à 86 : plats chauds de viandes, légumes et céréales
Chapitre 87 à 92 : viandes rôties
Chapitre 93 à 104 : desserts.
On remarquera la quasi absence de recettes de poissons, le petit nombre de recettes de légumes par rapport aux recettes de viande et l’importance des recettes de desserts.

Chapitre 31 : 17 recettes de volaille froide (bārida)
Chapitre 32 : 8 recettes de volaille grasse
Chapitre 33 : 7 recettes de poissons en plat froid
Chapitre 34 : 8 sauces et marinades pour poissons
Chapitre 35 : 4 sauces pour volailles (laqānid)
Chapitre 36 : 10 recettes de saucisses
Chapitre 37 : 2 recettes de poisson et volaille marinés
Chapitre 38 : 1 recette de moutarde
Chapitre 39 : 6 recettes de yaourt (laban) et fromage
Chapitre 40 : 24 recettes de condiments fermentés, d’olives et de kishk (céréales et laitages)
Chapitre 41 : 3 recettes de mouton et veau au vinaigre (alhām)
Chapitre 42 : 8 recettes de viandes froides diverses (bārida)
Chapitre 43 : une liste de légumes à bouillir et 1 recette d’asperges
Chapitre 44 : 6 recettes de viandes de chevreau et mouton bouillis (silāqa)
Chapitre 45 : 10 recettes de légumes (aubergines, carottes, fèves)
Chapitre 46 : 22 recettes qui imitent les recettes chrétiennes de Carême
Chapitre 47 : 4 recettes avec vinaigre, huile d’olive et miettes de pain
Chapitre 48 : 8 recettes de gibier (antilope, gazelle) cuits dans eau et sel et servi avec graines de moutarde
Chapitre 49 : 5 recettes de ragoûts (sikbāj et tharīda)
Chapitre 50 : 6 recettes de harīsa
Chapitre 51 : 4 recettes de bouillie de riz au lait
Chapitre 52 : 3 recettes de céréales
Chapitre 53 : 1 recette d’épinards et choux
Chapitre 54 : 3 recettes de radis et navet
Chapitre 55 : 2 recettes de riz aux fèves
Chapitre 56 : 1 recette de ragoût acide au safran
Chapitre 57 : 6 recettes de ragoût (zīrbāja)
Chapitre 58 : 5 recettes de ragoût au citron ou à la grenade (hummādiyya et rummāniyya)
Chapitre 59 : 3 recettes de ragoût blanc ou vert
Chapitre 60 : 2 recettes de légumes
Chapitre 61 : 2 recettes de pois chiche et fèves
Chapitre 62 : 3 recettes de ragoût acide au verjus et aux fruits
Chapitre 63 : 1 recette de kishk (céréales et laitages)
Chapitre 64 : 4 recettes de lentilles et de gesse
Chapitre 65 : 3 recettes de fèves et gesse
Chapitre 66 : 2 recettes de légumineuses
Chapitre 67 : 2 recettes de ragoût à la grenade (nārbāj)
Chapitre 68 : 2 recettes de ragoût au sumac
Chapitre 69 : 3 recettes au lait aigre (madīra)
Chapitre 70 : 4 recettes au yaourt (masliyya)
Chapitre 71 : 4 recettes de viande
Chapitre 72 : 1 recette de volaille à la Nabatéenne
Chapitre 73 : 2 recettes de viandes avec des œufs
Chapitre 74 : 5 recettes de viande à l’étouffée avec vinaigre (maghmūma)
Chapitre 75 : 3 recettes de viande (mulahwajāt)
Chapitre 76 : 4 recettes de viande avec des oignons (basaliyya)
Chapitre 77 : 6 recettes de viande (jazūriyya)
Chapitre 78 : 3 recettes de viande pilée
Chapitre 79 : 9 recettes d’omelette
Chapitre 80 : 3 recettes de viande hachée
Chapitre 81 : 5 recettes de viande cuite en bouillon ou avec du babeurre
Chapitre 82 : 1 recette de viande rôtie
Chapitre 83 : 12 recettes de panade (tharīda)
Chapitre 84 : 13 recettes de viande en friture (qaliyya)
Chapitre 85 : 8 recettes de viande émincée aux épices (kushtābiyya)
Chapitre 86 : 9 recettes de viande rouge émincée (tabāhija)
Chapitre 87 : 12 recettes de viande rôtie au tannūr
Chapitre 88 : 1 recette de chevreau ou agneau farci
Chapitre 89 : 5 recettes de viande coupée
Chapitre 90 : 3 recettes de volaille grillée à la broche (kardhabāj)
Chapitre 91 : 2 recettes de plats cuits au tannūr
Chapitre 92 : pudding cuit au four en même temps qu'un poulet suspendu à côté
Chapitre 93 : 9 recettes de dessert (fālūdhaj)
Chapitre 94 : 12 recettes de dessert (khabīsa)
Chapitre 95 : 7 desserts avec carottes, dates ou pommes (khabīs)
Chapitre 96 : 4 recettes de dessert aux noix ou aux amandes
Chapitre 97 : 4 recettes de desserts (khabīs)
Chapitre 98 : 11 recettes de pâtisserie dont 2 recettes sucrées avec des pâtes (itriya).
Chapitre 99 : 3 recettes de losanges d’amandes (lawzīnaj)
Chapitre 100 : 6 recettes de beignets (zalābiya)
Chapitre 101 : 3 recettes de gâteaux secs et crêpes
Chapitre 102 : 4 recettes de crêpes
Chapitre 103 : 4 recettes de décoration de desserts
Chapitre 104 : 6 recettes de nougats (nātif).
Des recettes diététiques
Les chapitres 105 à 116 proposent des recettes « diététiques » pour soigner certaines maladies.

Chapitre 105 : 16 recettes de plats végétariens bons pour la santé, pour nourrir le malade
Chapitre 106 : 11 recettes de ragoût et jus de viande pour nourrir le corps souffrant
Chapitre 108 : 13 recettes de soupes pour les maladies froides
Chapitre 109 : 8 recettes de ragoûts de grains pour certaines maladies
Chapitre 109 : 5 recettes nourrissantes de poisson pour la jaunisse.
Des recettes de boissons
Chapitre 110 : Mesures prise quand l’eau est refroidie par la glace
Chapitre 111 : Qualités de l’eau refroidie par l’air
Chapitre 112 : Avantages à boire de la bière sans alcool
Chapitre 113 : 8 recettes de bière sans alcool ordinaire ou parfumée
Chapitre 114 : 6 recettes devin et autres breuvages et leurs propriétés humorales
Chapitre 115 : Effets néfastes des vins sur les personnes infirmes et comment les éviter
Chapitre 116 : 3 recettes de boissons sans alcool
Chapitre 117 : 3 recettes de boissons au lait de chamelle, de vache et de brebis
Chapitre 118 : 3 recettes de boissons rafraichissantes
Chapitre 119 : 4 recettes de vin de datte et de raisin
Chapitre 120 : 1 recette de vin de raisin et 1 recette d’hydromel
Chapitre 121 : 3 recettes de sirop de sucre et de bonbon
Chapitre 122 : 8 recettes de sirops (sharāb) de légumes
Chapitre 123 : 6 recettes de sirops de fruits
Chapitre 124 : 3 recettes de boissons aromatiques et médicinales (mayba)
Chapitre 125 : 16 recettes de conserves de fruits et de légumes et de confitures (juwārishun)
Chapitre 126 : 9 recettes de moût cuit (rubb).
Des recettes de cosmétique et d’hygiène
Chapitre 127 : 4 recettes sur l’alkali et le souchet pour se laver les mains
Chapitre 128 : 4 recettes de cure-dents en bois
Chapitre 129 : 10 recettes de parfums dont 4 recettes avec du bunk (café)
Chapitre 130 : Règles pour se laver les mains avant et après le repas et manger à table
Chapitre 131 : Règles pour bien se tenir à table devant des supérieurs et des rois
Chapitre 132 : Bénéfices de la sieste après le repas.

Innovation en cuisine
Nous trouvons dans ce livre de cuisine plusieurs recettes qui semblent être à l’origine de plats qui ont connu ensuite un développement important dans le monde méditerranéen :

Peut-être les premières recettes de laban, du nom du yaourt dans les pays arabes
Peut-être les premières recettes de concombre au yaourt
Peut-être les premières recettes de chawarma ou kebab
Peut-être les premières recettes de pâtes
Peut-être les premières recettes de nougat.
On découvre avec étonnement les premières recettes de café (bunk).
Mais le café n’est pas ici une boisson, mais un grain parfumé, employé pour créer un parfum !

Une curiosité dans la cuisine arabe : les chapitres 119 et 120 sur l’art de faire du vin de date, de raisin ou l’hydromel !
La fermentation alcoolique est condamnée en Islam, mais le vin est recommandé par les médecins.
Ce livre de cuisine, avec ses préoccupations diététiques, tranche en faveur de la médecine !

L’héritage du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq

Un manuscrit du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq figure dans la bibliothèque de Topkapi à Istanbul.
On retrouvera un certain nombre de recettes du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq dans plusieurs livres arabes postérieurs : au 13e siècle, le Baghdâd cookery book, l’Anonyme Andalou et le Fudalat al-khiwan, au 14e - 15e siècle, le Kanz al-Fawā’id (Egypte).
L’influence du Kitâb al-Tabîkh d’Al-Warrâq dépasse les frontières du monde arabe.
Selon Nawal Nasrallah, on retrouve des recettes abbassides jusqu’en Inde à la fin du 15e siècle.
Les livres de cuisine de la famille du Liber de Coquina reprennent en Italie médiévale plusieurs de ses recettes : limonia, rumania, sumachia. La mawmenee du Forme of Cury est également un héritage du livre d’al-Warrāq.
La cuisine arabe actuelle est toujours influencée par les recettes abbassides.

Pour faire jājaq
Prendre un récipient en cuir propre (ziqq) et sentez-le.
Versez le yogourt et ajoutez le sel.
L'extérieur du ziqq doit aussi être salé.
Mélanger yogourt, oignon haché, gousses d'ail épluchées, persil haché délicatement, menthe na'na', estragon, rue, khiyar (concombres petits et lisses) et qiththa' (long concombre à côtes), tiges de laitue pelées, et - en saison - de l’artichaut (harshaf).
Prendre aussi des amandes fraîches et tendres (vertes).

Il est préférable d’ajouter une quantité convenable de menthe na'na', rue, persil, oignon et ail.
En plus, vous devez garder [le récipient en cuir] propre tout le temps [pour permettre aux liquides de s'écouler].
Quand c'est prêt à manger, servez-le avec l'huile d’olive.

S’agit-il de la première recette de concombre au yaourt ?

Kitâb al-Tabîkh (al-Baghdâdî)

Plus connu sous le titre A Baghdad Cookery Book, ce texte a été écrit à Bagdad en 1226 par Muhammad ibn al-Hasan ibn Muhammad ibn al-Karîm al-Kâtib al-Baghdâdî.
On en sait pas grand chose sur l'auteur de ce livre de cuisine.
Comme son nom l'indique, il serait de Bagdad où il aurait été scribe.
Il aurait écrit son livre en 1226 et serait mort en 1239.

Texte traduit en anglais par A.J. Arberry et publié par The Hyderabad Quarterly Review, Volume XIII, 1939.
A Baghdad Cookery Book : the book of dishes, Muhammad Ibn Al-H Al-Baghdadi, traduction anglaise de Charles Perry, Prospect Books, 2005
Le livre de cuisine d'al-Baghdâdî est une compilation de recettes de la grande cuisine abbasside des 8e-10e siècles : recettes d'Ibrâhîm ibn al-Mahdî ou d'al-Warrâq, sélectionnées par al-Baghdâdî en fonction de ses goûts, comme il l'annonce dans son introduction.

