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Histoire des Pâtes

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Histoire des Pâtes  Empty Histoire des Pâtes

Message  Jean le noir Lun 23 Jan - 16:44

Raviolis et tortelli, quelle est la différence ?

Salimbène d’Adam frère franciscain du XIIIe siècle, auteur d’un singulier Chroniqueriche d’informations non seulement sur les événements politiques et religieux mais aussi sur le climat, l’agriculture, les usages alimentaires, il nous livre vers 1284 une curieuse note gastronomique : « Cette année-là, le jour de la fête de sainte Claire [11 agosto]
J’ai mangé des raviolis sans croûte de pâtes pour la première fois ».
Alors l’inverse était plus normal : envelopper les raviolis dans un papier d’emballage.
Donc, le terme « RavioliN’était pas synonyme de « tortello », comme il l’est d’ailleurs devenu aujourd’hui: il indiquait le remplissage d’un récipient, d’un tortello en effet, un petit gâteau est l’objet gastronomique par excellence de la cuisine médiévale.
Tout comme les raviolis pourraient être contenus dans un tortello, le tortello pourrait contenir un ravioli.
Dans les deux cas, c’était un choix.
Un livre de cuisine toscane du XIVe siècle le précise lorsqu’il explique que les tortelli sont faits de n’importe quelle forme : « fer à cheval, boucles, anneaux, lettres et tout animal que vous voulez », précisant, à la fin, que « vous pouvez les remplir, si vous vouloir ».
Eventuellement le remplissage.
Possible la « croûte de pâtes ».
La tortello peut être vide ou rempli; les raviolis peuvent être « protégés » ou nus – en Toscane on les appelle encore ainsi : gnudi.

Aussi Maître Martino, au XVe siècle, sur le sujet est très clair : à propos des « raviolis blancs » il écrit que « je veux être sans pâtes ».
Mais une note marginale au texte ajoute : « et se cum pasta you will want them, do them ».
De même, le livre de recettes du XVIe siècle de Bartolomeo Scappi comprend des raviolis « avec » et « sans ». C’est, bien qu’avec une certaine incertitude et avec une certaine variabilité locale des usages linguistiques, la notion qui prévaut jusqu’à Pellegrino Artusi: ses « raviolis à l’usage de la Romagne » ne sont que des boulettes à base de farine, de ricotta, de parmesan et d’œufs, bouillies et assaisonnées de fromage et de sauce à la viande.
Lorsqu’il présente ensuite les « raviolis alla genovese », il commente ainsi : « Ceux-ci ne devraient vraiment pas s’appeler raviolis, car les vrais raviolis ne s’enroulent pas autour de la pâte ».
Le « raviolo ouvert » de Gualtiero Marchesi, un célèbre plat emblématique du grand maître, avec lequel nous illustrons cette page, se félicite de l’utilisation – désormais répandue au XXe siècle – d’appeler « raviolis » également les « tortelli ».
Il subvertit ainsi le sens ancien du geste de fermeture, l’attribuant non au ravioli (qui, restant nu, n’est enfermé par rien) mais au tortello (qui n’est plus enfermé en lui-même). Cependant, avec cette provocation, Marchesi nous ramène au débat séculaire sur la possibilité de fermer ou non ces objets gastronomiques.
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Message  Jean le noir Lun 23 Jan - 17:12

La petite histoire des raviolis

Origines perses des raviolis
L’art de farcir des feuilles de pâte est déjà attesté en Mésopotamie antique.
Les feuilles sont toutefois laissées entières car elles servent à faire des tourtes feuilletées ou non.
C’est sans doute en Perse sassanide réputée pour ses raffinements culinaires que l’idée de plier (voire rouler) les feuilles pour en faire des bouchées plus ou moins grandes se développe.
Celles-ci adoptent des formes diverses et sont aussi bien frites (rissoles) que cuites au four (chaussons) voire bouillies (pasta ripiena).
Ces délicatesses sont probablement servies à la table du roi sassanide Chosroès Anushirvan (531-579), grand gastronome et promoteur voire créateur de nombreuses spécialités gastronomiques, dont le sikbaj (à l’origine d’escabèche) et la lakhsa (une pasta asciutta).

Les plus anciennes recettes figurent dans la littérature culinaire arabe de l’époque abbasside, notamment dans le Kitab al-Tabikh, livre de cuisine, d’al-Warrak (Bagdad, Xe siècle, tr. angl. Nawal Nasrallah, 2007).

