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Histoire des épices

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Histoire des épices Empty Histoire des épices

Message  Jean le noir Lun 27 Fév - 10:14

Les épices au Moyen Âge jouent ont un rôle social et répondent à une certaine idéologie de l’homme.

Les Épices au Moyen Âge font l’objet d’un usage massif
Pourquoi cet engouement pour les épices ?
Les médecins de l’époque leur confèrent des qualités digestives.
La provenance des épices apporte aussi une part de rêve, L’Orient est assimilé à une sorte de paradis…etc.
Elles assureraient longévité ?

On les rencontre en dans plus de la moitié des recettes, et souvent dans plus de trois quarts d’entre elles.

Les quantités consommées sont impressionnantes : + d’1 kg par an et par personne à la cour du Dauphiné.

Le Moyen Âge témoigne d’une perpétuelle quête dans la maîtrise de l’harmonie des épices dont le nombre est réellement impressionnant.
Certaines épices telles le poivre long d’Insulinde sont même oubliées aujourd’hui.

Histoire des épices Les-ep10

Symboles de prestige et de richesse, le rôle de ces épices est de parfumer les plats ou les sauces qui les accompagnent.
Mais ce n’est certainement pas pour masquer la piètre qualité des mets.
Oubliez donc bien vite l’idée commune selon laquelle les épices masquaient le goût de la viande avariée !

Les épices au Moyen Âge constituent un critère de distinction sociale.
Plus classiques comme le safran, la cannelle ou encore le gingembre.
Le peuple ne se refuse pas non plus le plaisir des épices et les plus humbles sont comblés lorsqu’il détiennent du poivre, épice devenue un peu trop accessible pour les plus riches.

La Passion des épices

Ouvrir un livre de cuisine médiéval, c’est rencontrer un monde de saveurs, de couleurs et d’odeurs que nous avons perdu.
L’usage d’épices provenant de très loin contribue au premier chef à façonner cette étrangeté culinaire.
C’est en effet une gamme très large d’épices qui entre dans la cuisine.
Un des manuscrits du célèbre Viandier, aujourd’hui conservé au Vatican, en cite ainsi une vingtaine.

Épices qu’il faut à ce présent Viandier : gingembre, cannelle, girofle, graine de paradis, poivre long, spic, poivre rond, fleur de cannelle, noix muscade, feuilles de laurier, galanga, macis, lores [?], cumin, sucre, amandes, aulx, oignons, ciboules, échalotes.

Liste incomplète, car des recettes utilisent aussi la cardamome ou le cubèbe.
Liste hétéroclite, car elle mêle à d’effectifs produits du grand commerce avec l’Orient (c’est le sens originel du terme “épices”) des aromates poussant dans les jardins d’Europe. Rhizomes comme le gingembre ou le galanga, bouton floral comme le clou de girofle, écorce comme la cannelle, mais aussi grains du poivrier, noix du muscadier, ces produits de toute nature concourent à offrir une palette de saveurs épicées qui n’eut aucun équivalent dans l’histoire européenne.

Ni avant, lorsque le poivre, assisté de quelques autres épices comme le silphium, régnait sur la gastronomie romaine ; ni après, puisque, à partir du XVIII° siècle, la cuisine française au moins s’est détachée des épices exotiques, pour se recentrer sur des aromates indigènes, comme l’ail ou le persil. En vérité, jamais la cuisine européenne n’a été aussi ouverte aux saveurs de l’ailleurs qu’au Moyen Âge.


Les propriétés médicinales des Épices au Moyen Âge

Konrad de Megenberg, dans son Yconomica, affirme qu’un bon cuisinier doit connaître la diététique des saisons, les qualités thérapeutiques des épices et l’ordre des mets requis par l’art médical, toutes informations qu’il ira chercher auprès d’un médecin.