Le livre a eu beaucoup de succès : on le retrouve jusqu'en Turquie et en Egypte. Il est intéressant de constater que le Baghdad Cookery Book fait l'apologie de la gastronomie abbasside au moment où cette dynastie est en voie de disparition : le pouvoir des califes s'est affaibli au point de devenir inexistant depuis l'arrivée des Turcs Seldjoukides en 1055 et le dernier calife abbasside est exécuté par les Mongols qui ont envahi Bagdad en 1258.

Mais la culture culinaire abbasside a survécu à la disparition des califes.
Elle a même réussi à séduire les guerriers nomades d'Asie centrale qui se nourrissaient de yaourt et de riz : d'abord les Seldjoukides puis les Oghouzes ou Turcomans qui ont fondé l'empire ottoman.
La grande cuisine ottomane est en partie héritière de la cuisine abbasside décrite dans le Baghdad Cookery Book.

Plusieurs manuscrits sont conservés à Istanbul, en Turquie, dans les bibliothèques de Süleymaniye, du musée de Sainte Sophie et du palais Topkapi.
Le texte a été traduit en turc au 15e siècle par Mehmed bin Mahmoud Chirvânî (de Chirvân, une ville d'Azerbaïdjan).
Chirvanî a ajouté, en fin de traduction, 82 recettes turques du 15e siècle.

Le Kitâb Wasf al-At'ima al-Mu'tâda, écrit en Egypte au 14e siècle, reprend les 160 recettes du Baghdad Cookery Book (420 recettes au total).

Le livre de cuisine d'al-Baghdâdî contient 160 recettes précédées d'une courte introduction.
Ces recettes sont classées en 10 chapitres :

Chapitre 1 - Plats acides : 22 recettes de viandes cuites avec vinaigre ou citron et plats aux laitages : 6 recettes de viandes avec du lait caillé.
Chapitre 2 - Plats simples : 18 recettes de viandes cuites avec du riz, des légumes ou des pâtes.
Chapitre 3 – Plats frits et secs classés en 3 catégories : d'abord 8 recettes, puis 22 recettes de plats simples et doux, puis une recette de poulet.
Chapitre 4 – Harissa et plats cuits au four : 9 recettes.
Chapitre 5 – Plats frits, marinés, sautés, tartes… : 10 recettes.
Chapitre 6 – Plats de poissons : poissons frais (5 recettes), salés (5 recettes), poissons tirrîkh (3 recettes).
Chapitre 7 - Sauces, condiments et savouries : 4 sauces, 5 condiments et 5 savouries.
Chapitre 8 – 14 recettes de plats appelés jûdhâb et khabîs.
Chapitre 9 – Halwâ (douceur) : 9 recettes de confiseries et gâteaux secs.
Chapitre 10 – 14 recettes de pâtisseries.


Hummâdîya : Cut fat meat into middling pieces, and leave in the saucepan with a covering of water and a little salt. Boil, then throw in the stout cotton bag containing the seasonings, namely, dry coriander, ginger, pepper and cloves ground fine : add also a few pieces of cinnamon. Now mince red meat with seasonings, and make into cabobs : when the saucepan is boiling, throw in the cabobs, and as soon as these are cooked, remove the bag of seasonings. Now take the pulp of large citrons, seeded, and squeeze well in the hand, add about a quarter as much of grape-juice, and pour into the saucepan on top of the meat. Boil for an hour. Take sweet almonds, peel, chop up fine, soak in water, and add to the saucepan. Sweeten with sugar, or with syrup if preferred. Leave the saucepan over the fire to settle. Sprinkle with rose-water, wipe the sides with a clean rag, and remove.

Hummâdîya (vient de hummâd: pulpe de citron) :
Couper de la viande grasse en morceaux de taille moyenne, et la mettre dans une casserole en couvrant d'eau et avec un peu de sel.
Porter à ébullition, puis jeter dedans le sac de coton solide contenant les assaisonnements, à savoir coriandre sèche, gingembre, poivre et clou de girofle en poudre : ajouter aussi quelques morceaux de cannelle.
Maintenant hacher de la viande rouge avec des assaisonnements et la mettre en boulettes : quand la casserolle bout, verser les boulettes dedans et dès qu'elles sont cuites, enlever le sac d'assaisonnements.
Maintenant prendre la pulpe de gros citrons, enlever les pépins et bien presser à la main, ajouter environ un quart (?) de jus de raisin, et verser dans la casserole par-dessus la viande.
Faire bouillir une heure.
Prendre des amandes douces, peler, hacher fin, tremper dans l'eau et ajouter dans la casserole.
Adoucir avec du sucre, ou du sirop si vous préférez.
Laisser la casserole sur le feu pour clarifier.
Saupoudrer d'eau de rose, essuyer les côtés avec un chiffon propre et enlever.

Kitâb al-wusla ilâ l-habîb fi wasf al-tayyabât wa l-tîb


Ce livre est appelé généralement al Wusla.

Le livre du lien avec l’ami ou description des bons plats et des parfums est un livre de recettes, rédigé à Alep au 13e siècle, à l’époque ayyoubide.
Les Ayyoubides sont une dynastie d’origine kurde (1169-1260), dont le plus célèbre représentant est Saladin.
Ils ont conquis les états latins d’Orient, la Syrie puis l’Egypte, jusqu’au Yémen, avant d’être chassés par les Mongols au nord et les Mamelouks au sud.

Le texte d’origine semble avoir été remanié par un auteur inconnu.
On l’attribue généralement à Ibn al-Adîm (1192-1260), petit neveu de Saladin, poète, calligraphe, historien et vizir des ayyoubides.
Mais il reste une dizaine de manuscrits, conservés au Proche Orient : le Caire, Damas, Alep, Bursa (Turquie), Mossoul, ainsi qu’à Berlin, Londres et en Inde (Bankipore).
Et certains manuscrits indiquent d’autres auteurs : un historien d’Alep Kamâl ad-dîn Ibn al’Adîm ou un poète égyptien Ibn al-Jazzâr.
Dans tous les cas, il s’agit d’une personne bien introduite à la cour des ayyoubides.

Les recettes présentées dans al Wusla sont très cosmopolites : cuisine d’Alep et de Bagdad (certaines recettes sont voisines de celles du Bagdad cookery book), mais de nombreuses recettes font référence à leur origine : plats arméniens, grecs, kurdes, turcomans, égyptiens, yéménites, indiens (riz) ou du Maghreb (couscous).
Une recette fait référence aux croisés : un plat de viande à la franque ou shiwâ ifranjî.

Ce texte arabe a été édité à Alep en 1986-87.
Charles Perry en a publié une édition bilingue arabe/anglais en mai 2017 (New York University Press) sous le titre Scents and flavors, a syrian cookbook.

L'auteur d'al Wusla nous indique, dans l'introduction de son livre de cuisine, qu'il a compilé des recettes déjà existantes, mais qu'il les a toutes testées et goûtées.
Effectivement, le al Wusla comporte des recettes communes à d'autres livres de cuisine arabe, dont l'égyptien Kanz.

Al Wusla va au-delà d’un simple livre de recettes de cuisine : il propose des recettes qu’on trouve habituellement pour le service d’office, c'est-à-dire des recettes qui concernent, de près ou de loin, ce qu’il faut savoir pour servir convenablement les convives d’un banquet : le chapitre 1 concerne les parfums, le chapitre 9 les savons et le chapitre 10 les eaux de senteur.
En France, au 16e siècle, ont été publié à Lyon deux livres de ce type : La pratique pour faire toutes confitures, condiments, distillations d’eaux odoriférantes & plusieurs autres recettes très utiles (1558) et Excellent et moult utile opuscule écrit par Nostradamus et publié en 1555.
L’opuscule de Nostradamus comporte 2 parties : Le vrai et parfait embellissement de la face, qui donne des recettes de parfums, de savons, de fards et d’onguents divers, suivi d’un livre de confitures : La façon & manière de faire toutes confitures.

A noter :

La présence de recettes comportant du fromage, une pratique peu courante dans la cuisine arabe.
L'absence de recettes de poissons frais et seulement quelques recettes de poissons salés, bien que le al Wusla ait été écrit à Alep, à 100 km de la mer.
Cela s'explique parce que les Arabes sont originaires des oasis d'Arabie Saoudite où la consommation de poisson était peu courante.
La culture culinaire arabe médiévale est très marquée par ces origines et le poisson peu présent dans l'ensemble des livres de recettes arabes.
Contrairement aux autres livres de cuisine arabe, le murrî (saumure de poisson ou de céréales, héritage de l'antique garum) est présent dans une seule recette.
La présence d'une section de 35 recettes de sauces appelées sals, une influence lexicale du vocabulaire des Croisés francophones.
La présence d'une recette appelée qarni yārūq, qui annonce le baklava ottoman, créé au 16e siècle.
La première inspiration du baklava étant probablement une recette de lawzînaj présente dans le livre d'al Warrâq au 10e siècle.
Le livre décrit 10 niveaux de niveaux de densité du sirop de sucre, du sirop liquide fait avec autant de sucre que d'eau au caramel, en passant par ce qu'on appelle maintenant petit ou grand boulé ou cassé.

Le livre commence par une introduction et propose 10 chapitres :

Chapitre 1 - Des parfums : 32 recettes
Chapitre 2 - Des boissons : 15 recettes de grenadine, citronnade, boissons à l'abricot, à l'orange amère, oxymel, sirop de coing.
Chapitre 3 - De la préparation des jus de fruits et de vinaigres : 8 recettes de jus de raisin, de citron, d'orange, de sumac, vinaigre blanc.
Chapitre 4 - De la façon de clarifier la graisse alya (graisse de queue de mouton) : 4 recettes.
Chapitre 5 - Du poulet : 76 recettes de poulet rôti, en boulettes, cuit à l'eau ou au vinaigre, poulet aux légumes, aux fruits, poulet farci. Le chapitre se termine même par des recettes sans poulet.
Chapitre 6 – Plats sautés et frits, rissoles, etc. : 138 recettes de viandes rôties, de légumes, de ragoûts, de riz, de pâtes, de couscous.
Chapitre 7 – Des douceurs et pâtisseries : 111 recettes sucrées de pâtisseries, petits gâteaux, confiseries et de pains et de brioches (50 recettes différentes).
Chapitre 8 – Recettes de conserves au vinaigre et en saumure : 130 recettes de fruits et légumes, œufs, plats cuisinés.
Chapitre 9 – Savons et parfums : 9 recettes de savons parfumés.
Chapitre 10 – Des eaux distillées : 37 recettes de parfums confectionnés à base de distillation de fleurs (rose, oranger) et d'épices ou d'herbes aromatiques.
Soit, au total, 560 recettes dont 482 recettes alimentaires (boissons, plats).


Certaines recettes ont été traduites en français :


Par exemple Florence Ollivry (Les Secrets d’Alep, Actes Sud, 2006) fait remarquer la profusion des pistaches dans les recettes et 5 recettes de viande à la rhubarbe, typiques de la cuisine d’Alep.
Elle indique la présence de recettes de kubab, un mélange de viande pilée en boulettes et de légumes qui lui fait penser aux recettes actuelles de kebbé.
Elle traduit en français une recette de coing au sirop, de conserves de roses et de pain au tannour.