Warrak signale, pour commencer, le khushknanaj (du perse khuchk signifiant sec et nan: feuille de pâte) qui est farci avec de la pâte d’amande, plié en forme de demi lune et frit.
Plus loin, Warrak signale qu’il peut être cuit au four et pose, ce faisant, les jalons de la moderne corne de gazelle (célèbre pâtisserie marocaine en forme de demi-lune remplie de pâte d’amande).

Ensuite, il mentionne le lauzinaj (du perse law amande) qui désigne aussi bien du massepain qu’une tourte feuilletée aux amandes, noix… et imbibée de sirop, prédécesseur de la baklava (descendant, elle-même, de la plakounta grecque décrite par Caton au 2e siècle avant notre ère et étant probablement un avatar de la tourte paléo-babylonienne). Au XIIIe siècle, Baghdadi en propose une version simplifiée dans son Kitab al-Tabikh: la pâte d’amande est étalée sur une seule feuille de pâte, le tout est coupé en petits morceaux qui sont arrosés de sirop. Selon l’orientaliste Maxime Rodinson, ils ont la forme de triangles voire losanges (qui tirent justement leur nom de lauzinaj).

Puis, il y a le sambusaj (de sam = triangle en perse) qui subsiste en Orient et dans le Maghreb ainsi qu’en Inde sous le nom de samosa. Warrak en donne deux versions : une frite (rissole) et une bouillie (pasta ripiena).
S’agissant de la version frite, Warrak spécifie que la pâte est étendue au plus fin, farcie avec de la viande hachée mélangée avec des herbes vertes (menthe, coriandre…) et des épices (poivre, cannelle…), auxquels on peut ajouter des fruits secs comme noix, amandes, pistaches, noisettes, pignons, noix de coco.
Le sambusaj est plié en forme de triangles, de carrés ou de rectangles. Warrak propose aussi de le présenter en petits amuse-bouche, pas plus gros qu’une fève.
La version bouillie possède, en revanche, la forme d’un croissant ou d’une demi-lune.
Ce sambusaj est probablement la plus ancienne pasta ripiena connue.
Il est l’ancêtre du ravioli.

Au XIIIe siècle, Baghdadi lance une variante sucrée et fourrée de pâte d’amande, à l’instar du khushknanaj et du lauzinaj.
Il précise in fine qu’après l’avoir sorti de la friture, le sambusaj est mis dans du sirop, puis égoutté et saupoudré de sucre (mêlé avec du musc et du camphre pour ceux qui veulent).

Enfin, il y a le joshparah dérivé du perse josh , ayant le même radical que le verbe bouillir.
De fait, c’est également une pasta ripiena.
Quoiqu’aucun document sassanide n’y fasse allusion, l’orientaliste américain Charles Perry s’appuie sur des arguments linguistiques pour fonder son existence à l’époque sassanide. Il n’a sans doute pas tort étant donné que le sambusaj bouilli remonte probablement à cette époque.
Joshparah est transposé en arabe par shishbirk mentionné pour la première fois dans al-Wusla d’Ibn al-Nadim (Syrie – XIIIe siècle).
Il est farci de viande et poché.

Le joshparah subsiste dans différents pays d’Asie centrale (Azerbaïdjan: düshbera , Ouzbékistan: chuchvara , Kirghizstan: chüchpara ).
Charles Perry ajoute que les Ouïgours (qui écrivent chöchürä) sont, malgré leur occupation de la province chinoise de Xinjiang, restés fidèles à la pasta ripiena perse “despite the long cultural pressure of China ”.
Cela ne les a pas empêchés d’adopter les pâtes chinoises.

Transmission à l’Occident

Alors que les traités scientifiques arabes sont traduits en latin entre les XIe et XIIIe siècles (principalement à Salerne et Tolède), les kitab-s al tabikh n’ont pas fait l’objet d’une telle attention.
Leurs recettes ont néanmoins été transmises à l’Occident via les traités diététiques, d’une part, le Liber de ferculis, traduction partielle faite au XIIIe siècle par Jambolin de Crémone du gigantesque traité de diététique, Minhaj al-bajan , écrit par le médecin Ibn Gazla à Bagdad au XIe siècle, de l’autre, le Tacuinum sanitatis, traduction faite à la même époque par Faragut (juif sicilien?) du Taqwin al sihha d’Ibn Butlan, contemporain, confrère et compatriote d’Ibn Gazla.

Pour désigner rissoles, chaussons et pasta ripiena arabo-perses, les traducteurs ont soit latinisé le terminologie originelle, soit détourné un terme de la langue vernaculaire.