Maître Chiquart est en revanche un praticien bien réel, dont la personnalité et l’œuvre ont été mises en avant ces dernières années par Terence Scully.
Ce cuisinier du premier duc de Savoie, Amédée VIII, sur l’ordre duquel il a entrepris d’écrire le Fait de cuisine, semble a priori avoir une certaine connaissance littéraire et médicale : le manuscrit qui transmet son œuvre comporte ainsi un passage manifestement tiré du Regimen Sanitatis Salernitanum, un poème synthétisant les notions fondamentales d’hygiène.

La Noix de Muscade
Histoire des épices Muscad10

Le muscadier est un arbre de forme pyramidale pouvant atteindre jusqu’à 20 mètres de hauteur.
Le fruit globuleux renferme une graine qui, une fois séchée et débarrassée de son enveloppe (le macis) donne cette noix dure et odorante lorsqu’on la râpée.
Les arabes la commercialisaient au moyen âge, et on lui trouva vite des vertus thérapeutiques (au XVIII° siècle, on la préconisait comme remède à près de 140 différentes maladies).

Analgésique – Stimulante – Digestive

Le Gingembre
Histoire des épices Gingem10

Le gingembre est un rhizome qui est utilisé dès l’antiquité (les grecs déjà le faisaient venir d’orient).
D’un goût légèrement poivré, il relève certains plats et son association avec la cannelle est remarquable.
C’est une épice décriée par certains et fort apprécié par d’autres.
Ses vertus apéritives et digestives permettent au gueux de l’utiliser dans quantité de recettes, à n’importe quel moment du repas..

Digestive – Stimulante – Carminative – Anti-poison en association avec la cannelle

Le Clou de Girofle
Histoire des épices Clou-d10

Les clous de girofle sont en réalité les boutons de floraux du giroflier, cueillis avant l’épanouissement de la corolle des fleurs.
Une fois séchés, ils prendront cette couleur brune caractéristique.
Cette épice apparaît dès le IV° siècle en occident, introduite par les arabes qui la faisaient venir de Chine.
Très prisé au moyen âge, une poignée valait, dit-on, le prix d’un mouton et d’un demi-bœuf !

Troubles digestifs – Antiseptique – Analgésique – Accouchement – Diabète en association avec la cannelle

Le Macis
Histoire des épices Macis10

Le macis a longtemps été décrit comme l’écorce d’un arbre inconnu !
Il est en réalité l’arille de la noix de muscade (et porte souvent à tort le nom de « fleur de muscade »).
Il peut être utilisé sous différentes formes (entier, en poudre…) et remplace avantageusement la noix de muscade dans toutes ses utilisations.
Epice reine aux yeux de Taillevent (de son vrai nom Guillaume Tirel, gueux à la table du roi Charles V), celui-ci en parfume un grand nombre de plats.

Analgésique – Stimulante – Digestive

La Cannelle
Histoire des épices Cannel10

C’est l’écorce du cannelier, arbre pouvant atteindre jusqu’à 15 mètres de hauteur qui donne cette épice.
Seule l’écorce intérieure de l’arbre va être utilisée, après ponçage de l’écorce extérieure.
Une fois découpée et séchée au soleil, cette écorce va se recroqueviller et donner les « Tuyaux de cannelle ».
C’est une épice très parfumée et très puissante, dont la suavité accompagne volontiers tous les plats sucrés.

Anti-diarrhéique – Stimulante – Astringente – Anti-poison en association avec le gingembre – Facilite l’assimilation du sucre des diabétiques, en association avec le clou de girofle

La Cardamome
Histoire des épices Cardam10

La cardamome se présente sous la forme d’une petite gousse ovoïde de couleur beige ou verdâtre.
A l’intérieur de ces gousses se trouvent des petites grappes de graines noires (quand elles sont bien sèches.
On peut en tirer une huile assez volatile, mais son utilisation au moyen âge était sous la forme des graines que l’on broyait.