Lilia Zaouali (La grande cuisine arabe du Moyen Age, Officina libraria, 2010) propose plus d’une vingtaine de recettes : Nâranj (poulet à l’orange), Zirbâj aux coings, basaliyya aux oignons, mawz (viande aux bananes), rutabiyya (viande aux dattes), plusieurs recettes d’aubergines, une recette de mulûkhiyya et une recette de viande séchée à l’égyptienne, une viande rôtie à la franque (écho des Croisades, mais qui est en fait ce que nous appellerions maintenant un méchoui !), plusieurs recettes de mouton rôti, qamhiyya (bouillie de blé entier), sha’îriyya (des pâtes en forme de grain d’orge), une recette de couscous al-maghribî (couscous à la viande, aux boulettes et aux poulets), plusieurs recettes de riz dont les grains ne doivent pas coller une fois cuit, labaniyya rumiyya (recette byzantine de viande aux blettes et au riz au lait) et une recette de semoule torréfiée et sucrée.

Kanz al-Fawa’id fi tanwi al-mawa’id


Ce livre est appelé généralement Kanz.

Le trésor de conseils utiles pour la composition d'une table variée est probablement une compilation de recettes du 13e ou 14e siècle, écrit en Egypte pendant la période mamelouk.

Ce texte a été édité en arabe à Beyrouth et Stuttgart en 1993.

Texte arabe du KANZ AL-FAWA’ID FI TANWI’ AL-MAWA’ID, كنز الفوائد في تنويع الموائ

Il a été traduit en anglais en 2017, par Nawal Nasrallah, qui avait déjà traduit le livre d'al Warraq.
Il est paru aux éditions Brill sous le titre : Treasure Trove of Benefits and Variety at the Table: A Fourteenth-Century Egyptian Cookbook.

Le Kanz contient 830 recettes de cuisine, de desserts, mais aussi de boissons et de produits cosmétiques, en provenance de différentes régions du Moyen Orient et classées en 23 chapitres :


Chapitre 1: Instructions indispensables pour les cuisiniers
Chapitre 2: Comment pétrir la pâte à pain et la cuire; et faire des variétés de pain : amélioré (muṭayyab), aux graines (mubazzar), salé (mamlūḥ) et plus
Chapitre 3: Mesures prises pour boire de l'eau potable : muzammal et glacé avec de la glace (thalj maḍrūb)
Chapitre 4: Qualités de l'eau refroidie par l'air et ce que les médecins ont dit à ce sujet
Chapitre 5: Divers plats
Chapitre 6: Fabrication du murrī et préservation du verjus (mā' al-ḥiṣrim) et du jus de citron (mā' al-laymūn)
Chapitre 7: Oeufs cuits en omelette et autres plats
Chapitre 8: Plats Végétariens (muzawwarāt al-buqūl) pour la nourriture des malades
Chapitre 9: Tous les types de plats fabriqués avec différentes variétés de poisson
Chapitre 10: Faire tous les types de douceurs (ḥalwā)
Chapitre 11: Confitures digestives (juwārishnāt), électuaires (ma'ājīn) et boissons (ashriba) offerts avant et après le repas
Chapitre 12: Faire du fuqqā' (bière mousseuse) et autres boissons
Chapitre 13: Compote aux abricots secs (naqū' al-mishmish)
Chapitre 14: Faire des préparations qui soulagent la nausée (adwiyat al-qaraf)
Chapitre 15: Faire de la moutarde [Condiments], douce et forte
Chapitre 16: Faire des sauces de table (ṣulūṣāt)
Chapitre 17: Plats faits avec des produits laitiers (albān): kawāmikh (condiments fermentés), jājaq (condiment au yogourt égoutté), condiments avec kabar (câpres) et za'tar (thym); bīrāf (crème épaisse); etc.
Chapitre 18: Tous les types de navet et d'oignon marinés, toutes sortes de fruits et légumes au vinaigre, et comment préserver le citron, le cédrat de Damas et autres, dans le sel
Chapitre 19: Faire des plats froids (bawārid)
Chapitre 20: Sur les plantes aromatiques (ṭīb) et les propriétés des cure-dents (khilāl) fabriqués à partir de bois de saule (ṣafṣāf) et de brindilles de saule égyptien ('īdān al-khilāf)
Chapitre 21: Variétés d'encens à diffusion aromatique qui fortifient l'esprit et le cœur; Pilules aromatisantes; Déodorants; et autres préparations
Chapitre 22: poudres parfumées de qualité supérieure (dharā'ir mulūkiyya) et autres préparations
Chapitre 23: Conservation des fruits frais et maintien de leur utilisation après leur saison

Lilia Zaouali (La grande cuisine arabe du Moyen Age, Officina libraria, 2010) propose plus d’une vingtaine de recettes :

Des recettes de légumes : pois chiches en purée (voisin du houmos libanais mais sans huile de sésame), fèves aux noisettes, purée d’aubergines au lait fermenté, tahîniyya (carottes au beurre de sésame), sikbâj aux aubergines, fausse mulûkhiyya;
Des recettes de viande : rummâniyya mukhaththara (au jus de grenade et aux pistaches), marwaziyya aux cerises séchées, tabâhija aux pistaches, ma’wardiyya aux boutons de roses, abricots frais, poulets au lait d’amandes, viande hachée frite, mudaqqaqa (viande hachée au vinaigre);
Des recettes de viande aux légumes : plat à la colocase, mulûkhiyya aux boulettes;
Des recettes de pâtes et riz : ittriya, sha’îrriyya (différente de celle du Al Wulsa), aruziyya (riz);
Des recettes de poisson : limûniyya (au citron), zirbâj, sikbâj (escabèche), boulettes de poisson de plusieurs formes, sîr cuits (poisson d’eau douce séché);
Des recettes diverses : kâmakh à l’estragon (sauce issue de la fermentation du pain), 2 recettes de crème fraîche, 2 recettes de sirop de coing, cédrat confit, confiture de carottes.

Kitâb al-Tabîkh
Kitâb al-Tabîkh fi'l-Maghrib wa'l-Andalus fi'asr al-Muwahhidin ou Anonyme Andalou.

Fudalat al-Khiwan

Fudalat al-Khiwan d'ibn Razin Tujibi.

Kitâb Wasf al-At'ima al-Mu'tâda

La description des nourritures familières est une compilation de recettes de l'Egypte mamelouke du 14e siècle, écrite par un auteur inconnu.

Il existe actuellement 2 manuscrits conservés au palais de Topkapi à Istanbul.
L'un d'eux se termine par un colophon (la note en fin de manuscrit) indiquant une date : 30/11/1373 et un lieu : Le Caire.

Texte traduit en anglais par Charles Perry, incorporé dans Medieval Arab Cookery, Prospect Books, 2006.

Ce livre renferme 420 recettes, 160 recettes sont communes avec le Bagdad Cookery Book de Baghdadi et 3 recettes de boissons sont communes avec le al-Wusla.
Le Kitâb Wasf comporte des chapitres nouveaux par rapport aux livres de cuisine présentés dans cette page : des recettes de boissons digestives (oxymel, sorte de bière, sirops), des recettes de plats végétariens et 3 chapitres de plats sucrés (halva, lauzinaj, fâlûdaj, nougat noir...).

Le Kitâb Wasf propose seulement 35 recettes avec un nom persan, dont un tiers dans le chapitre 2, soit beaucoup moins que dans le Kitâb al-Tabîkh d'Al-Warrâq : les limites de l'empire ottoman se sont déplacées, la Perse n'est plus le modèle culinaire dominant au 14e siècle, comme il l'était à l'époque des califes abbasides de Bagdad.
Certaines recettes ont des noms en référence à l'ourdou (Pakistan et nord de l'Inde) ou à l'Asie centrale, ainsi qu'à Byzance.

Les saveurs de la cuisine du Kitâb Wasf sont, malgré tout, proches des saveurs des livres de cuisine arabe de Bagdad aux siècles précédents.
Cependant, il s'ouvre à des recettes végétariennes pour malades, pour moines et chrétiens en temps de Carême (recettes de légumes : lentilles, aubergines, épinards, harissa).
En effet, les chrétiens coptes sont majoritaires en Egypte jusqu'au 14e siècle et beaucoup de médecins sont encore chrétiens, prescrivant ces recettes de légumes à leurs malades.

On peut remarquer la présence de plats ordinaires (sawadhij) au riz, aux pâtes (itriya) ou aux lentilles, une séparation entre ragoûts sucrés, aigres ou épicés (hawamid).
La viande n'est jamais grillée, mais toujours cuite au four ou en ragout avec légumes, riz ou pâtes (itriya ou reshtâ), souvent présentée en boulettes.
Les recettes de poisson sont majoritairement réalisées avec du poisson séché ou salé.

Condiments : Certaines recettes utilisent du murrî (saumure de poisson ou de céréales déjà présente dans les livres de cuisine antérieurs), malheureusement traduit en "sauce soja" par Charles Perry. D'autres contiennent du yaourt au lait de brebis salé et fermenté (kâmakh rîjâl ou rîjâr), proche du smen maghrébin ou du mish égyptien (un fromage actuel maturé en saumure, à texture onctueuse, odeur et saveur forte, fabriqué avec du lait de vache ou de buflonne).
Le verjus est également utilisé, ainsi que le vinaigre.
L'aigre doux est créé par l'ajout de fruits (raisins secs, abricots) ou de sucre.
Certains plats sont aspergés d'eau de rose en fin de cuisson.

La liste des épices indiquées dans l'introduction est : coriande, carvi, cumin, cannelle (de Chine ou de Ceylan), mastic, poivre et gingembre.
Cette liste est incomplète par rapport aux épices utilisées. Il faut y ajouter le safran, le galanga.
On utilise davantage de variétés d'épices en Europe à la même époque.

Curiosités
Une recette d'Isfîdhabâj (viande cuite avec des blettes et des œufs) est confectionnée avec du fromage "rumi" (ch.3).
Dans la littérature arabe, ce mot désigne les "romains", c'est-à-dire les Byzantins (l'empire byzantin est l'empire romain d'Orient) et autres chrétiens.
On aimerait savoir s'il s'agit d'un fromage du type feta (fromage en saumure) ou du type kefalotyri (un fromage de chèvre ressemblant au parmesan).
Le couscous, qui n'a jamais eu de succès au Proche Orient, a droit a une longue recette au chapitre 4, à base de gourde, aubergine, chou, navet et boeuf.
Plusieurs recettes sont à base de mâsh traduit par haricot mungo par Charles Perry (plante tropicale originaire d'Asie dont les jeunes pousses germées sont connues sous le nom de pousses de soja).
Erreur de traduction (confusion avec un autre haricot dolique local, le haricot à œil noir ?) ou le haricot mungo est-il déjà cultivé en Egypte au 14e siècle ? (ch.3)
Une recette 'Adas Musaffâ : un plat de lentilles, froid et sucré, avec miel, vinaigre, fruits, épices, camphre, qui ne se retrouve pas dans les livres antérieurs (ch. 6).
Une recette de houmos (plat libanais avec pois chiches en purée et tahiné ou purée de sésame) enrichie avec herbes aromatiques, fruits secs et épices (ch.6).
Plusieurs recettes appelées ṣalṣ, qui prouvent que la transmission culinaire entre Orient et Occident marche dans les deux sens.
L'Occident a hérité de techniques, d'aliments et de recettes venant de la cuisine arabe, mais a aussi transmis à cette cuisine le mot "sauce", repris pratiquement tel quel dans la cuisine arabe médiévale (principalement ce livre de cuisine égyptienne).
Ces sauces à base d'herbes aromatiques, d'épices, de vinaigre ou de citron accompagnent les poissons (ch.7 sur les poissons).