Ainsi, Faragut traduit sambusaj aussi bien par ravioli (pl. de raviolus = raviolo en italien) que calisone (idem en italien).

Calisone dont l’étymologie est incertaine apparaît tardivement dans les livres de cuisine médiévaux écrits en latin ou en italien.
Ceux-ci l’utilisent très peu et, en l’occurrence, pour désigner une feuille de pâte farcie de massepain dite d’ailleurs aussi ravioli.
Maestro Martino (XVe siècle) prescrit dans son Libro de arte culinairia à propos des calisone : distendi la pasta a modo che si volesse fare ravioli, tu détendra la pâte comme si tu voulais faire des ravioli, ensuite tu mettras la farce (du massepain) en les faisant grands, moyen ou petits… tu les feras cuire à la poële.
En français calisone devient « calisson » dont la plus célèbre variété est le calisson d’Aix, préparé à peu près de la même manière que son cousin italien du XVe siècle.
Le moderne cjalson du Frioul est par contre un ravioli rempli de farces variées aussi bien sucrées que salées quoiqu’on y trouve rarement des amandes.

En revanche, les ravioli entrent dans les livres de cuisine italiens rédigés en vernaculaire ou en latin dès le XIIIe siècle et y possèdent, d’entrée de jeu, un large champ sémantique. Les premières recettes figurent dans les Ricettari di Federico II (royaume de Sicile, XIIIe siècle) dont il existe des versions latines et vernaculaires.
Raviolio/raviolus y désigne prioritairement une charcuterie, en l’espèce, une crépinette qui descend en droite ligne de l’esicium omentatum (littéralement quenelle en crépine) romain.
Dans les Ricettari, la farce est composée de ventrèche broyée avec des œufs, du lait et des épices et doit être de la grosseur d’un œuf (ad quantitatem unius ovi).
Quant à la cuisson, elle se fait dans une poêle avec beaucoup de graisse (coque in patella cum magna pinguedine). Ce qui donne à ces ravioli un aspect doré et, qui plus est, explique, leur étymologie : du latin russus (= roux) vulgarisé en rufus.
Celui-ci aboutit d’abord à rufeola , russeola ou rasseola, attestés dès le Haut Moyen Âge, et ensuite non seulement à ravioli (pluriel en latin et italien) et ravieles en français médiéval) mais aussi à rissoles…

Les Ricettari évoquent également des ravioli albi et viridi, blancs et verts qui, eux aussi, sont d’origine romaine et descendent des esicia (non omentata, sans crépine), des quenelles ou boulettes, généralement cuits en milieu humide.
Ces ravioli sont composés de la même manière que les crépinettes : ventrèche, œufs + fromage râpé, persil en sus pour les viridi.
Ils entrent notamment dans la grandiose torta parmesana des Ricettari , une construction en pâte de sept étages évoquant les pièces montées romaines (cf. le pisam farsilem du De re coquinaria du pseudo-Apicius – IVe-Ve siècles, un pâté en terrine monumental).

Les Ricettari mentionnent, en outre, des ravioli enrobés de pâte, ravioli in tortello paste, surnommés quelquefois torta.
De fait, la crépine peut être remplacée par de la pâte : si volueris loco illius pellis (crépine) fac alios de pasta, si tu veux au lieu de la crépine, tu fais (les ravioli) avec de la pâte. Eux, aussi, ont la grosseur d’un œuf et sont ensuite frits dans de l’huile : postea istos frige in patella cum oleo…
Contrairement à leur ancêtre sambusaj, ils ont une forme ovale (celle d’un œuf).
L’auteur ajoute : si volueris intiguas cum melle, si tu veux tu les enduis de miel ; cette façon possède une note romaine !!!!

De plus, les Ricettari signalent des ravioli amigdalarum (d’amandes), dont le mode de fabrication figure dans la recette d’une autre pièce montée : le caput monachi (= tête de moine !).
Elle précise que ceux-ci sont enveloppés dans des feuilles de lagana (dites aussi lasagnes sous l’influence de lawzinaj), farcis d’amandes, de noisettes, d’épices, et frits dans de l’huile bouillante (bulliantur in patella cum oleo ).
Ils descendent aussi bien du sambusaj que du khushknanajet du lauzinaj.