Digestive – Aphrodisiaque – Rend l’haleine fraîche

Le Poivre
Histoire des épices Poivre10

Le poivre est le fruit du poivrier, arbuste originaire d’Inde sur lequel il pousse en petites grappes.
On peut le cueillir vert, ou à maturité et le faire sécher (poivre noir), le débarrasser de son enveloppe noire (poivre blanc)…
Il existe différentes sortes de poivres, et la principale distinction que l’on faisait au moyen âge concernait le poivre rond et le poivre long (piper longum).
Ce dernier était le plus prisé, mais également le plus cher.
Désormais, il est quasi introuvable.
En ce milieu de XX° siècle, on ne pouvait déjà plus ce le procurer.
Le Petit Larousse Illustré (édition de 1958) le considère comme une sorte de piment à la saveur très piquante !

Digestiv

Le Sucre
Histoire des épices Sucre10

Depuis l’antiquité et durant tout le moyen âge, le sucre (tirée de la canne à sucre) nous arrive des Indes, par le biais des arabes.
Denrée rare et chère, il ne servait qu’à la pharmacopée.
Vers la fin du moyen âge, il se démocratise et son usage se retrouve en cuisine, pour le sucre roux principalement.
Le sucre blanc, quand on avait la chance d’en posséder était principalement utilisé pilé (sous forme de sucre glace !) pour blanchir certains mets avant de les servir.

Le Safran
Histoire des épices Safran10

C’est d’une variété particulière de crocus, le crocus sativus, que l’on tire le safran.
Ce sont les stigmates des pistils de cette plante qui, séchés, vont libérer leur arôme.
Il est originaire d’Orient, mais est cultivé en Europe depuis des centaines d’années (France, Italie, Espagne).
Il faut près de 50.000 fleurs de crocus pour obtenir 50 grammes de safran.

Ce qui fait le coût de cette épice très parfumée.
Mais curieusement, le safran n’était guère utilisé en cuisine pour le goût prononcé qu’il donne aux aliments, mais pour la belle couleur jaune qu’il va leur octroyer.

Ballonnement – Sédative – Antispasmodique – Irritations de la gorge dans l’eau tiède

La Badiane
Histoire des épices Badian10

Digestive – anti-hoquet

Coriandre
Histoire des épices Corian10

Digestive – Euphorisante – Régularise les fonctions intestinales – Nettoie les artères en combattant le cholestérol

Le Cumin
Histoire des épices Cumin10

Stimulant – Très digestif – Combat les coliques du nourrisson allié à l’anis vert et au fenouil

Le Curcuma

Histoire des épices Curcum10

Troubles hépatiques – hygiène de la peau – anti-inflammatoire – antioxydant – diabète – cerveau

Le Sumac
Histoire des épices Sumac10

Astringent
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 11:55

La poudre fine ou poudre de Duc
Le ménagier de Paris

La poudre fine est appelée "poudre de duc" quand elle contient du sucre.

34g de gingembre
96g de cannelle
4g de clous de girofles
4g de graines de paradis
96g de sucre (pour la poudre de Duc)
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 11:56

Epices fines tout usages
Anonimo Veneziano - Libro di cucina del secolo 14ème

32g de poivre
32g de canelle
32g de gingembre
4g de clous de girofle
8 g de safran
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 11:58

Epices fortes
Anonimo Veneziano - Libro di cucina del secolo 14ème

64g de poivre long
64g de poivre rond
4g de clous de girofle
2 noix de muscades
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 11:58

Les épices douces pour tous usages
Anonimo Veneziano - Libro di cucina del secolo 14ème

Ce mélange est préconisé par l'auteur pour la lamproie ou autres poissons cuit en croûte, mais également pour faire un brouet et des sauces.