Plan du livre

Ch 1 – introduction sur la cuisine
Ch 2 – plats aigres (Hawâmid) ou aigres doux. Une section présente des plats de viande au lait ou au yaourt (kishk ou labaniyya).
Ch 3 – plats ordinaires non aigres (Sawâdhij), dont de nombreuses recettes à base de riz.
Ch 4 – plats frits (Qalâyâ) ou secs (Nawâshif) avec une section présente des plats ordinaires et doux (plusieurs recettes de viande aux fruits) et une section de plats à base de poulets.
Ch 5 – plats de bouillies (Harâ'is) et plats au four (Tannûriyyât). Plusieurs recettes de harisa dans ce chapitre.
Ch 6 – plats variés : frits (Mutajjanât, du mot tâjin), froids (Bawârid) ou pâtisseries de type samosas (Sambûsak).
Ch 7 – poissons frais ou salés. Chapitre plus court que les précédents.
Ch 8 – pickles (Mukhallalât), relish ou légumes préparés comme des condiments (Sibâgh) et condiments (Mutayyibât), dont plusieurs recettes de murrî (saumure de céréales proche de la sauce soja) et de moutarde.
Ch 9 – panades (Jawâdhib) et pudding (Akhbisa) : plats sucrés
Ch 10 – plats sucrés (Halâwât) : halva et autres confiseries orientales (dont une recette de nougat noir).
Ch 11 – pâtisseries (Khushkanâj, Mutbaq, qatâ'if) : biscuits, gâteaux, crêpes épaisses. Le premier manuscrit se termine ici. Les 2 chapitres suivants sont rajoutés dans le manuscrit du Caire daté du 30/11/1373.
Ch 12 – boissons digestives : oxymel, sirops.
Ch 13 – plats pour malades, moines et chrétiens pour le carême : recettes de légumes sans viande.

Le livre se termine par un appendice (Ziyadat) qui propose une autre série de recettes sucrées, tirées du chapitre 7 du Kitâb al-wusla, voisines des confiseries et pâtisseries des chapitres 10 et 11.

Douceur de crêpes
Crêpes, 4 livres sirop, 4 livres miel d'abeille, 2 livres huile de sésame, 2 livres safran, 1/2 dirham sucre et eau de rose comme vous voulez.
Laisser fondre le mélange [tremper les crêpes] et [les] retirer.
Pistaches, 1/2 livre à éparpiller dessus.
Chapitre 11

Pour avoir des navets savoureux
Faire bouillir les navets, puis les égoutter et les refroidir.
Puis prendre suffisamment de bonne huile, puis les rouler dedans, puis jeter du cumin et suffisamment de fromage râpé syrien.
Ajouter un peu de moutarde.
Chapitre 13

Kitâb al-tibâkha

Ce Livre de cuisine est un manuscrit du 15e siècle, originaire de Damas.
Son auteur pourrait être l'écrivain Jamâl al-Dîn Yûsuf ibn Hassan ibn 'Abd al-Hâdî connu sous le nom de Ibn al-Mabrad (ou Mubarrad), selon le bibliophile Habib Zayyât qui a retrouvé et publié le manuscrit en 1937.

Texte traduit en anglais par Charles Perry, incorporé dans Medieval Arab Cookery, Prospect Books, 2006.

Il s'agit d'un texte court avec seulement 44 recettes.
Mais ces recettes sont un témoignage capital car elles sont les seules recettes arabes conservées entre le 15e siècle et le début du 19e siècle.
Ces recettes sont à la fois différentes des recettes de la cuisine arabe moderne et des recettes des livres de cuisine des 10e et 13e siècles, bien que certaines d'entre elles aient une parenté avec des recettes anciennes.

Ce livre de cuisine serait peut-être un intermédiaire entre la cuisine arabe classique et la cuisine arabe influencé, dans les siècles qui suivent, par la cuisine ottomane.
Le traditionnel plat de kebbé (boulette de viande hachée et boulgour), base de la cuisine syro-libanaise actuelle, est absent.
La kebbé est réputée venir d'Alep : il s'agit probablement d'une invention culinaire postérieure, qui, comme le boulgour, ne se développe qu'à partir de la période ottomane.

Selon Habib Zayyât, le Kitâb al-tibâkha correspond à une période où la Syrie est opprimée et surtaxée par les mamelouks.
Le 15e siècle en Syrie n'est pas une période prospère et le Kitâb al-tibâkha correspondrait davantage à un livre de cuisine bourgeoise qu'à un livre de grande gastronomie, ce qui expliquerait l'importance des recettes de légumes et de céréales cuites avec des viandes bouillies.

Charles Perry, qui a traduit le texte en anglais, estime qu'il s'agirait plutôt d'une adaptation simplifiée des recettes de haute cuisine arabe.

Le Kitâb al-tibâkha serait-il l'équivalent arabe des recettes du Ménagier de Paris, lesquelles reprennent, en les simplifiant, de nombreuses recettes du Viandier de Taillevent ?

En effet, les recettes sont courtes, rédigées sommairement, à la manière du Viandier de Taillevent, ce qui n'est pas le cas de la majorité des livres précédents.
Quand on observe certaines recettes au titre connu, on se rend compte de la simplification apportée aux grandes recettes du répertoire arabe classique (peu de détails, perte d'ingrédients, absence d'épices), au point que parfois, seul le nom de la recette est commun au répertoire.

77 % des recettes sont des recettes de viandes ou de saucisses.
Les viandes (majoritairement non précisées) sont généralement du type pot au feu : viandes cuites à l'eau accompagnées de légumes frais ou secs ou de riz (25 %).
Seulement 9 recettes sont réalisées avec des épices (safran, clou, gingembre ou poivre), mais 17 recettes contiennent des herbes aromatiques (persil, coriandre, menthe, thym) et 12 recettes du yaourt.

A remarquer la présence de fruits (pomme, prune, dattes, jus de citron ou d'orange amère) dans 25 % des recettes, un mélange fréquent noix et persil et 5 recettes de pâtes (Rishtâ, Salma, Tutmâj).
Une seule recette sucrée : Halwâ proposé en 2 versions : nougat blanc appelé nâtif et gâteau.

L'ensemble des recettes est présenté sans plan apparent, sans introduction, ni conclusion, comme il est d'usage dans les livres de cuisine arabes.
Il s'agit probablement d'un texte incomplet.

Qar'iyya
Faire bouillir la viande, puis faire frire des gourdes et des oignons avec de la coriandre pilée.
Ensuite vous mettez le bouillon dessus.[/color]
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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 20:13

Livres de cuisine médiévale en Andalousie Arabe

Témoignage du raffinement et du faste de la culture andalouse, Al-Andalus nous a laissé 2 livres de cuisine : Kitâb al-Tabîkh ou Anonyme Andalou et Fudalat al-Khiwan.
On retrouve cette cuisine à travers de nombreuses recettes actuelles du Sud, du Maroc à la Turquie.
Mais cet héritage se retrouve particulièrement dans la cuisine de plusieurs villes du Maghreb, car les habitants de Cordoue se sont réfugiés à Tlemcen (Algérie), les habitants de Séville à Ifriqiya (Tunisie), les habitants de Valence à Fès et ceux de Grenade à Tetouan et Chechaouen (Maroc).

De la brillante civilisation d'al-Andalus, on retiendra :

Quelques dates clés
711 : conquête de l'Espagne par les arabes et création de la province du califat Omeyyade de Damas.
929 - 1031 : califat de Cordoue.
1236, prise de Cordoue, début de la Reconquista par les Espagnols.
1492, chute de Grenade, dernier royaume arabe, fin de la Reconquista.
Des monuments prestigieux
La grande mosquée de Cordoue, l'Alhambra de Grenade, l'Alcazar de Séville.

Quelques noms célèbres
Des souverains remarquables : Abd al-Rahman II (émir Omeyyade 822-852), contemporain de Charlemagne. Abd al-Rahman III (calife de Cordoue 929-961), qui construisit la ville-palais de Madinat al-Zahra et avait un ambassadeur chrétien : l'évêque Recemundo. Al-Hakam II (calife de Cordoue 961-976) lettré et pacifique.
Des philosophes et médecins : Abulcasis (?-1013), Avicenne (980-1037), Averroès (1126-1198), Maimonide (1135-1204).
Un musicien exilé de la cour d'Haroun al-Rachid à Bagdad : Ziryab, devenu prince de la mode à la cour d'Abd al-Rahman II, initia la cour de Cordoue à la musique des Noubas (la musique arabo-andalouse actuelle en est l'héritière), introduisit la cithare et le chant médinois qui inspirera le cante jondo, ainsi que le jeu d'échecs.
Ziryab initia également les andalous à l'art de la cuisine de Bagdad, dont on retrouve l'influence dans la cuisine arabo-andalouse.

Une cuisine méditerranéenne et multiculturelle

La cuisine d'al-Andalus au 13e siècle se présente, à travers les livres de cuisine de l'époque, comme une cuisine méditerranéenne et multiculturelle, intégrant des recettes d'origines et d'époques différentes : Bagdad et Perse, Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Syrie, Sicile, différentes régions d'Espagne, cuisine juive, cuisine de Ziryab (califat de Cordoue), cuisine des bédouins.

C'est une cuisine au carrefour de l'Orient et de l'Occident, qui a conservé l'héritage de la cuisine romaine antique, sans être influencée par l'héritage des Francs et des Germains qui a façonné la cuisine médiévale chrétienne.

Les "andalousiens" (mot par lequel des historiens désignent maintenant les habitants de l'Andalousie musulmane) ont élaboré une cuisine dont Rudolf Grewe dit qu'elle est la cuisine d'Europe la plus raffinée de cette période.

La cuisine d'al-Andalus présente des ressemblances avec la cuisine médiévale chrétienne (l'héritage commun de Rome ?) : goût pour les saveurs acidulées et aigres-douces, goût pour les parfums d'épices, même vision de la diététique.

813. préfère les mets humides, écarte les astringents, mêle l'acide à l'agréable saveur douce /
814. améliore ce qui est sec par l'humide, ce qui est froid par le chaud /
815. si le mets est chaud, mêle-le à un autre froid, s'il est humide unis-le à son contraire /
816. si tu redoutes l'insalubrité du gras et sa difficile digestion, /
817. ajoutes-y du sel ou de l'acide, les deux la rendront facile.
(Traduction Henri Jahier et Abdelkader Noureddine).

On constate cependant des différences notables avec la gastronomie médiévale chrétienne.

Ces différences résultent de plusieurs facteurs :

1 - La religion

L'Islam interdit la consommation du vin et du porc.
C'est pourquoi la charcuterie est peu présente, en dehors des merguez d'agneau.
Le saindoux est absent, remplacé par l'huile d'olive (la queue grasse de mouton n'est pas utilisée en remplacement du saindoux, comme dans la cuisine arabo-persane) et accessoirement par le beurre et le beurre clarifié.

Le vin est absent des viandes en sauce, mais le vinaigre est souvent employé.
En réalité l'interdiction du vin est souvent contournée en Andalousie, dont la production viticole a été conservée pendant toute la période musulmane.
L'ivresse est régulièrement combattue, preuve de la consommation du vin.

2 - L'héritage romain très présent

Comme les romains, les andalousiens mangent couchés.
Ils privilégient donc des viandes très cuites fréquemment présentées sous forme de boulettes, comme dans la cuisine romaine antique ou coupées en petits morceaux.

Comme chez les romains, la farine est souvent utilisée pour lier les sauces et les fruits et légumes sont très présents dans la cuisine.
Le garum est encore présent dans la cuisine arabo-andalouse, sous sa forme de garum végétal : le murî. Mélange fréquent des épices et des herbes aromatiques.