Enfin, les ravioli bouillis (pasta ripiena) se retrouvent dans la recette intitulée De ventre porcino implendo, qui décrit un appareil pour remplir un ventre de porc composé de chair de porc, de fromage d’herbes de poivre de safran.
L’auteur ajoute: Et inde potes facere salcicias vel raviolas vel tortam, puis tu peux en faire des saucisses ou des raviolis ou une tourte, mite ad coquendum, mets à cuire sous-entendu dans de l’eau, puisque l’auteur conseille et si non vis lixare pone ad frissandum, et si tu ne veux pas les bouillir, fais-les frire.
Ce qui laisse supposer que leur cuisson en milieu humide semble plus courante que le passage dans la friture…

A la même époque les ravioli entrent dans la langue française sous le nom de “ravieles”, en l’espèce, dans un manuscrit culinaire sans doute conçu en Sicile sous la dynastie franco-normande des Hauteville (XIIe siècle) et retranscrit en langue d’oïl sous le titre Coment l’en deit fere viande et claree.
Il s’agit de ravioli in tortello paste qui sont farcis de fromage, de beurre, d’herbes et cuits au four.

S’agissant du khuchknanaj, Jambolin de Crémone (Liber de ferculis) se borne à latiniser le terme arabo-perse en cusculene, également fourré de massepain et frit, puis placé dans un juleb (sirop de rose) chaud et égoutté au moyen d’une louche perforée.
En italien médiéval de Venise, cusculene devient quinquinelli qui sont faits a modo de rafioli, farcis d’amandes et frits (cf. dans le Libro per cuoco vénitien – XIVe siècle), tandis qu’en vieux français d’oïl il se transforme en “kuskenole” (cf. dans Coment l’en deit fere viande et claree) ; celle-ci pourrait dériver directement de khuchknanaj sans passer par l’intermédiaire latin imaginé par Jambolin : cusculene qui est très différent.
De fait, à cette époque la Sicile baigne dans la culture arabe : l’émirat (kalbide jusqu’à 1044) est perpétué par les Hauteville.
Arabophiles et arabophones, ils n’ont pas besoin de passer par les traductions latines pour avoir accès à la littérature culinaire arabe.
Les « kuskenoles » sont non seulement fourrées d’amandes, mais aussi de figues, de raisins, de poires, de pommes, de dattes; elles sont par contre bouillies “en bel ewe” (eau), tout en étant in fine “rostez sur le gerdil” (gril) .

Aujourd’hui, les khuchknanaj/ cusculene survivent en Sardaigne : les culurzones ou culingionis sardes, des raviolis remplis de fromage (pecorino ) et de pommes de terre, de bettes ou d’aubergines, de noix voire de viandes diverses (dont de l’agneau) et bouillis.

Conclusion
La pasta ripiena , sambusaj voire joshparah, été créée à la cour des Sassanides et non en Chine, comme on le croît souvent.
Françoise Sabban ne démontre pas le contraire dans son étude au titre évocateur “Ravioli cristallins et tagliatelles rouges: les pâtes chinoises entre XIIe et XIVe siècle”.
Autrement dit c’est en Perse que se situe le berceau des raviolis.

Les raviolis pochés font partie de la même famille que le joshparah / shishbirk (cf. supra).

Il est intéressant de noter qu’en Angleterre la littérature culinaire mentionne dès le XIVe siècle des raviolis bouillis sous le nom de « tartelettes » (apparentés à torta et tortello ).
Au XVIe siècle, Scappi les appelle d’ailleurs tortelletti (= petite torta ).
Aujourd’hui, certains raviolis sont toujours surnommés tortelli.

Ces ravioli descendant du lauzinaj qui est non seulement une pâte d’amande (amande = law en perse) mais aussi une rissole farcie avec elle.

Baghdadi prépare le lauzinaj d’une autre manière: le massepain est disposé sur une feuille de pâte, qui n’est pas fermée, mais rolled up like a belt (étalée comme une ceinture) et ensuite découpée en petits morceaux.
Lauzinaj étant en outre à l’origine de losange, ils ont peut-être cette forme.
Le calisson d’Aix-en-Provence est précisément un gâteau rhomboïde au massepain et est en outre la version provençale des caliscioni de Martino, également composés de massepain disposé sur une fine feuille de pâte.
Martino les surnomme ravioli.
Le moderne cjalson vénitien est en effet un ravioli poché et farci diversement.
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Message  Gibolins Ven 3 Fév - 13:35

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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 18:55

Les pâtes : enquête policière

Lagana romaines, itriyya et fidaws arabes, lasagnes, crozets, macrows, macaroni, ravioli, ravioles, vermicelles, nouilles ...