32g de gingembre
32g de cannelle
32g de feuilles (non identifées, on peut prendre du laurier)
8g de clous de girofles
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 12:04

Poudre forte
selon le Forme of Cury (14ème)

3 c. à soupe gingembre
2 c. à soupe cannelle
1,5 c. à soupe clous de girofle moulu
1 c. à soupe cubèbe moulu
1 c. à soupe maniguette moulu
1 c. à soupe poivre long moulu
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Message  Jean le noir Dim 3 Sep - 12:07

Moutarde des Lombards
Selon The Form of Cury (14ème)

L'appellation témoigne de l'influence de la cuisine italienne, en particulier de celle des Lombards, à laquelle les maîtres queux médiévaux se réfèrent souvent.
Rappelons que les Lombards sont à l'origine un peuple venu de la Baltique qui a envahi l'Italie au VI° siècle.

5 cl miel
40 g graines de moutarde
1 càs vinaigre de vin blanc
3 càs vin blanc

Faites chauffer le miel.
Combinez les autres ingrédients.
Laissez refroidir.
La sauce devient moins liquide en refroidissant.

NOTES
La recette ne dit pas exactement comment épaissir la moutarde.
Vous pouvez la faire bouillir tant qu'elle est assez épaisse ou ajouter un œuf.
Rappelez-vous de ne pas trop rôtir les graines.
Un peu de temps à feu doux donnera un goût délicieux aux graines.
Si elle est brûlée, la moutarde aura mauvais goût.
Cette recette est géniale!
Vous pouvez le préparer à l’avance et le conserver au réfrigérateur.
Elle sera sera bien stockée dans le réfrigérateur pendant quelques semaines.

TEXTE ORIGINAL :
The Form of Cury (XIV°)
" Take Mustard seed and waishe it & drye it in an ovene, grynde it drye. farse it thurgh a farse, clarifie hony with wyne & vynegur & stere it wel togedrer and make it thikke ynowz & wan thou wilt spnde therof make it tnynne with wyne."
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Message  Jean le noir Mar 2 Jan - 20:32

Marchands d'épices à l'époque médiévale

A la fin du printemps de l'an de grâce 1376, le sieur Niccolo Aliotti, marchand de Florence, rencontre à Constantinople Yusuf Ibn al Sîd, marchand de Grenade.
Ce sont deux marchands spécialisés dans le commerce des épices.

Niccolo Aliotti est le descendant d'une illustre famille florentine qui a fait fortune au 13e siècle, échangeant soies et épices d'Orient contre draps des Flandres, dans les foires de Champagne.
Malgré tous les malheurs qui ont frappé l'Europe depuis le début du 14e siècle [famines (1315-1320), guerre entre Français et Anglais (guerre de Cent Ans à partir de 1337 et jusqu'en 1453), la Peste Noire (1346-1353)], malheurs qui ont anéanti près de la moitié de la population, Niccolo constate avec étonnement que son commerce d'épices marche toujours.
Les riches bourgeois et les grands seigneurs, ses principaux clients, semblent pris d'une frénésie de vivre pour échapper, peut-être, à la peur de mourir.
Un peu comme les jeunes gens du Décaméron de Boccace (1350), qui proclament leur appétit de vivre au moment de la peste de 1348 à Florence.
Et ils s'étourdissent de plaisirs, mangeant force plats de viande assaisonnés de bonnes épices, au doux son des lais, virelais et rondeaux de Guillaume de Machaut (musicien et poète, 1300-1377).

Niccolo ne sait pas encore que le duc de Berry va faire exécuter, dans une ambiance si troublée, des miniatures qui donneront au monde une image paisible de cette époque, loin des horreurs de la guerre (Très belles heures et Très riches heures du duc de Berry, début 15e siècle).

Quelle époque contrastée que le 14e siècle, un siècle plein de bruit et de fureur.
En France, c'est l'époque de Du Guesclin (chef des armées, 1320-1380), de la dynastie guerrière des Valois, de Froissart (écrivain chroniqueur de la guerre de Cent Ans, 1337~1400), mais aussi de Gaston Phébus, ami des arts et des lettres, comte de la fastueuse cours de Foix (1331-1391), du riche Nicolas Flamel (écrivain-alchimiste, 1330-1418) et du poète Eustache Deschamps (1346-1406).