Alors que la cuisine médiévale des périodes postérieures privilégie les épices, on constate une utilisation importante des plantes aromatiques, comme chez les romains, : la coriandre, l'anis, le thym, le fenouil, la menthe, le carvi, le sésame, le santal sont fréquemment utilisés.

Certaines techniques culinaires, déjà présentes chez les romains, sont développées :

Emploi fréquent du four pour rôtir les viandes ou faire gratiner les plats.
Des plats cuits à l'étouffée avec un couvercle scellé par de la pâte.
Friture fréquente.
Petites différences : emploi fréquent de l'aubergine (inconnue des romains), absence du persil, remplacé par les feuilles de coriandre (souvent appelées, pour cette raison, persil arabe). Le lait et le fromage sont régulièrement utilisés dans des recettes de viande et de légumes.

3 - Influence orientale

La palette d'épices est à la fois plus réduite que dans la cuisine médiévale chrétienne et certaines épices sont plus employées : les épices principales sont le poivre, la cannelle, le safran, le nard indien, le gingembre et le cumin.
Le mastic, le musc et le camphre sont également utilisés.
En revanche, on ne trouve pas la graine de paradis ni la muscade.
On constate des recettes sans épices de manière plus fréquente que dans la gastronomie médiévale postérieure.

L'eau de rose est utilisée de manière importante.

Le goût pour le gras (il est souvent mentionné de choisir de la viande grasse), l'onctueux (les viandes très cuites sont souvent réduites en bouillie et liées aux oeufs, les légumes sont souvent en purée) et le doux (sucre ou miel, eau de rose sont très utilisés) sont déjà présents dans la cuisine de Bagdad, en conformité avec les prescriptions médicales : dans un monde ou le risque de famine est très présent, les médecins, depuis l'antiquité, savent que les aliments doux et sucrés sont très nutritifs.
Maïmonide dit : L'homme s'efforcera de manger des aliments doux, car ce sont eux qui sont nourrissants.

Les recettes acidulées et épicées ne semblent pas dominer comme dans la gastronomie médiévale postérieure, en revanche les recettes aigres-douces sont fréquentes.
Le sucre est considéré comme un médicament qui favorise la digestion des fruits oléagineux : amandes, noisettes, pistaches, pignons, noix, ainsi que les marrons et raisins secs.
On comprend mieux la présence dans les livres de cuisine, de nombreuses recettes de desserts, de confiseries et de confitures : on sait que la confiserie a été "inventée" par les médecins arabes.

L'héritage de la cuisine d'al-Andalus


On peut dire que la cuisine d'al-Andalus est une cuisine médiévale assez différente de la cuisine médiévale européenne des siècles postérieurs.
On constate cependant qu'elle a influencé la gastronomie européenne via la cuisine catalane et la cuisine italienne.
Le Liber de Coquina, le Sent Sovi, Maestro Martino, Robert de Nola ont été les passeurs qui ont intégré des parfums d'Orient dans la cuisine européenne.
Les Européens ont hérité des andalousiens des techniques, des saveurs et des produits issus de la cuisine romaine antique, de la cuisine arabe de Bagdad et de la cuisine d'Andalousie.

Liliane Plouvier a fait une liste de cet héritage : les andalousiens nous ont transmis le feuilletage, les pâtes alimentaires, les beignets, l'escabèche, le sucre, les sirops, les sorbets, les confitures, les bonbons, les fruits confits, les marmelades, les massepains et les nougats, les eaux distillées (eau de rose, eau de fleur d'oranger), les saveurs aigres-douces, les aubergines, les épinards, le musc et l'ambre (qui seront surtout employés en Europe à partir du 16e siècle)

Les andalousiens ont également transmis aux européens du Moyen Age les connaissances diététiques de leurs médecins, qui ont su sauvegarder et enrichir les connaissances d'Hippocrate et Galien.

Nous pouvons ajouter que c'est probablement grâce à l'héritage d'al-Andalus que les cuisiniers médiévaux ont fréquemment utilisé en cuisine les amandes, le citron ou l'orange, et ont associé les fruits avec viande ou poisson.
Cet héritage a ensuite été renié à partir du 17e siècle.
On le redécouvre maintenant.

Kitâb al-Tabîkh fi'l-Maghrib wa'l-Andalus fi'asr al-Muwahhidin

Appelé désormais : Anwa’ a-saydala fi alwan al-at’ima (Les genres de pharmacopée dans la préparation de toutes sortes de mets)

Connu sous le titre Anonyme andalou, ce manuscrit date du premier tiers du 13e siècle.
Il a été traduit en espagnol et édité avec 526 recettes, en 1965 à Madrid, par D. Ambrosio Huici-Miranda : La cocina hispano mogrebi en la epoca almohade segun un manuscrito anonimo (Livre sur la cuisine en Afrique du Nord et en Andalousie au temps des Almohades).
Une réédition a été faite en 2005 aux ediciones TREA S.L. : La cocina Hispano-Magrebi durante la epoca almohade.

Une traduction anglaise, réalisée par Charles Perry en 1987 et faite à partir du texte d'Huici-Miranda est également consultable en ligne : An anonymous Andalousian Cookbook of the 13th Century.

Ces traductions ont été réalisées à partir d'un manuscrit conservé à la BNF à Paris : le manuscrit Colin (ms 7009, manuscrit trouvé au Maroc par l'arabisant Georges Séraphin Colin dans la première moitié du 20e siècle).

Rudolph Grewe estime en 1992 (in Du manuscrit à la table, Montréal) que certaines pages du manuscrit n'ont pas été classées en bon ordre, ce qui expliquerait l'apparent désordre des recettes dans le livre d'Huici-Miranda.
Rudolph Grewe a préparé une édition critique, peu de temps avant sa mort, qui n'a jamais été publiée.

La cocina Hispano-Magrebi comprend 526 recettes, il est vrai, parfois mélangées (recettes de poissons au milieu de recettes de viandes, recettes de légumes au milieu des recettes de viandes, confiseries à côté de viandes et légumes).
L'Anonymous Andalousian Cookbook présente 519 recettes, dont Huici-Miranda ne respecte pas totalement l'ordre : il semble rétablir une certaine logique, se rapprochant ainsi de l'ordre des recettes proposé par Rudolph Grewe.

Une thèse de doctorat de l'Université Jean Moulin-Lyon III de Lyon, intitulée La cuisine dans l'occident arabe médiévale, écrite par Catherine Guillaumond, publiée à L'Harmattan en 2017, propose une nouvelle version du texte arabe et une traduction en français.
En l'état actuel des recherches, il s'agit probablement d'une bonne édition critique de l'Anonyme Andalou.
Cependant certains historiens lui reprochent d'avoir osé modifier l'ordre des recettes du manuscrit en cherchant à apporter un peu de cohérence dans le désordre des feuillets du manuscrit.
Effectivement, comme l'estimait Rudolph Grewe en 1992, certains feuillets semblent avoir été mal classés dans le manuscrit.
Faut-il traduire un manuscrit en respectant scrupuleusement la forme, l'ordre des feuillets, fût-il incohérent, ou peut-on chercher à rétablir de la cohérence, en respectant davantage le fond ?
Nous laisserons cette querelle aux historiens.

Catherine Guillaumond classe le recueil en 5 parties, avec 497 recettes :

1 - Introduction
Des réflexions générales sur la cuisine, des aliments, des habitudes culinaires, une étude sur certains produits, les ustensiles et le service.

Cette introduction est suivie de 3 chapitres avec 93 recettes :


La Tafaya blanche simple nommée Isfirbaga, avec des recettes de merguez
Une section des diverses grillages de viandes
Une section des plats épais et des plats fermentés : plats de viandes.

2 - La 2e partie
Elle comprend 7 chapitres avec 220 recettes

Le livre d'Ibrahîm al-Mahdî, avec des recettes de viandes, poissons et légumes
Une section des plats aux légumes et verdures
La préparation des plats accommodés avec des aubergines : 21 recettes
Une section des plats préparés avec diverses espèces de poissons
Les sortes de panades : couscous, plats au riz, harisa, petites pâtes alimentaires et plats semblables
Une section des harisa par catégories
Une section des rafis, des mets au pain, des halwa et ce qui ressemble à cela.
3 - La 3e partie
Elle comprend un seul chapitre avec 129 recettes : des recettes à base de pain et de douceurs (recettes sucrées, tourtes, panades à la viande, aux légumes) et des plats de viandes et de poissons.

4 - La 4e partie
Elle ne comprend pas de chapitre, mais 24 recettes de légumes et de viandes.

5 - La 5e partie
Egalement sans chapitre, elle regroupe 27 recettes sucrées.

6 - La dernière partie
La thèse ne prend pas en compte la dernière partie, qu'on trouve chez Huici-Miranda et qui comprend 5 courts chapitres (4 chez Perry) concernant 57 recettes de préparations considérées comme des médicaments, à l'époque :

Ch 1 - boissons (sirops)
Ch 2 - pâtes de fruits
Ch 3 - électuaires (confitures)
Ch 4 - poudres
Ch 5 - raisinés (chapitre absent chez Perry).
On ne sait pas grand chose sur l'auteur de ce manuscrit. L'étude du Kitâb al-Tabîkh / Anonyme Andalou révèle de nombreux indices permettant de dire qu'il s'agit d'un homme issu des classes sociales aisées de l'Andalousie d'avant la conquête de Cordoue (1236). Il est cultivé : nombreuses références littéraires et diététiques. Il a vécu à Marrakech avant 1198, il a séjourné à Ceuta entre 1202 et 1216. Il s'agit donc d'un andalou résident en Ifrikiya (Afrique du Nord), plus un voyageur gastronome qu'un cuisinier. Il présente des recettes d'Andalousie, de l'Orient arabe, mais aussi de tout le Maghreb : cuisine hispano-maghrebine comme le dit le titre du livre d'Huici-Miranda.

Nous avons donc un recueil de recettes du patrimoine culinaire commun aux arabes d'Occident, enrichi par des recettes non arabes : cuisine juive, cuisine berbère, une recette sicilienne.

Quelques remarques particulières à la cuisine de l'Anonyme Andalou, tirées du mémoire de maîtrise de Patrick Gillé, les traités de cuisine de la péninsule ibérique (Paris, 1984) :

50 % des recettes comportent de la viande. 1/3 des recettes emploient soit du pain, soit de la farine, soit des céréales. 25 % des recettes utilisent des fruits. 14 % des recettes font référence à une région. 16 % des recettes comportent une indication diététique ou médicale. 16 % des recettes sont avec des volailles et 11 % avec des ovins. 40 % des recettes sont réalisées en cuisson dans une marmite. Les épices les plus employées sont le poivre (44 %) et la coriandre (35 %) puis la cannelle (24 %). Les légumes les plus utilisés sont l'aubergine, la courge calebasse et le pois chiche. Les fruits les plus employés sont les pignons, les cédrats et les noix, mais amandes et lait d'amande sont utilisés comme liant dans 29 % des recettes. On trouve le vinaigre dans 23 % des recettes et l'eau de rose dans 12.