Marco Polo et les pâtes : la légende

La nouille, elle, remonte à la nuit des temps.
Probablement au troisième millénaire avant le Christ.
Ce sont les chinois qui les fabriquaient et la recette en fut transmise de génération en génération jusqu'à ce que Marco Polo, de retour à Venise, apprenne à ses compatriotes à en modeler la pâte. (Célébration de la Nouille, Raymond Oliver, Robert Morel 1965)

Cette légende, maintes fois reproduite, est en réalité une histoire inventée de toutes pièces au début du siècle par Macaroni Journal , la revue des industries américaines de pâtes.
Et ça marche encore !

Pour connaître la véritable histoire des pâtes alimentaires
Nous avons mené notre enquête à partir des travaux des historiens Silvano Serventi et Françoise Sabban (Les pâtes, Actes Sud, 2001).

Voici les résultats :

Nous avons des indices à partir des mots, en étudiant les textes anciens.
En particulier, les mots nous révèlent deux pistes de compréhension de l'histoire des pâtes, puis une diversification des pâtes dans l'Italie de la Renaissance :

Les pâtes fraîches
Les pâtes sèches
L'essor des pâtes
Pour résoudre cette affaire embrouillée, on repère 2 zones géographiques importantes pour les pâtes alimentaires :

La zone Moyen Orient / Europe

C'est le domaine des pâtes de semoule de blé tendre (pâtes fraîches) ou de blé dur (pâtes sèches) accommodées de sauce courte.
La fabrication remonte à l'époque romaine pour les pâtes fraîches de type lasagnes.
On trouve des traces des premières pâtes de type vermicelles en Palestine à partir du 3e siècle, puis dans le monde arabe à partir du 9e siècle.
On retrouve les pâtes au 12e siècle en France du Nord et en Allemagne via la culture culinaire juive.
On les retrouve à la même époque en Espagne et en Sicile via la culture culinaire arabo-andalouse. Puis elles se développent et se diversifient en Italie pour envahir le monde à partir du 19e siècle.

La Chine

C'est le domaine des pâtes confectionnées à partir de nombreux produits et préparées à la vapeur ou en bouillon avec des légumes, de la viande ou du poisson ou des crustacés.
Les premières recettes apparaissent dès le 3e siècle dans la Chine du Nord puis s'étendent à tout le pays entre le 10e et le 13e siècle.

Nous vous proposons une façon historique, originale à notre époque, de cuisiner les pâtes : les pâtes sucrées aux épices.

1 - Pâtes fraîches de la famille des lasagnes

Lasagnes frites chez les grecs et les romains
Le grec laganon donne le latin laganum qui sera traduit en français par lasagne.
Ces mots désignent des pâtes accommodées avec légumes, aromates et viande, le tout généralement cuit en friture.
On en trouve quelques traces dans la littérature latine : une recette d'Athénée dans Banquet des savants, texte du 2e siècle qui reprend une recette de l'Art du Boulanger, du grec Chrysippe de Tyane au 1e siècle.
Les lagana sont décrites comme de fines feuilles de pâte de farine de blé avec du jus de laitue pilée, aromatisé d'épices, le tout étant frit.
On trouve également chez Apicius, au 5e siècle, deux recettes de lagana, au livre IV, II n° 14 Recette de la Patina d'Apicius et n° 15 Patina quotidienne.
S'agit-il, en fait, de plats de lasagnes (on alterne couche de farce et feuilles de pâtes) ou d'une tourte à plusieurs étages (on termine par une feuille de pâte qui recouvre le tout et qu'on perce d'un roseau creux) ?
Cela dépend de la nature de la pâte, dont on n'a aucun renseignement précis.
St Jérôme (347-420) qui traduit la Vulgate dans l'Ancien Testament parle de lagana pour désigner le pain azyme fait de farine de froment sans levain, enduit d'huile.
Isidore de Séville (560-636) appelle laganum un "pain large et mince cuit d'abord à l'eau puis frit dans l'huile".

En Italie

On parle de lasagnes en Italie à partir du 13e siècle.
Les marchands de pâtes fraîches s'appellent alors des lasagnari.
Il s'agit d'une production artisanale pour une clientèle locale.
La première recette écrite avant 1300 provient du Liber de Coquina, qui serait originaire de la région de Naples (De lasanis, III-10).
La lasagne, pâte mince et large, devient une petite tourte lorsqu'elle est farcie.
Les tortelli et ravioli sont au départ des beignets frits (De rauiolis, II-60, Liber de Coquina) avant d'être des pâtes farcies pochées dans du bouillon (Martino, 15e siècle).
Dès le départ, les ravioli peuvent être farcis avec de la viande ou avec des herbes.

histoire des pâtes - crozets Alpina Savoie

La lasagne devient croseti, quand elle est découpée, comme dans la recette III-11 du Liber de Coquina, ce qui donnera plus tard les crozets savoyards.