Niccolo Aliotti, natif d'une Italie composée d'une douzaine d'états indépendants, est fier d'être toscan de Florence, ville bientôt aux mains des Médicis, cette famille de marchands et de banquiers qui sont ses cousins.
Familier de la France et de l'Italie par son commerce des épices, il peut facilement comparer : l'Italie est plus riche.
Elle est surtout culturellement en avance, avec Boccace, Dante, Pétrarque, Giotto, Donatello, Fra Angelico...
S'il savait deviner l'avenir, il saurait que le 15e siècle va être encore plus brillant, avec Léonard de Vinci, Michel Ange, Botticelli, Machiavel, Arioste... au point que les rois de France (dont François 1e) vont faire la guerre à l'Italie (à partir de 1494) et s'inspirer de son style de vie.

Mais avant cela; en 1376, notre marchand florentin rencontre à Constantinople (encore byzantine et orthodoxe jusqu'en 1453), Yusuf Ibn al Sîd.

Yusuf Ibn al Sîd est un marchand de Grenade la musulmane (jusqu'en 1492 !), descendant d'une famille de soyeux de l'Alcaiceva (un quartier de Grenade), famille qui s'était enrichie en échangeant de la soie contre de l'or et des esclaves noirs du Niger.
Sa rencontre à Grenade en 1350 avec Ibn Battuta (grand voyageur, 1304-1368), qui lui a raconté ses voyages à Samarcande, Delhi, Ceylan, jusqu'à Pékin, lui a donné l'envie de découvrir les merveilles de l'Orient.

Certes, Yusuf conserve la nostalgie d'Al Andalus, de Grenade, grande cité cosmopolite, des sorbets à la fraise réalisés avec les neiges de la Sierra Nevada.
Il pense souvent à la magnificence de l'Alhambra (palais construit par Yusuf 1e, 1332-1354 et Muhammad V, 1354-1358 et 1368-1392), mais il est réaliste et il sait que les jours des arabes sont comptés en Espagne.
Alors que, d'un autre côté, seul un marchand musulman peut oser s'aventurer maintenant, avec une relative sécurité, sur les routes de la soie et des épices, jusqu'en Indonésie et même en Chine.

Pendant ce temps, Tamerlan et ses mongols ont commencé la conquête de l'Asie Centrale (ils vont atteindre Delhi en 1398), l'empire ottoman continue son expansion en Turquie, la dynastie Ming débute en Chine (1368), les Thaï attaquent l'empire Khmer au Cambodge, où le temple d'Angkor va bientôt être abandonné (1393).
Tout l'Orient est en train de s'islamiser. Vraiment, seul un marchand musulman peut s'aventurer facilement en terre d'islam.

Et voici que Yusuf Ibn al Sîd et Niccolo Aliotti se rencontrent, pas tout à fait par hasard, à Constantinople.

Ces deux marchands savent que l'époque de Marco Polo sur la route de la Chine est bien révolue (1271-1295), mais ignorent que celle de Christophe Colomb (découverte de l'Amérique en 1492), n'est pas encore commencée.

Le gothique est rayonnant avant de devenir flamboyant : Notre Dame de Paris est achevée depuis 1345.
Les travaux continuent dans la cathédrale de Cologne ainsi que dans l'Abbaye de Westminster où le réseau des fenêtres composées de l'église montrent l'influence de l'architecture d'Ile de France.
Carcassonne termine l'agrandissement de son enceinte fortifiée.
Les papes sont dans leur palais d'Avignon pour un an encore (1309-1376).

Notre marchand florentin, en ce 14e siècle troublé, est en réalité un pionnier du capitalisme moderne : il a abandonné les chiffres romains pour les chiffres arabes si commodes pour la tenue des livres de compte.
Il utilise déjà les lettres de change et les chèques pour éviter d'avoir trop de Florins or sur lui.
Ses marchandises sont assurées contre le vol par sa compagnie marchande.
S'il arrive à éviter les brigands et les soldats, un courrier met 3 semaines pour aller de Gènes à Paris.
Des services de courriers réguliers ont d'ailleurs déjà été organisés par les marchands florentins au siècle précédent entre Troyes, Provins et l'Italie.