L'Anonyme Andalou nous indique l'ordre des 7 plats d'un banquet distingué et élégant pour gens de qualité :

plats doux c'est à dire plats aux légumes ou différentes tafâyâ (ragoûts d'agneau) ou viande en sauce,
muthalatha (viande avec des légumes),
plats au murrî,
plats au vinaigre,
plats au miel,
plats fartûn (plats cuits dans un moule du même nom),
autres plats au miel.
L'auteur précise que c'est mieux de présenter chaque plat l'un après l'autre plutôt que de mettre un grand nombre de plats en même temps sur la table, règle en vigueur chez les dirigeants, les élites et les gens de qualité. On a attribué cette mode à Ziryab, un musicien irakien chassé de Bagdad qui s'installa à Cordoue en 822 et qui devint maître des élégances, enseigna les modes de Bagdad en matière de parfumerie et vêtement, qui révolutionna la musique andalouse et aurait eu une grande influence sur la gastronomie de l'Andalousie arabe. L'Anonyme Andalou ne parle pas de l'influence de Ziryab, se contentant d'indiquer que cette règle a été lancée au temps du calife omeyyade Umar II, calife au début du 8e siècle, à Damas.

Les Européens entre le 13e et le 17e siècle, respecteront ce qu'on appelle le service à la française : de nombreux plats présentés en même temps, pour chaque service. La gastronomie d'al-Andalus préconise donc, 6 siècles à l'avance, ce qu'on appelle le service à la russe : un plat à la fois, comme cela se pratique aujourd'hui !

Voici 3 recettes
Soldiers' Couscous
The usual moistened couscous is known by the whole world. The fityâni is the one where the meat is cooked with its vegetables, as is usual, and when it is done, take out the meat and the vegetables from the pot and put them to one side; strain the bones and the rest from the broth and return the pot to the fire; when it has boiled, put in the couscous cooked and rubbed with fat and leave it for a little on a reduced fire or the hearthstone until it takes in the proper amount of the sauce; then throw it on a platter and level it, put on top of it the cooked meat and vegetables, sprinkle it with cinnamon and serve it. This is called Fityâni in Marrakesh. (Traduction Charles Perry)

Le Couscous des soldats
Le couscous imbibé habituel est connu dans le monde entier. Le fityâni est celui où la viande est cuite avec ses légumes, comme d'habitude, et quand il est fait, sortez la viande et les légumes du pot et réservez-les ; filtrez les os et le reste du bouillon et remettez le pot sur le feu ; quand il a bouilli, mettez le couscous dedans, imbibé avec de la graisse et laissez un peu sur feu doux ou dans le foyer jusqu'à ce qu'il prenne la quantité nécessaire de sauce ; versez-le sur un plat, égalisez-le et versez sur lui la viande cuite et les légumes, arrosez-le avec de la cannelle et servez-le. Ceci s'appelle Fityâni à Marrakech.

I Have Seen a Couscous Made with Crumbs of the Finest White Bread :
For this one you take crumbs and rub with the palm on the platter, as one rubs the soup, and let the bread be neither cold nor very hot; put it in a pierced pot and when it's steam has left, throw it on the platter and rub with fat or moisten with the broth of the meat prepared for it. I have also seen a couscous that one makes from a fat chicken or stuffed and fattened capons and it was as if it were moistened only with fat, and in it were turnips of Toledo and cow's eyes.
(Traduction Charles Perry)

J'ai vu un Couscous fait avec des miettes du pain blanc le plus fin : Pour celui-ci, vous prennez des miettes et frottez avec la paume sur le plat, comme pour faire la soupe "hasu", et le pain ne doit être ni froid ni très chaud ; mettez-le dans une marmite à trous qui laisse passer la vapeur, versez-le dans un plat et frottez-le avec de la graisse ou humidifiez avec du bouillon de viande préparé pour cela. J'ai également vu un couscous semblable avec une poule grasse ou des chapons gras engraissés; il était humidifié uniquement avec leur propre graisse, et garnis de navets de Toledo et des yeux de la vache (prunes).

Gallina frita y cocida
Se parte la gallina, haciendo dos pedazos de cada miembro; se fríe con mucho aceite dulce; luego se toma una olla y se le echan cuatro cucharadas de vinagre y dos de almorí macerado y otro tanto de aceite, pimienta, cilantro, comino, un poco de ajo y azafrán. Se pone la olla al fuego y cuando ha subido, se mete en ella la gallina frita y dicha, y cuando está hecha por igual, entonces se vierte y se presenta.
(Traduction d'Ambrosio Huici Miranda)

Poulet sauté
On découpe le poulet, avec deux parties pour chaque membre; on fait frire avec beaucoup d'huile douce; puis on prend une marmite où l'on verse quatre cuillerées de vinaigre et deux d'almori macéré et autant d'huile, du poivre, coriandre, cumin, un peu d'ail et de safran. On place la marmite sur le feu et quand cela bout, on y met le poulet frit comme on a dit, et quand tout est cuit, on retourne et on présente.

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Fudalat al-Khiwan fi Tayibat at-Tàam wa al alwan
C'est à dire Les délices de la table et les meilleurs genres de mets.

Le Fudalat ou Fadalat al-Khiwan d'Abu Ali ibn al-Hassan ibn Razin Tujibi est un réceptaire de 450 recettes qui semblent écrites entre 1238 et 1266, soit entre la prise de Valence et la prise de Murcie par les chrétiens.

Il existe 3 manuscrits incomplets du livre de cuisine de Tujibi, l'un conservé à l'Académie Royale de Madrid, comprenant 134 feuillets, d'une écriture "marocaine", l'autre conservé à la Bibliothèque de Tübingen, comprenant 78 feuillets (les quatre premières parties du réceptaire), d'une écriture "orientale" et le troisième, également incomplet, d'une collection privée et consulté par Mohamed Nenchekroun. Fernando de la Granja Santamaria a fait, à Madrid en 1960, une thèse de doctorat (non publiée) : La cucina arabigo-andaluza segun un manuscrito inedito. Il a fait une traduction de ce réceptaire. Mohamed Benchekroun a publié à Beyrouth en 1984, une version arabe, synthèse de ces 3 manuscrits. Cette version a été contestée par Rudolf Grewe (Du manuscrit à la table, Montréal, 1992). Ce texte a été traduit en français par 2 enseignants marocains : Mohamed Mezzine et Leila Benkirane en 1997 (Publications Association Fès Saïss). Ce livre est encore disponible à Fès.

Oldcook : livres en Andalousie, cuisine medievale - Les délices de la table et les meilleurs genres de mets, Tujibi
Fudalat al-Khiwan d'ibn Razin Tujibi. Publications Association Fès Saïss (1997)

La traduction comprend quelques imperfections : courgettes, topinambours, patates douces, piment, sont des légumes originaires d'Amérique et inconnus en Europe au Moyen Age. Le murri est traduit par sauces au vinaigre alors qu'il s'agit d'un garum végétal sans vinaigre. Malgré ces imperfections, la traduction française du Fudalat al-Khiwan est un document précieux qui permet d'avoir une meilleure idée du patrimoine culinaire d'al Andalus, dont l'héritage est conservé précieusement à Fès.

Le livre de Tujibi se présente en 12 parties :

1e partie
Elle est composée de 5 chapitres : sur les pains, les panades, les potages, les couscous de pain et similaires.

Ch 1 sur les pains, avec 5 recettes
Ch 2 sur les panades, avec 25 recettes
Ch 3 sur les soupes et concassés, avec 11 recettes
Ch 4 sur les mets de pain, les différents fromages et similaires, avec 43 recettes : il s'agit en réalité de desserts sucrés qui ressemblent beaucoup à certaines pâtisseries orientales actuelles (Liban, Turquie ou Maghreb), ainsi qu'une recette de massepain, un ancêtre de la pâte feuilletée, des recettes de crêpes et de beignets
Ch 5 sur ce qui s'arrose comme les panades et se cuit comme les potages, avec 15 recettes dont le couscous et les pâtes fraîches.
2e partie
Elle est composée de 6 chapitres : sur les différentes viandes de quadrupèdes.

Ch 1 sur les viandes de boeuf, avec 10 recettes
Ch 2 sur les viandes de bélier, avec 45 recettes
Ch 3 sur les viandes d'agneau, avec 16 recettes
Ch 4 sur les viandes de chevreau, avec 1 recette
Ch 5 sur les viandes de gibier, avec 6 recettes dont 3 de lièvre
Ch 6 sur ce qui fait partie des viandes de quadrupèdes et qui s'y rattache, avec 10 recettes dont une recette de merguez et une recette d'Harissa qui existe également dans le Bagdad Cookery Book.

3e partie
Elle est composée de 7 chapitres : sur les différentes sortes de viandes de volaille.

Ch 1 sur les viandes d'oies, avec 2 recettes
Ch 2 sur les viandes de poulet avec 46 recettes
Ch 3 sur la viande de perdrix avec 5 recettes
Ch 4 sur les viandes de pigeonneaux avec 10 recettes
Ch 5 sur les viandes de petits ramiers avec 8 recettes
Ch 6 sur les viandes d'étourneaux avec 1 recette
Ch 7 sur les petits oiseaux avec 4 recettes.

4e partie

Elle est composée de 3 chapitres : sur la préparation du genre nommé Senhaji, des tripes farcies et de la langue.

Ch 1 sur la préparation du genre appelé Senhaji : il s'agit d'une préparation avec 15 viandes différentes qui annonce l'accumulation de viandes de la tourte parmesine du Liber de Coquina ou de Maître Chiquart ainsi que la olla podrida de Scappi et Lancelot de Casteau
Ch 2 sur la panse farcie avec 6 viandes différentes
Ch 3 sur la préparation de la langue.

5e partie
Elle est composée de 2 chapitres : sur les différentes sortes de poissons et d'oeufs.

Ch 1 sur les différentes sortes de poissons avec 30 recettes, dont plusieurs recettes d'escabèche
Ch 2 sur les sortes d'oeufs avec 11 recettes dont les oeufs mimosa !

6e partie
Elle est composée de 3 chapitres : sur les laitages et dérivés.

Ch 1 sur la préparation du lait caillé et ce qu'on peut faire avec, comportant 5 recettes
Ch 2 sur la préparation du Raïb et l'extraction du beurre, avec 3 recettes
Ch 3 sur la préparation du fromage sec dans une jarre et ce qu'on peut faire avec, ainsi que l'extraction du beurre et du babeurre, avec 5 recettes.

7e partie
Elle est composée de 10 chapitres (dont 6 chapitres disparus) : sur les légumes et similaires.

Ch 1 sur ce qu'on fait avec les courgettes, avec 11 recettes : il est évident qu'il y a ici une erreur de traduction, les courgettes étant un légume originaire d'Amérique et inconnu au Moyen Age dans le reste du monde. Il s'agit peut-être de gourdes ou courges calebasses qui, mangées jeunes, ressemblent aux courgettes
Ch 2 sur ce qu'on fait avec les aubergines, avec 22 recettes : les premières recettes d'aubergines se trouvent dans les livres de cuisine arabo persans et ce légume arrive en Europe chrétienne via l'Andalousie
Ch 3 sur les carottes : il ne reste qu'une seule recette.
Les chapitres suivants ont disparu et on passe ensuite au :
Ch 10 sur les patates douces : il s'agit en réalité de la colocase (ou taro), un tubercule déjà connu des romains (Pline en parle) et ici cuisiné en frites !

8e partie
Elle est composée de 3 chapitres : sur les différentes graines comme les fèves, les pois chiches et autres.

Ch 1 sur les fèves vertes et sèches, avec 5 recettes
Ch 2 sur les pois chiches avec 3 recettes
Ch 3 sur les lentilles avec 1 recette.

9e partie
Elle est composée de 7 chapitres : sur les préparations au miel, les différents genres de pâtisseries et corollaires.