Elle s'appelle macrows (anglicisme pour maccherone) dans le Forme of Cury.
Maccharoni est un mot utilisé pour désigner ces pâtes plates dès le 13e siècle.
Le vrai macaroni, dont la technique de façonnage diffère de la lasagne est fixé seulement à partir du 15e.
Toutes ces pâtes fraîches de type lasagnes sont fabriquées à base de blé tendre.

2 - Pâtes sèches de la famille des vermicelles

Dans les communautés juives
Entre le 3e et le 5e siècle, les académies rabbiniques de Palestine discutent du statut d'une pâte pour itrium dont on veut utiliser le reste pour faire du pain (Talmud de Jérusalem : discussions de la loi orale juive ou Michnah).
Il s'agit de savoir si l'itrium (cuit en milieu humide dans une marmite) est bien non soumis à la Hallah, alors que le pain (cuit en chaleur sèche au four) est soumis à la Hallah (prescription religieuse qui demande que la première portion de pâte, de la taille d'un oeuf, soit prélevée du pain en offrande).
On retrouve les mots de vermishelsh (vermicelli ?) et trijes (tri ?) dans des commentaires de Rachi sur le Talmud de Jérusalem : des communautés juives du nord de la France au 12e siècle se posent à nouveau la question religieuse de la Hallah à propos des pâtes.
A la même époque, un disciple allemand de Rachi s'interroge sur le sort religieux des vrimzlish. Vermishelsh et vrimzlish sont-ils les ancêtres juifs des vermicelles ou ces noms indiquent-ils une influence italienne dans les communautés juives, via la Sicile ?
Une seule chose est certaine : le mot vermicelli (petits vers) n'apparaît dans la littérature culinaire italienne qu'au début du 14e siècle.

Chez les arabes

Itriyya est le mot arabe utilisé au 9e siècle, par le médecin syrien Jesu Bar Ali pour désigner les vermicelles.
A la même époque, Gérard de Crémone, qui traduit le Canon d'Avicenne utilise le mot tri pour traduire itriyya.
Ce mot est repris par le médecin Simon de Gênes pour désigner une pâte non levée en forme de long fils : les vermicelles !
Le géographe arabe Idrisi signale, au 12e siècle, un commerce important de pâtes appelées itriyya, en Méditerranée à partir de la Sicile, à Trabia (à l'est de Palerme).
La Sicile est alors sous domination normande, tout en conservant encore un nombre important de musulmans.
A la place d'itriyya, les arabes parlent aussi de fidaws, qui devient fideos en espagnol, fidei, fidiaux en provençal (en 1397 en Avignon, il est question de semola de fideis), pour devenir fidès en Savoie.

Au 13e siècle, on retrouve de nombreuses recettes de fidaws et d'itriyya dans les livres de cuisine arabo-andalouse.
Les pâtes de type vermicelle sont généralement cuites dans des bouillons ou des ragoûts, pour donner de la consistance au plat.

Préparation des fidaws

On pétrit vigoureusement environ un Rtel de semoule [480 g] avec de l'eau et du sel, on fraise la pâte très fortement, on la met dans un récipient couvert, on roule peu à peu la pâte entre les doigts, on forme des grains de la taille d'un grain de blé, chaque grain de pâtes est fin avec des extrémités plus fines que le centre, on met toute la pâte qu'on a roulée dans une corbeille qu'on a sous la main.
Quand toute la pâte est façonnée, on la fait sécher au soleil et on pétrit une autre pâte et on fait de même jusqu'à obtenir la quantité de pâtes dont on a besoin.

Quand on veut faire cuire ces pâtes, on prend de la bonne viande de mouton, l'entrecôte, la selle ou autre.
On la découpe en morceaux moyens, on les rince et on les met dans un grand pot avec beaucoup d'eau, du sel, de l'huile, du poivre, de la coriandre et un peu d'oignon coupé [et on fait cuire] ; on la retire et on la met couverte dans une terrine, on passe le bouillon, on nettoie le pot et on y remet le bouillon s'il est suffisant pour cuire les pâtes, sinon on y ajoute de l'eau.