Et Niccolo a l'esprit ouvert et le sens du commerce qui lui permettent de négocier tranquillement avec un marchand musulman, malgré la haine tenace qui existe entre les deux communautés depuis au moins les croisades (1096-1291).
C'est en fait un mélange d'attirance / répulsion entre chrétiens et musulmans : chacun est sûr d'avoir la vérité en matière religieuse, et c'est une guerre impitoyable dans ce domaine.
Mais l'Europe est fascinée par le luxe dont savent s'entourer les califes et par les connaissances scientifiques des arabes, bien supérieures à celles des chrétiens de l'époque, souvent emprisonnés dans le dogmatisme et la scolastique.

C'est pourquoi les échanges entre chrétiens et musulmans sont nécessaires : soies, épices, métaux précieux, alun (teinture / tannage), coton, mais aussi manuscrits grecs pour découvrir les oeuvres d'Aristote (logique, éthique), Euclide (mathématiques), Ptolémée (astronomie), Hippocrate et Galien (médecine) ... et les manuscrits arabes pour découvrir Avicenne (médecin et philosophe), Averroès (philosophe), Ibn Battuta (géographe), Ibn Khaldun (historien) ...

Parfois, les échanges entre ces deux mondes ont lieu par l'intermédiaire des commerçants juifs ou arméniens qui vivent aussi bien en milieu musulman que chrétien (en dehors des persécutions contre les juifs).

Mais en ce jour de printemps 1376, suite à leur rencontre à Constantinople, Niccolo et Yusuf ont préféré négocier directement un commerce sans intermédiaire.
Ils pensent tout deux qu'ils feraient de bien meilleures affaires s'il n'y avait pas tant de droits féodaux de péages (qui peuvent grever de 60% les frais de transport), ni toutes ces guerres ou ces brigands, qui ralentissent considérablement la circulation des marchandises et empêchent le bon entretien des routes, comme du temps lointain des voies romaines !

Mais ils se réjouissent de la mode culinaire des épices, qui s'est emparée de la classe dominante européenne : les épices sont faciles à transporter, d'un très bon prix à la vente.

D'après le cousin de Niccolo, des manuscrits avec des recettes de cuisine commencent à circuler dans les milieux aisés et cultivés de toute l'Europe.

Quelle époque paradoxale !
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Message  Jean le noir Mer 24 Jan - 9:16

Les épices : santé, croyances et fantasmes au Moyen Âge

Histoire des épices Mendel10

Arômes, saveurs, couleurs, propriétés thérapeutiques et diététiques, les épices entrent dans l’imaginaire des médiévaux…

Épices, avant-goût du Paradis

Entre les XIIe et XVe siècles, le commerce des épices est devenu une activité fructueuse, car ces produits ont acquis « une valeur symbolique, celle de l’étrange » .
En effet, fascinés par l’exotisme, les médiévaux fantasment avec ces substances venues de pays mythiques.

Histoire des épices Marco_10

À cette époque, l’Orient est perçu comme un monde de merveilles et de richesses.
Et dans l’esprit médiéval, l’Inde voisine avec l’Éden, le Paradis terrestre.
Alors, des légendes naissent et les bateaux vont et viennent entre l’Orient et l’Occident.

Histoire des épices Marco_11

En Europe, les bateaux accostent principalement à : Venise, Lisbonne, Anvers… et Montpellier, grand marché d’épices.

À chaque classe sociale, ses épices

Au XIIe, Hildegarde de Bingen, l’abbesse-médecin, possède déjà 31 épices (répertoriées dans son herbier), dont les six qui dominent la cuisine et la médecine médiévales :
-poivrier, giroflier, muscade, cannelle, safran et gingembre.