Ch 1 sur les préparations au miel et le ghassani avec 2 recettes
Ch 2 sur les genres de pâtisseries avec 12 recettes de confiserie dont plusieurs recettes de nougat
Ch 3 sur la Qahiriya et le Sunbusk (pâte farcie de viande) avec 2 recettes
Ch 4 sur les roseaux sucrés, une confiserie en forme de roseaux
Ch 5 sur les gâteaux enrobés et les Achfafuls, avec 4 recettes (dont la recette de Sunbusk indiquée dans le chapitre 3
Ch 6 sur le Juzniq et le Luzniq, 2 sortes de berlingots, l'un aux noix, l'autre aux épices
Ch 7 sur 2 recettes de Charqiya.

10e partie
Avec 11 chapitres (dont 2 perdus) : sur les sauces confites et ce qui en découle comme préparation des vinaigres, des sauces confites au vinaigre, sur l'extraction d'huiles et la réparation de l'huile détériorée.

Ch 1 : texte disparu
Ch 2 sur la préparation des olives avec 2 recettes
Ch 3 sur la conservation des limes avec 2 recettes
Ch 4 sur la conservation des câpres avec 2 recettes
Ch 5 sur la conservation des aubergines avec 1 recette
Ch 6 : texte disparu
Ch 7 sur la fabrication des vinaigres

Un chapitre sur les sauces au vinaigre macérées, cuites ou autres.
Ce chapitre comprend 15 recettes.
Le titre sauces au vinaigre induit en erreur.
Car il s'agit de céréales ou de poissons fermentés ne contenant pas de vinaigre : la sauce poisson peut être considérée comme une survivance andalouse du garum romain et les sauces de céréales comme des garums végétaux appelés murri ou morri.
On trouve une recette de murri dans le Bagdad Cookery Book, à la même époque.
Ces garums végétaux sont utilisés dans de nombreuses recettes de viande, d'oeufs...
Un chapitre sur la préparation de l'huile et sa réparation avec 2 recettes
Un chapitre sur l'extraction des huiles
Un chapitre appelé Préparation de la viande boucanée "Qadid"
Un chapitre sur la réparation des mets.

11e partie
Sur la cuisson des criquets et des crevettes avec 3 recettes.

12e partie
Sur les poudres nettoyantes avec 9 recettes de savons.

Voici 2 recettes

Recette salée : Aubergines

Vous prenez la quantité que vous voulez d'aubergines, vous les épluchez et vous les faites bouillir sur le feu avec de l'eau et du sel.
Quand elles sont cuites retires-les et rincez-les jusqu'à ce qu'elles perdent toute leur eau, puis vous les écrasez soigneusement, vous retirez les restes, puis vous les mettez dans une terrine, vous mettez dessus du vinaigre, de l'huile, de l'ail cuit et pilé, celui qui veut ajouter du carvi, le fait, et mangez en paix si Dieu le très haut le veut.

Recette sucrée : Préparation du Taàam au pain
Ne serait-ce pas une recette qui annonce le massepain de Maestro Martino ?

On pile du sucre et des amandes comme décrit précédemment, on pétrit le tout avec les épices habituelles, puis on pétrit la farine comme pour faire la pâte à Kaâk, on façonne la pâte sous forme de noix, d'amandes et de pignons de pin grands ou petits, que l'on fourre avec la farce citée plus haut, on fait frire le tout doucement dans une grande marmite avec suffisamment d'huile pour les couvrir, on remue de temps en temps délicatement avec une louche jusqu'à ce que tout cela soit bien doré, on le dépose dans une terrine vernie, on verse dessus du miel écumé et parfumé aux aromates, on laisse prendre et on consomme à la volonté de Dieu le transcendant.
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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 20:27

Les livres de diététique médiévale arabe

Nous avons présenté une page entière sur la diététique médiévale avec un chapitre sur la médecine arabe.

Voici des informations complémentaires sur plusieurs livres de diététique arabe :

Kitâb Khawass al-aghdhiya : Bagdad, 9e siècle
Taqwim al-Sihha : Bagdad, 11e siècle
Kitâb al-Agdiya : Andalousie, 13e siècle

1 - Kitâb Khawass al-aghdhiya : Bagdad, 9e siècle

Le Livre des propriétés des aliments est probablement le premier traité de diététique arabe, écrit au 9e siècle, par Yuhanna ibn Masawayh plus connu sous la forme latine de Jean Mésué, ou Mésué le vieux.
Il ne doit pas être confondu avec Mésué le jeune, un médecin du Caire du siècle suivant.
Ce livre a servi de modèle aux nombreux livres de diététique arabe qui ont suivi.

Jean Mésué (777-857) est un chrétien nestorien et médecin, qui a dirigé l'hôpital de Bagdad et enseigné la médecine.
Son père était pharmacien à l'hôpital de Gondichapour, ville de Perse réputée pour son école de médecine.
Il est à l'origine d'une famille de médecins, en lien avec les médecins nestoriens de Bagdad, qui formaient une véritable caste au 9e siècle.

Jean Mésué a soigné le calife Haroun al-Rachid et ses successeurs.
On sait qu'il avait mauvais caractère : son fils, qu'il jugeait laid et stupide était son souffre douleur qu'il voulait disséquer pour qu'il soit au moins utile à quelque chose !
Ses propos blasphématoires et sa polygamie scandalisaient l'église nestorienne, dont il était diacre.
Cela ne l'a pas empêché d'être célèbre et de travailler au service de plusieurs califes.
Bien que de langue maternelle syriaque, Mésué a écrit une trentaine d'ouvrages en arabe : des livres de médecine et pharmacie ainsi qu'un calendrier intitulé Le livre des temps (Kitâb al-azmina), qui servit ensuite de modèle au Calendrier de Cordoue et des Aphorismes sur la médecine, les propriétés des médicaments et des aliments.
Les Aphorismes ont été traduits en latin et attribués à Jean Damascène ou à Rhazès.
En réalité Rhazès s'en est inspiré.
Mésué a écrit deux livres de diététique, mais un seul nous est parvenu en entier.

Le Livre des propriétés des aliments est un texte court qui décrit les propriétés médicales de 140 aliments, classés en 8 sections : 12 sortes de graines, 30 légumes, 25 fruits, 29 sortes de viandes, les membres des animaux, 12 laitages, 14 poissons, 13 épices et aromates.
Certaines propriétés sont diététiques, alors que d'autres sont thérapeutiques, rendant ce texte intéressant pour l'histoire de la diététique et des médicaments.

Le Kitâb Khawâss al-aghdhiya s'inspire d'une version en syriaque du traité de Galien De alimentorum facultatibus, selon Gérard Troupeau.
Le texte de Mésué est plus succinct que celui de Galien qui décrit 150 aliments, avec un classement un peu différent.
Il n'existe actuellement qu'un seul manuscrit connu de ce traité de diététique, conservé à Madrid.

Au 12e ou 13e siècle, en Italie, un livre de pharmacie, présentant de nombreuses recettes de confiseries d'inspiration arabe, alors classés comme médicaments, paraît sous le nom d'Antidotarium Mesuae (Antidotaire Mésué).
Son auteur était un médecin voulant profiter de la notoriété encore importante de Mésué.
Maintenant connu sous le nom de Pseudo-Mésué, il est considéré comme étant à l'origine de toute la confiserie européenne.

Exemples :

4 - Propriété du riz : il procure une nutrition excellente, riche et propre, sans causer de gonflement ou de gargouillement, ce que l'on ne trouve pas dans les autres graines.
28 - Propriété du navet : il engendre un sperme épais.
43 - Propriété de la mélisse : elle réjouit l'âme.
72 - Propriété de la viande de chèvre : elle engendre un sang épais, moins chaud que celui engendré par la viande de mouton.
128 - Propriété de poivre : il rend l'urine abondante.

2 - Taqwim al-Sihha : Bagdad, 11e siècle

Taqwim al-Sihha signifie tables de santé. Le titre exact est : Taqwîm al-Sihha bi al-asbad al-sitta, soit littéralement Redressement de la santé par les six causes.

Ce traité médical est également écrit par un médecin chrétien nestorien reconnu de Bagdad, Ibn Butlan (vers 1001-1063 ou 1068).
Grand voyageur, il est parti en 1047, pour Alep, Antioche, Jaffa, a séjourné trois ans au Caire et un an à Constantinople (arrivée en 1054, au moment de la peste).
Il est retourné à Antioche où il a fini sa vie dans un monastère.
Ibn Butlân avait la réputation d’être sarcastique et autoritaire (il a été chassé d’Alep par la communauté chrétienne et a eu une violente dispute avec un confrère musulman du Caire sur la nature plus ou moins chaude du poussin).
Malgré ce mauvais caractère, ses écrits montrent un esprit curieux et analytique, avec une grande érudition médicale et philosophique, connaissant les auteurs grecs, arabes et indiens, citant Hippocrate, Aristote, Galien, Oribase ou Caraka.

Le Taqwîm al-Sihha est un manuel de santé à destination du public, présentant les règles d’hygiène et de diététique pour conserver la santé.
Il a rencontré un grand succès en Orient et en Occident.
Il reste au moins quinze manuscrits en arabe et plusieurs dizaines de manuscrits en Europe.

Ce manuscrit a été en partie traduit en latin sous le nom de Tacuinum sanitatis, à la cour de Sicile de Manfred, fils de l'empereur Frédéric II Hohenstaufen.
Plusieurs traductions partielles ont été faites en latin, du 13e au 16e siècles.
Certaines d'entre elles ont été richement enluminées aux 14e et 15e siècles.

Après une courte introduction, le Taqwîm al-Sihha se présente sous la forme de 40 tables synoptiques avec 280 articles.
Chaque table comprend, sous forme de deux feuillets en vis-à-vis, 15 colonnes de largeur variable : le numéro de l’article, son nom, sa nature selon la classification hippocratique (chaud, froid, sec, humide), son degré (ex : froid au 2e degré), la meilleur variété, son utilité, sa nocivité, la façon de neutraliser la nocivité, le résultat de l’article (effet), son utilité (en 4 colonnes) selon le temps, l’âge, la saison, le pays. Sous le titre d’opinion, une colonne cite le nom des autorités référentes et la dernière colonne propose des conseils d’utilisation ou des recommandations.

Pour chaque table, Ibn Butlân a rajouté un qanun (canon) ou un postulat, en haut et en bas des colonnes, qui explique les grandes règles de la diététique, apporte des précisions sur les aliments de chaque table ou des conseils d’hygiène.

Les 28 premières tables sont consacrées à la nourriture et à la valeur des aliments (fruits, céréales, légumes, condiments et épices, laitages, oeufs, viandes, poissons, plats cuisinés, desserts, boissons, dont le vin).
Les tables 29 et 30 regroupent des plantes odorantes et des fruits secs (rose, basilic, citron, pistache, noisette…).
Les dix tables restantes concernent l’hygiène de l’esprit (musique, émotions) et du corps (ivresse, coït, sport, bains, massages, vêtement, fumigations, sirops, saisons, pays).

Le Taqwîm al-Sihha se termine par des considérations astrologiques et une courte conclusion.

Une version complète et bilingue arabe/français du Taqwîm al-Sihha a été publiée par Hosam Elkahadem, éditions Aedibus Peeters en Belgique, en 1990.