Quand le bouillon bout, on y verse les pâtes avec précaution, on met sur feu moyen jusqu'à ce qu'elles soient suffisamment cuites.
Entre temps on met sur l'ouverture du pot un autre petit pot plein d'eau qui chauffe à la chaleur du grand pot, si l'eau des pâtes s'assèche on y ajoute un peu d'eau du petit pot.

Quand les pâtes sont cuites on leur ajoute dans le pot du beurre frais ou du smem [beurre salé conservé], on laisse bouillir un moment, on remue avec le manche de la louche, délicatement pour ne pas les abîmer.
On fait revenir entre temps la viande dans un tajine avec du beurre et du smem jusqu'à ce qu'elle soit bien dorée, quand les pâtes sont prêtes, on les verse dans une terrine, on dispose dessus la viande et on saupoudre de cannelle et de gingembre et on consomme si Dieu le transcendant le veut.

Fudalat al-Khiwan d'Ibn Razin Tujibi. Traduction Mohamed Mezzine et Laila Benkirane, p. 63. Publication association Fès-Saïss.

En Catalogne

En 1324, dans le Sent Sovi, on trouve 2 recettes d'alatria (issu de l'hispano-arabe atriya et de l'arabe itriyya), que Rodolph Grewe traduit par macaroni : Qui parla con se cou alatria (Qui dit comment cuire les macaronis, n°170) et Qui parla con se cou carn ab alatria (Qui dit comment cuire la viande avec des macaronis, n°171).

En Italie

Dans le Liber de Coquina, à la fin du 13e siècle, on trouve une recette de Tria génoises (II-66), dont voici la traduction :
Pour les pâtes à la génoise, fais frire des ciboules avec de l’huile et mets dans l’eau bouillante [les pâtes], fais cuire, et place par-dessus des épices; et donne de la couleur et assaisonne comme tu veux.
Avec elles [les pâtes], tu peux mettre du fromage râpé ou en lamelles.
Et sers-les comme il te plaît avec des chapons ou avec des œufs ou n’importe quelle viande.

Le mot de fidaws ou fideus est majoritairement employé à la place d'itriyya ou de tri pour désigner, au 14e et au 15e siècle les pâtes exportées de la ville de Cagliari en Sardaigne, à destination de Barcelone, Majorque, Valencia, Gênes, Naples ou Pise.
A la fin du 14e siècle, dans les livres de comptes des douanes de Sardaigne, on retrouve également les mots de macaroni et d'alatria.
S'agit-il de 3 catégories différentes de pâtes ?
la Sardaigne est alors sous la domination du royaume d'Aragon-Catalogne.
L'influence catalane explique l'utilisation du mot fideus.
Les fabricants de pâtes sèches vont s'appeler ensuite fidelari sur la côte ligure.

En Europe centrale

En dehors des itriyya et des fidaws, l'historien américain Charles Perry a trouvé une variété de pâtes persanes appelée lâkhshâ, qu'il traduit pas choses glissantes.
Il s'agit en fait de pâtes fraîches qui sont plus proches de la famille des vermicelles que de la famille des lasagnes.

Ces pâtes lâkhshâ seraient à l'origine de la famille des nouilles qui s'est développée en Europe centrale.
La parenté se retrouve dans les noms : laska en hongrois, lapsha en russe, lokshina en ukrainien, loskshn en yiddish, lakstiniai en lithuanien.
On ignore l'origine du mot allemand nudle, qui a donné nouille en français et noodle en anglais.

3 - L'essor des pâtes

A partir du 15e siècle en Italie, on constate une grande diversification des pâtes qui se traduit par une augmentation importante des appellations : croseti, formentine, maccaroni, quinquinelli, ravioli, tortelli, vermicelli...
Les recettes et les noms varient d'une région à l'autre.

Mais le mot générique de pasta ne prend le sens restreint de pâtes alimentaires que tardivement.
Les commerçants sardes utilisent au 14e siècle l'expression obra de pasta pour désigner les pâtes sèches qu'ils exportent.
Mais quand Bartolomeo Scappi édite, en 1570, son grand traité de cuisine Opera, le Livre Cinq, Libro delle paste (livre des pâtes) traite en fait des pâtés, tourtes, tartes et gâteaux sucrés comme beignets, gaufres et massepains.

Les fabricants de pâtes fraîches sont de petits artisans qui produisent pour une clientèle locale.
Les fabricants de pâtes sèches sont des artisans plus importants, pour une vente à l'exportation.
Les manufactures de pâtes, qui produisent des quantités semi-industrielles, apparaissent en Italie à partir du 17e siècle.
L'ère industrielle débute à la fin du 19e siècle, avec l'apparition des presses hydrauliques.
Les pâtes sèches sont alors systématiquement fabriquées à base de blé dur.