Puis, dans le bas Moyen Âge, ces épices prennent de la valeur et s’imposent dans la composition des mets : « 80 % des recettes en contiennent ».
Selon les épices utilisées et leur variété sur la table, on peut estimer le niveau social de l’hôte :
Ainsi, les poivres, bien trop connus et vendus à un faible prix, sont qualifiés « d’assaisonnements du pauvre » par le médecin Arnaud de Villeneuve, au XIVe, ou bien jugés vulgaires par l’aristocratie qui achète fort cher les produits du mystérieux Orient.
Le petit seigneur, lui, ne peut s’offrir que le gingembre, la cannelle et le safran, en plus du poivre.

Histoire des épices M87_2010

Les épices, monnaie d’échange ou de corruption

Entre les XIIe et XVe, différents manuscrits mentionnent des « espesses, espisses, espices... ».
Comme elles sont coûteuses, certains avancent que notre terme « payer en espèces » remonterait à cette période où l’on pouvait payer en épices (en noix de muscade…).
Par exemple, au XVe siècle, comme les procédures judiciaires sont longues et onéreuses, on n’hésite pas à offrir des épices au juge…

L’apothicaire, marchand d’épices

Histoire des épices 17_bl-10

Si les apothicaires utilisent épices, sucre, moutarde, plantes médicinales et aromatiques… pour préparer les remèdes, ils peuvent aussi vendre des substances naturelles telles les amandes, les figues, les épices… très prisées dans l’alimentation.
Ils appartiennent d’ailleurs, et pendant un certain temps à la corporation des épiciers.
Statut contre lequel ils lutteront, refusant : d’être assimilés à de simples marchands.

Il semblerait que les apothicaires commanderaient les épices en début d’année de façon à les recevoir avant Carême, période de grande consommation d’épices.

Épiçons tout pour être en bonne santé

Au Moyen Âge, l’alimentation maigre, bien épicée et la médecine restent très liées.
Car les médiévaux considèrent que la cuisine soigne « le corps et l’esprit ».
Ils pensent aussi que les plats bien relevés, une fois avalés, continuent « à cuire » dans l’estomac et encore plus vite en présence d’épices.
Ce qui favorise leur digestion.

De plus, à chaque épice est attribué un grand nombre de vertus.
Voici trois exemples :
— le poivre noir, aussi bon dans la conservation des viandes que dans les cataplasmes ; mais pas seulement :
   il conforte l’estomac, dissipe les vents, guérit les morsures de serpent, fait sortir l’enfant mort…
   Mâché avec raisins secs, il purge le cerveau du flegme et ouvre l’appétit.
— le clou de girofle :
   efficace contre les maladies des yeux, du foie, du cœur et de l’estomac…
   Son huile lutte contre le mal de dents.
   Et « deux ou trois gouttes en bouillon de chapon anéantissent la colique.
   Si on le bout en bon vin avec semence de fenouil, on digère mieux. »
Quant au safran s’il colore le plat, lui offre saveur et parfum, il est utilisé en médecine pour provoquer le flux menstruel des femmes.

Des épices partout, mais pas n’importe comment

Les épices entrent dans la confection des plats de viande, de poisson, de potage, dans les sauces, dans les boissons…
Et les traités de cuisine précisent la quantité à utiliser, les mélanges à réaliser, à quel moment les ajouter…
Rien n’est laissé au hasard.
Par exemple pour la grue rôtie, il faut une sauce aigre-douce comportant de la marjolaine et du safran, par contre pour les oiseaux de rivière le safran ne convient pas…
La cuisine médiévale épicée est un art de saveur et de couleurs.
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Message  Jean le noir Mer 24 Jan - 10:03