Exemples :

35 - Vermicelle (arteba = petit fil en arabe) : Il n'est pas recommandé car il est fait de pâte sans levain et est, pour cette raison, difficile à digérer.
Si on lui rajoute du sucre et d' l'huile d'amande, il devient bénéfique en cas de maladie de la poitrine.
Cuisine avec du pourpier et du plantain, il est utile au sang.
S'il continue sa route [et est digéré], il est très nourrissant.
Si les gens en bonne santé désirent éviter sa nocivité, ils doivent le faire suivre de vin vieux assaisonné de poivre.
85 - Beurre : Le beurre frais est semblable à l'huile fraîche.
Il est bon pour qui a dans la poitrine et les poumons des excrétions et a besoin de les amener à maturité et de s'en purifier, surtout s'il a été consommé avec du miel et du sucre.
En ce qui concerne le smen [beurre fondu salé], sa nature ressemble à celle du beurre, sauf qu'il est plus chaud que lui à cause du sel.
Plus il vieillit, plus il est chaud et purifiant.
234 - Sport : La plus tempérée des saisons est le printemps; ensuite [vient] l'automne.
Les plus tempérés des jours sont le matin des jours d'été et le midi des jours d'hiver.
Le sport modéré réclame en effet un temps et un lieu convenables.
Dans l'ensemble, les sports différents en fonction de la fixation des éléments.
Ainsi, les sports que pratiquent les jeunes gens et les corps qui en jouissent, dans les pays froids et en hiver sont tous violents.
Et le contraire.

3 - Kitâb al-Agdiya : Andalousie, 13e siècle

Le titre complet du Kitâb al-Agdiya est Kitâb al-Agdiya wa Hifz al-Sihha : Le livre des aliments et de la préservation de la santé.
Malheureusement, on connaît très peu de choses de son auteur Ibn Halsun : il serait originaire de Rota en Andalousie arabe et aurait été imam à Loja et à Grenade, à l’époque du sultan Muhammad II (1273-1302), puis médecin à Malaga où il serait mort, selon l’historien andalou Ibn al-Hatib (1313-1374).

Il ne faut pas confondre le Kitâb al-Agdiya d’Ibn Halsûn, écrit au 13e siècle, avec le livre du même nom et du même sujet, écrit un siècle plus tôt par Abu Marwan Ibn Zuhr (1070 ou 90-1162), un autre médecin d’al-Andalus et maître d’Averroès, plus connu sous le nom d’Avenzoar.

Le Kitâb al-Agdiya est un manuel d’hygiène en cinq parties, traitant toutes les parties du corps.

1 - La nature de l’homme. Ibn Halsûn décrit aussi bien l’anatomie (conception, foetus, organes : os, nerfs, tendons, muscles, vaisseaux sanguins, chair, peau…) que la physiologie (les 4 humeurs, les tempéraments, la digestion, l'oeil).
2 - Hygiène des parties du corps. Des cheveux au bout des ongles, sont expliquées les bonnes pratiques d’hygiène corporelle (de la vue, des oreilles, du nez, de la bouche, du coeur...) et les bons régimes alimentaires (pour activer la pousse des cheveux, pour augmenter l’acuité visuelle, pour éclaircir la voix, pour bien digérer ou éviter les calculs, pour embellir le teint, etc.).
3 - Hygiène générale. Ibn Halsûn explique de manière très concrète, en 8 articles, les règles d'hygiène concernant l'alimentation, la boisson, le sommeil, le mouvement et le repos, le massage, le coït et le régime, du foetus à la fin de la vie.
Il donne des conseils très précis (boire à petites gorgées, se coucher du côté droit, comment se laver au hammam, l'intensité des exercices physiques, la fréquence du coït, le régime alimentaire des enfants, etc.).
Il explique le principe des tempéraments et de la nature des aliments en référence à la doctrine de Galien mais le critique quand ce dernier propose de manger 3 repas en 2 jours.
4 - Le régime des saisons de l'année.
A chaque saison correspond un style de vie et un régime alimentaire.
Par exemple : de l'eau fraîche et du vin, des exercices physiques et de l'activité sexuelle au printemps ; écarter les boissons et aliments chauds, pour favoriser les aliments frais et humides comme les viandes au verjus, le concombre ou les légumes verts en été ; porter du lin neuf et du coton, manger du raisin en automne; nourriture abondante, activité physique et sexuelle en hiver, etc.
Il recommande de distinguer les saisons des astronomes et celles des médecins.
5 - Les aliments, leurs propriétés et leurs correctifs.
La nature chaude, froide, sèche ou humide des aliments est décrite, à la manière de ses prédécesseurs ou contemporains arabes ou européens (Taqwîm al-Sihha d'Ibn Butlân ou Régime du corps d'Aldebrandin de Sienne).
Sont analysés 157 aliments connus dans al-Andalus classés en 18 chapitres : céréales, graines, viandes, animaux sauvages, abats, poisson, oeufs et laitages, vinaigre et vin, certains plats cuisinés, pain, légumes, conserves, épices, huiles, fruits.
Grâce son aspect concret et pratique, ce livre apporte des renseignements utiles sur l'alimentation et la vie dans al-Andalus au 13e siècle.

Texte établi, traduit et annoté par Suzanne Gigandet, Institut français de Damas, Damas, 1996 (édition bilingue français – arabe).

Exemples :

12 - La soupe (al-masruba) ne vaut pas grand-chose, car elle est longue à digérer et l'eau qu'elle contient accélère son transit avant sa digestion complète.
39 - Le veau est équilibré avec une tendance vers le froid: il est excellent, surtout pour les bilieux, et particulièrement en été. On le cuisine au vinaigre.
66 - Le yaourt (al-síraz) est chaud et sec; il n'a guère de valeur alimentaire, il engendre un phlegme normal et de la bile.
Il convient de ne pas en abuser.
112 - Les citrons confits sont froids, neutralisent la bile, fortifient l'estomac et le cœur.
134 - La prune est froide, humide au premier degré.
Elle est émolliente pour l'intestin, et elle purifie la bile; elle adoucit l'estomac.
La meilleure est la blanche très charnue et bien mûre.
Elle se mange avant le repas.

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Message  Jean le noir Dim 18 Fév - 2:22

À Bagdad, dans la cuisine des califes

IXᵉ siècle – Irak.
À l’époque où la capitale bouillonnante de la dynastie des Abbassides constitue le “nombril du monde”, l’âge d’or de la gastronomie arabe débute dans le faste des palais.
Il s’appelait Abou Samin et, comme par prédestination, il était cuisinier.
Nous ne savons pas grand-chose sur lui, seulement qu’il officiait à Bagdad au IXe siècle, qu’il n’était pas le seul ni le premier de sa famille à exercer ce métier et qu’il a inventé ou réalisé à la perfection les recettes préférées du calife abbasside Al-Wathiq [810-847].

Par chance, certaines de ces recettes ont été consignées, un siècle après sa mort, dans le plus ancien livre de cuisine en langue arabe qui nous soit parvenu dans son intégralité, le Kitab Al-Tabikh, d’Ibn Sayyar Al-Warraq.

La gourmandise, péché mignon de la dynastie
Bagdad était en ce temps le “nombril du monde”, une métropole populeuse multiethnique et multiconfessionnelle, un foyer d’échanges économiques et de métissage culturel.
Al-Warraq, comme son nom l’indique, y gagnait sa vie comme libraire et copiste.
Il avait eu sous la main, de toute évidence, une bonne vingtaine de carnets de cuisine rédigés à l’intention des califes, princes, vizirs, gouverneurs et autres personnages de haut rang, ou dictés par eux.

À commencer par le livre culte d’Ibrahim ibn Al-Mahdi [779-839], le demi-frère cadet du calife Haroun Al-Rachid [766-809], homme de goût, poète et musicien, considéré à juste raison par la postérité, jusqu’en Espagne musulmane, comme le père fondateur de la cuisine gastronomique arabe.

Or la gourmandise semble avoir été le péché mignon de tous les membres de cette glorieuse dynastie : des recettes sont en effet nommément attribuées par Al-Warraq à Al-Mamoun [786-833], dont on dit qu’il connaissait les caractéristiques humorales de plus de trois cents mets, ainsi qu’à son frère et successeur Al-Mutassim [796-842], plus connu pourtant pour ses campagnes militaires contre les Byzantins, et surtout à Al-Wathiq, le patron d’Abou Samin.

Les historiens décrivent Al-Wathiq comme un bel homme aux traits fins et aux mœurs douces, qualités qu’il aurait héritées, selon eux, de sa mère, Karatis, d’origine grecque.
Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir un appétit d’ogre, avec une prédilection pour les aubergines.
On a même prétendu qu’il lui arrivait dans sa jeunesse d’en manger une quarantaine en une seule journée.

Son père s’en inquiéta, car ses médecins affirmaient d’une seule voix que l’abus d’aubergine [était] cause de toutes sortes d’ophtalmies.
Il lui adressa un message le pressant de se modérer dans son alimentation et lui rappelant qu’il devrait un jour lui succéder à la tête d’un grand empire : “Attention, un aveugle ne peut devenir calife !” Mais c’était peine perdue ; Al-Wathiq répondit du tac au tac :

“Peu importe, je fais don de mes yeux aux aubergines !”


Curieusement, il n’y a pas une seule recette d’aubergine parmi celles qu’Al-Warraq attribue à Abou Samin !
Toutes, cependant, sont attrayantes et, comme tant d’autres glanées dans nos vieux traités de cuisine, méritent d’être remises à l’honneur une fois allégées en matières grasses, sucre, vinaigre, condiments et épices…

Sucré-salé
Telles les sauces sucrées pour accompagner le canard rôti, ou l’omelette au lait et à la poudre de pistaches, amandes et noix, ou les lamelles de viande d’agneau marinées et cuites dans un tannour [une sorte de four à pain], ou bien la bustaniyya, qui mêle judicieusement viandes et fruits du verger.
Chacun, s’il aime le sucré-salé, pourrait l’adapter à sa guise, ici et maintenant, en se passant éventuellement d’un ingrédient ou en en ajoutant un ou plusieurs, ou encore en remplaçant les poires et les pêches par d’autres fruits, par exemple des prunes et des griottes.

Un cuisinier, fils de cuisinier, comme l’était Abou Samin ne pouvait ignorer les obligations de sa profession, aussi strictes que le serment d’Hippocrate pour les médecins.
Il n’avait pas seulement à régaler son maître avec son savoir-faire culinaire, mais aussi à jouer auprès de lui le rôle de nadim (commensal).

Il devait avoir suffisamment de connaissances diététiques pour lui conseiller un mets et déconseiller un autre en fonction des saisons et suivant son état de santé.
Son titre exigeait de lui en outre de toujours s’approvisionner chez les meilleurs producteurs de l’empire, d’être intraitable quant à la propreté des ustensiles de cuisine, de la vaisselle et du linge de table, de s’assurer que rien ne manque avant, pendant et après les repas de ce qui ferait plaisir à son maître et à ses convives…

L’importance de l’hygiène
Cependant, malgré le luxe inouï dans lequel baignaient les califes et leurs proches, et malgré leur propre pratique d’une cuisine recherchée parfois jusqu’à l’excès, plusieurs anecdotes rapportées par les écrivains de l’époque confirment que les plus sages parmi eux savaient pertinemment que ce qui faisait bonne chère n’était pas pour l’essentiel les produits exotiques les plus rares ni les combinaisons les plus sophistiquées, mais l’excellente qualité de tous les ingrédients sans exception et l’impeccable propreté de la batterie de cuisine, de la cuisine et du cuisinier lui-même.

Cette insistance sur l’hygiène n’a pas faibli jusqu’aux ultimes écrits culinaires classiques datant de la fin du XVe siècle.
Tous, ou presque tous, commencent ou se terminent par des recettes de savons et de poudres nettoyantes, de cure-dents, de bonbons et de gommes à mâcher pour se parfumer l’haleine… Et tous recommandent à leurs lecteurs, comme les mamans de nos jours à leurs rejetons, de se laver soigneusement les mains avant et après chaque repas !
Jean le noir
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