En Allemagne, comme en Alsace, la tradition est aussi ancienne : En 1507, le premier livre de cuisine alsacien (Kochbuch) et en 1540, la version allemande de Platine (Von allen speisen und Gerichten, Strasbourg) en parlent déjà.
Les pâtes d'Alsace (des nouilles) sont dès le 17e siècle riches en œufs.
Les pâtes fraîches appelées nudeln, deviendront nouilles en français ou noodle en anglais.

histoire des pâtes, lasagnes, crozets, macaroni, ravioles, nouilles - pâtes Le Coquetier
En France, pendant des siècles, on parle de nouilles, macaroni, lasagnes... ou en Provence : menudez, macarons, vermisseaux ou fidiaux.

Il faut attendre le début du 19e siècle pour employer le mot générique de pâtes pour désigner les pâtes alimentaires.

La diffusion mondiale des pâtes est en partie liée à l'immigration italienne, qui emporte avec elle son savoir-faire et ses goûts culinaires, en particulier aux USA et en Amérique latine.
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Message  Jean le noir Sam 6 Jan - 16:48

Des gnocchis pour tous les goûts


Le terme gnocco , peut-être d'origine lombarde pour nocco , nœud, est un terme ambigu dans la cuisine médiévale car il désigne de multiples préparations et pas seulement des soupes de pâtes.
Il s'agit généralement de bouchées de farine ou de pain mélangées à de l'eau et/ou des œufs auxquelles sont ajoutés du fromage, de la viande ou des légumes.
Ils ressemblent souvent aux boulettes de viande ou aux globules cuits dans la Rome antique ; la différence réside dans le fait que les gnocchis ou gnochis finissent pour la plupart dans une casserole bouillie dans de l'eau ou du lait puis assaisonnée de fromage râpé et d'épices comme les lasanae , des pâtes fraîches.

Histoire des Pâtes  Gnocch10

Dans le manuscrit An. Toscano ils sont préparés avec du fromage frais, des jaunes d'œufs et de la farine, sans les façonner mais en les plongeant dans l'eau bouillante avec une louche, ce qui n'est pas une opération simple :

Prenez le fromage frais et écrasez-le puis prenez la farine et mélangez-la avec le jaune d'oeuf et placez la casserole sur le feu avec de l'eau et quand elle bout, placez le triso sur la planche à découper et laissez-le aller avec le fromage dans la casserole. ..


Si vous voulez vous essayer à sa préparation, ajoutez 500 gr. de fromage frais bien écrasé, 5 jaunes d'œufs et 200 gr. de farine 00.
Pétrir le triso et déposer des cuillerées dans l'eau bouillante. Ils sont prêts lorsqu’ils font surface. Assaisonner de fromage râpé et d'épices.

L'idée de les creuser pour les éclaircir vient de la description de la transformation d'un autre type de pâtes, les croseti évoquées dans le Liber de Coquina .
L'idée sera reprise très clairement des manuels Renaissance de Messisbugo et Bartolomeo Scappi :

réalisez vos macaronis sur le dos de la râpe.
saupoudrez un peu de farine fine sur le côté de la râpe et placez la pâte sur la râpe et réalisez les gnocchis.


Avec l'avènement des pommes de terre , les gnocchis sont devenus un plat national, presque exclusivement composé de pommes de terre.

Gnochis

LXVIIII Gnochi – Celui qui veut faire des noix, prend de la farine et de la chapelure, et met un peu d'eau, et joue avec les œufs et les debacti, et ajoute une côtelette humide et mets-les à ébullition, et quand ils sont cuits, prends-les maintenant et moquez-vous d'eux à propos du test du fromage.

300 gr. pain rassis
100 gr. farine
3 œufs
sel au goût
parmesan râpé et épices d'assaisonnement

Le pain est trempé dans l'eau pendant une demi-heure, puis pressé et placé au mixeur avec de la farine, des œufs et une pincée de sel.
Ce doit être une pâte molle, mais pas trop molle.
Avec les mains mouillées, réalisez des boulettes de viande de la taille d'une noix et faites-les bouillir 5/10 minutes dans de l'eau bouillante salée ; égoutter et assaisonner avec des épices et beaucoup de parmesan râpé.

La recette est tirée d'An. Sud (XIIIe siècle)

Histoire des Pâtes  Gnocch11
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