LES ÉPICES, UN MARQUEUR SOCIAL

L’Occident médiéval est loin d’être un univers en vase clos.
Les manuscrits, comme le célèbre Viandier au 14e siècle, témoignent d’une véritable passion pour les épices, ces marchandises venues d’Orient, auxquelles se rajoutent les herbes aromatiques locales.
Dans cette histoire des épices Au Moyen Âge, les plus grands consommateurs appartiennent à l’élite.
En plus de leur usage thérapeutique, de leur vogue en matière de goût, l’achat d’épices diversifiées et rares – donc très coûteuses – permet surtout de se démarquer socialement.
L’historien Bruno Laurioux cite le cas de Guillaume de Murol, seigneur Auvergnat, qui achète pour un mariage dans la famille de son vassal une livre-poids d’épices !
Si on compare avec notre usage des épices aujourd’hui, cela représente une quantité vraiment importante…
Des pièces d’orfèvrerie sont d’ailleurs conçues pour les présenter : les boîtes à épices.
Les plus spectaculaires sont les nefs de table exposées lors des banquets princiers : en plus des couverts de son propriétaire on y trouve des coupelles pour les épices les plus précieuses.
Les autres catégories sociales, ne sont pas en reste : le poivre rond en particulier, délaissé par les élites car devenu trop banal, fait les délices de tous ceux qui peuvent en acquérir pour épicer leurs plats.
Se dessine ainsi le portrait d’une période inventive et audacieuse dans l’usage culinaire des épices …
Très loin donc de l’image fausse d’un Moyen Âge sombre et barbare qui utiliserait des épices pour masquer le goût de la viande avariée !

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LES USAGES DES ÉPICES AU MOYEN ÂGE

Si on utilise des épices dès l’Antiquité, elles n’étaient pas aussi diversifiées qu’au Moyen Âge.
Dans les manuscrits dits « d’Apicius » au 4e siècle, l’historien ne relève que deux épices exotiques : le poivre et le silphium de Cyrénaïque.
Les autres plantes sont des aromates locales.
Dans le «Viandier », un manuscrit du 14e siècle, il en recense une vingtaine !
La plupart viennent alors d’Orient…
C’est au sommet de la hiérarchie sociale que l’on trouve cette remarquable diversité.
Voici la liste des épices achetées en 1359-1360 pour la cour du roi de France Jean le Bon : poivre blanc, poivre long, graine de paradis, noix de muscade, cardamome, galanga, cannelle, cubèbe, spicnard, clou de girofle, fleur de cannelle, macis, anis, gingembre et sucre.
Si elles peuvent être utilisées en parfumerie, les épices ont surtout un usage médicinal et culinaire .
Dans ces deux domaines la théorie des humeurs conditionne leur emploi.
En effet, selon la pensée médiévale, le corps humain se maintient en bonne santé quand il y a un équilibre entre les quatre éléments principaux que sont le chaud et le froid, l’humide et le sec.
Il y a donc un usage des épices différencié selon les aliments, et les saisons.
L’hiver froid et humide est une période qui comptait plus de plats avec des épices, considérées comme chaudes et sèches...
Aujourd’hui encore les épices restent les incontournables des recettes hivernales !

Illustration : Livre des Merveilles de Marco Paulo, suivi de plusieurs traductions de Jean le Long faites en 1351, manuscrit enluminé, f°14v, 1400-1420 et 1470-1475.

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Message  Jean le noir Mar 9 Avr - 19:10

La cardamome

Parmi les épices moins aimées au Moyen-Âge, il y a la cardamome : elle vient d'Extrême-Orient et est une baie qui contient des graines qui sentent légèrement la menthe.
Dans un livre de recettes arabe du Xe siècle. , le Kitab al-tabih, explique que la cardamome a été utilisée pour aromatiser le sel.
Certainement connu au Moyen Age occidental, selon les relations commerciales des commerçants, il était rarement utilisé et était principalement utilisé dans les sauces.
Dès le XVe siècle, ils perdent complètement la trace et ils ne le mentionnent pas dans les recettes de la Renaissance.
On dit qu'il est utile contre la toux et le rhume, mais aussi comme accélérateur de métabolisme.

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